samedi 12 octobre 2013

Belmokhtar arrêté : il s'appelle Abdelghani Aloui, 25 ans par Kamel Daoud

Un cache-nez, un PC, un blog et une blague peuvent vous mener à la prison. Ce que Chadli n'a pas fait à l'époque de la SM, Bouteflika le fait à l'époque de la chaise roulante. Un jeune de Tlemcen, du nom de Abdelghani Aloui, est accusé et emprisonné pour mauvaise blague sur Facebook parce que la blague visait Bouteflika et Sellal et le reste du monde. Des gendarmes, selon les comptes rendus de presse, se sont rendus chez lui à Tlemcen, ont perquisitionné, pris le PC et convoqué le jeune homme à Alger. Là, il sera entendu et inculpé. Les chefs ? « Outrage à corps constitué » et apologie du terrorisme. La formule all-inclusive. Cela intervient quelques jours après qu'on ait décidé de s'attaquer aux cyber-djihadistes d'El Qaïda qui habitent le Sahara et mangent nos diplomates et attaquent les puits de gaz. Sauf qu'au lieu d'arrêter Belmokhtar Mokhtar ou de libérer les diplomates otages, la loi et ses hommes ont servi à arrêter un jeune homme de 25 ans à Tlemcen. Cela dément au moins la théorie du régionalisme comme idéologie ou presque : pour être ministre, il faut être Tlemcenien en gros, mais pour faire de la prison, c'est ouvert à tous. 

Pour le reste, cette histoire est ridicule, tragique et grotesque. Chadli à l'époque était l'objet d'une encyclopédie de blagues sur sa peau et ses cheveux. Ce fut une belle époque malgré les pénuries et la SM. Ce n'est plus le cas aujourd'hui. Il ne faut pas rire. Pas dire, pas écrire ou si peu. Et encore moins si vous êtes anonyme, 25 ans, inconnu et sans soutiens internationaux et publics. Cette célérité à arrêter un jeune homme qui s'amuse sur le net est un outrage au bon sens, un excès de zèle. Avec en bonus l'apologie du terrorisme à cause d'un cache-nez. Où est dans donc la blague ? Dans le PC ou dans la tête du pouvoir ?

Les grandes misères des pays sous-développés ne sont donc pas dans le ventre, les mains et l'errance du pied, mais dans la tête, dans cette susceptibilité du dictateur quant à son image. Il y a le même lien malade entre le refus d'ouvrir le champ audiovisuel, le contrôle strict des images, la chouroukisation des lignes éditoriales et ce procès ubuesque.

Depuis 2011, entre l'émeute et les révolutions voisines, le régime chez nous, a réussi une prouesse unique : au lieu d'ouvrir et de concéder, il a fermé encore plus, verrouillé et assiégé après avoir payé. La loi sur l'audiovisuel est une arnaque, celle sur les associations est une prise d'otage politique, celle sur la possibilité de « marcher » en dehors d'Alger est une ruse, celle sur le pluralisme est une inflation, celle sur le livre ou le film est un retour à l'autoritarisme. Et celle sur les blagues contre Bouteflika est une blague qu'on peut payer de sa peau. Belmokhtar vient donc d'être arrêté à Tlemcen. Il s'appelle Abdelghani Aloui, il a 25 ans et un PC. C'est ridicule de dire ça ? Pas plus que de faire passer l'un pour l'autre et d'arrêter un jeune homme pour apologie de terrorisme pour un cache-nez. Louh aurait pu éviter à Bouteflika la huée. Le pays n'a pas besoin du loufoque en plus de ce qu'il a déjà vécu. 

Kamel Daoud

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