vendredi 25 octobre 2013

Al-Andalous ou l'âge d'or des juifs en terre d'islam

Les États arabes ne sont pas forcément des "loups" pour Israël. La preuve par l’histoire : du VIIIe au XIe siècle, l’Espagne musulmane s’est caractérisée par une inclusion des juifs sans précédent dans les affaires de la péninsule.
C’est un sujet qui enflamme encore les passions, mille ans après : oui ou non, les juifs ont-ils connu un âge d’or sous des gouvernants musulmans, notamment en Andalousie ? Si la réponse est oui, alors Israël n’est pas forcément entouré de "loups", selon l’expression de Benyamin Netanyahou, son Premier ministre, et la paix est possible. Où l’on voit que des événements qui se sont produits à une époque où les Carolingiens régnaient en Europe du Nord semblent parfois dater d’hier…
En fait, la question est mal posée. Car elle ne tient pas compte des variations qu’a connues l’Espagne musulmane au cours des siècles. Il faut en effet distinguer entre les deux Andalousie (ou plutôt les deux "Al-Andalous", car jamais les frontières de l’Espagne musulmane n’ont coïncidé avec l’actuelle province espagnole) : il y a eu d’abord la période où cette partie de la péninsule ibérique, aux frontières mouvantes, s’administrait elle-même (en gros, du VIIIe siècle au XIe siècle), puis celle où elle fit partie d’un empire musulman dont la capitale était au Maroc.
C’est au cours de la première période, pendant l’émirat puis le califat de Cordoue (912-1031), que se situe le fameux âge d’or des juifs en Espagne musulmane, en particulier sous le règne d’Abd al-Rahman III (912-961). Son conseiller juif, le médecin Hasdaï ibn Shaprut, s’occupait aussi des affaires étrangères, du commerce extérieur, de la douane, etc. Cordoue devint la Mecque, si l’on ose dire, de tous les juifs curieux de science, de philosophie, de savoir.
Tout juif était un dhimmi ("protégé", en arabe), ce qui lui garantissait la propriété, la liberté de culte et un certain degré d’autonomie juridique.
La situation change au cours du XIe siècle, avec l’arrivée dans la péninsule des Almoravides, puis des Almohades au XIIe siècle. Les deux dynasties berbères ont une conception rigoureuse de l’islam. La doctrine des Almohades, en particulier, telle que prêchée par le mahdi Ibn Toumert, serait aujourd’hui dite "intégriste" ou "fondamentaliste". Almoravides et Almohades furent moins tolérants à l’égard des juifs. Mais ceux-ci étaient-ils mieux lotis ailleurs en Europe ? Fait significatif : lorsque la famille du grand penseur juif Moïse Maïmonide (1138-1204) fut contrainte à l’exil sous les Almohades (il avait alors 13 ans), c’est au Maroc actuel qu’elle s’installa… Et lui-même, à l’âge adulte, vécut en Égypte.
Cela dit, le statut juridique des juifs était le même dans les deux Al-Andalous, quelle que soit l’attitude bienveillante ou méfiante de l’émir musulman envers eux. Les "gens du livre", chrétiens ou juifs, jouissaient d’un statut particulier, la dhimma. Tout juif était un dhimmi ("protégé", en arabe), ce qui lui garantissait la propriété, la liberté de culte et un certain degré d’autonomie juridique, par le biais des tribunaux rabbiniques. En revanche, il devait payer un impôt spécial, porter des vêtements distinctifs et ne pouvait exercer certains métiers. Les fonctions politiques ou militaires lui étaient interdites. De ce point de vue, les dhimmi étaient effectivement des citoyens de seconde classe, comparés aux musulmans. Et cela suffit à ceux qui jugent l’Histoire rétrospectivement pour rejeter la notion d’un âge d’or en Al-Andalous. C’est une question d’optique.

Par Fouad Laroui


source Jeune afrique

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