samedi 9 février 2013

L'islamisme est un crime, pas le «printemps» par Kamel Daoud

Un avocat leader de la gauche est abattu en Tunisie. En Algérie, l'écho des quatre balles assassines convoque brutalement les années 90 : «comme nous». C'est-à-dire GIA, liste de gens à abattre, djihadistes tueurs, intellectuels abattus. Le début de la décennie noire. Prouvant que les islamistes, en Tunisie, en Egypte ou sur la lune, ne lâcheront jamais le pouvoir, le veulent au prix du sang et du viol, considèrent que c'est un don de Dieu et pas des urnes et croient que puisqu'ils possèdent la vérité, les autres sont dans le mensonge et peuvent être tués.

Les conclusions ? D'abord la première : les islamistes ne croient pas à la démocratie, sont des voleurs et tueurs de la moitié d'un peuple pour pouvoir gouverner l'autre moitié. Ils ne lâcheront jamais le pouvoir que s'ils sont tous tués et éradiqués. C'est une tumeur, pas un mouvement politique normal. La seconde ? Celle de beaucoup d'Algériens défaits : le printemps «arabe» est mauvais, dit-on désormais. Pourquoi ? Parce qu'il conduit les islamistes au pouvoir, puis au meurtre, puis à la tuerie collective, puis le reste du pays au chaos. A la fin ? Un Ben Ali vaut mieux qu'un Ghannouchi, conclut le fatalisme laïc.

Et c'est triste de voir que le fatalisme conduit à préférer une dictature à une autre. Comme si nous n'avions pas droit à la liberté et à gouverner nos pays par nos choix et nos droits. Comme si le choix se résumait éternellement entre la peste familiale ou le cancer wahhabite. Et cela fera profondément plaisir à des régimes comme le nôtre : voyez ce qui vous arrive si vous nous chassez. Voyez ce qui arrive aux malheureux qui demandent la liberté. Et c'est finalement ce qui arrive : la demande de liberté et de démocratie est culpabilisée comme un crime et une insolence. La demande de démocratie est punie par le spectacle du chaos. Et c'est le retour en arrière. Par la nostalgie ou le réflexe de renfermement.

Et c'est faux bien sûr : on n'est ni mieux, ni pire que le reste de l'humanité. Demander la liberté et à gérer son pays par ses élites, son choix, la modernité, une école progressiste, des gouvernants soumis à la règle de la transparence et du compte à rendre, n'est pas un crime. Refuser du Ben Ali, sa femme, ses fils ou ses sbires, n'est pas un crime. Que des fascistes en profitent en passant par le vote de peuples qui n'ont jamais été libres de voter, ne signifie pas qu'on doive revenir vers les dictatures ou accepter les régimes policiers. Cela signifie qu'il faut continuer à marcher de l'avant et à conclure les deux grandes ruptures : avec la doctrine du dictateur gardien de l'ordre et celle de la religion, comme solution parfaite.

Dans certains pays «arabes», on a réussi à renverser le dictateur. Reste la religion à réformer profondément, partout ailleurs. A faire revenir vers la sphère du choix privé. A distinguer de la cité, de la politique. Reste les islamistes à vaincre et à refouler vers leur Arabie Saoudite et leurs fatwas de psychopathes moyenâgeux.

L'irruption des islamistes et de leurs tueurs ne signifie pas que la démocratie est mauvaise et que la demande de liberté est un crime. Cela signifie que la révolution continue chez certains, qu'il faut en finir avec l'illusion que les islamistes peuvent jouer au jeu de la démocratie, qu'il faut se débarrasser de ce lien de culpabilité que les élites modernistes éprouvent face aux islamistes et qu'il ne faut plus hésiter à crier ses croyances là où l'autre tente de nous imposer les siennes. Cela se passe entre la peste des régimes policiers et le cancer des islamistes. Les premiers veulent annexer les pays à leurs femmes et les seconds à l'Arabie. Et cela n'est pas fini : se réveiller le matin sur un article d'Echourouk sur une association, «El Dâawa», à Blida qui active pour voiler les fillettes de moins de 15 ans et qui présente même son bilan de victimes : 300 têtes. C'est vous dire que quand les islamistes ne peuvent plus tuer des leaders de gauche, ils tuent l'avenir et s'attaquent aux enfants.

La Tunisie peut éviter les années 90 sans retomber dans nos années 2000. On l'espère pour elle. Pour nous.

par Kamel Daoud

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