samedi 10 novembre 2012

Faire face à la France raciste.

Campagnes contre l'islamophobie et le racisme, plan contre l'homophobie, appel conjoint de François Hollande et du premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, contre l'antisémitisme, le 1er novembre à Toulouse... Pouvoirs publics et associations tirent la sonnette d'alarme. Et il y a de quoi. Toutes les études le montrent : les préjugés, qui étaient en recul depuis 2005, sont repartis à la hausse depuis deux ans. La crise économique n'est pas seule en cause. "Lorsque le politique se permet de raisonner en généralités sur tel ou tel groupe ethnique, cela contamine le débat public et favorise l'expression des préjugés", constate Jérôme Sainte-Marie, directeur du pôle Opinion de l'institut de sondage CSA, qui réalise chaque année une étude sur la tolérance des Français pour la Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH).

Depuis 2010 et le discours de Grenoble de Nicolas Sarkozy sur l'immigration, les Français se montrent de plus en plus intolérants. La campagne présidentielle de 2012, marquée par une "ethnicisation" du discours politique, s'inscrit dans le même registre. "Jamais, durant la Ve République, une élection n'a été autant entachée par des propos racistes ou xénophobes, venant non seulement du FN mais aussi d'une partie de la droite, ce qui a fait sauter les verrous", souligne Sipa Réda Didi, délégué général de Graines de France, un groupe de réflexion qui a rendu le 30 octobre un rapport intitulé "Altérité, racisme et xénophobie dans les campagnes présidentielle et législatives de 2012". A l'heure où les tensions s'aggravent – six fois plus d'actes de violence visant les musulmans par rapport à 2005 et hausse de 45 % des actes antisémites durant les huit premiers mois de l'année – les initiatives pour lutter contre les discriminations se multiplient.
Une opération de communication ne réglera pas le problème, et ce n'est d'ailleurs pas l'objectif, explique Alain Jakubowicz, président de la Licra (Ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme) qui s'apprête pourtant à lancer une nouvelle campagne. Il s'agit seulement de continuer à montrer qu'il existe des citoyens militants prêts à se battre contre les préjugés." Question d'affichage, en somme. S'il est important de proclamer l'illégitimité du racisme, cela reste insuffisant. Voire contre-productif. "Il faut adopter une ligne plus agressive dans nos messages, moins gnangnan", insiste le président de la Licra. "Moins moralisatrice surtout, précise le sociologue Eric Fassin. La bonne conscience paraît toujours condescendante." Un véritable exercice d'équilibriste.

La campagne "Nous sommes la Nation", lancée par le Collectif contre l'islamophobie en France (CCIF) le 31 octobre, revisite le tableau du Serment du Jeu de paume du peintre Louis David, en mettant en scène des citoyens, hommes et femmes, dont certaines sont voilées. Une façon de bousculer les représentations. "On tend à s'imaginer que la France "historique" était blanche, mais c'est oublier les colonies !", poursuit le sociologue. "Il ne s'agit pas de changer les mentalités mais d'entamer un travail de déconstruction des préjugés et de montrer que l'histoire de France est faite de diversité", renchérit le porte-parole du CCIF, Marwan Muhammad. La campagne cible les politiques et cherche à exister sur la scène médiatique afin de les obliger à se saisir de la question et à se positionner.
Le ministère des droits des femmes vient d'ouvrir la voie. Le 31 octobre, Najat Vallaud-Belkacem a présenté un vaste plan destiné à lutter contre l'homophobie - qui prévoit notamment des formations dans l'éducation nationale, la magistrature, la police, les services de santé... "On sait aujourd'hui que la parole du politique a un impact direct sur les comportements, insiste Sipa Réda Didi, de Graines de France. C'est au gouvernement de prendre les mesures qui s'imposent, malheureusement rien est vraiment mis en œuvre pour détricoter le mal qui a été fait pendant la campagne. La gauche reste en mode réactif." Peut-être trop timorée face à une droite décomplexée.

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