jeudi 17 octobre 2013

Vu de ParisInternet, racisme et intolérance ici et là-bas


A croire que le racisme est la chose la plus partagée entre les nations et les populations actuellement. Est-ce simplement un effet de la crise multiforme que traverse le monde ? La semaine passée regorge entre le Nord et le Sud de tristes exemples.
A Paris cette semaine, c’est une mobilisation à gauche et l’embarras à droite qui dominent après l’expulsion d’une adolescente kosovare expulsée après avoir été arrêtée lors d’une sortie scolaire. La jeune fille, originaire de l’Est de la France, a été reconduite à Mitrovica où depuis elle dort sur un banc.

 Depuis, la bronca a été sans précédent dans la société française et les lycéens se mobilisent également contre l’expulsion d’un autre sans papiers arménien, expulsé samedi dernier après un vol commis dans Paris. « Halte à la Valls des expulsions», scande une jeunesse humaniste, accueillante et généreuse quand ses parents et ses grands-parents surtout se tournent de plus en plus vers l’extrême droite de la fille Le Pen.

Durant cette séquence, le premier ministre Jean Marc Ayrault a lancé une enquête et promis, s’ il y a eu faute de la police, le retour de la jeune Kosovare. Si une partie de la population compatit au malheur de la fillette, une autre part du pays approuve en silence l’action de la police de Manuel Valls et l’expulsion d’une enfant dont les parents sont venus prendre la place d’un « bon Français ». Le racisme, même sous un gouvernement de gauche a de beaux jours devant lui. Et l’offensive nauséabonde sur Internet de bien des activistes d’extrême droite français en est la preuve quotidienne.

Le week-end dernier, c’est à Moscou que les autorités ont dû intervenir contre des manifestations ultra-violentes menées contre les minorités du Caucase et souvent musulmanes venues chercher la prospérité dans la capitale moscovite. « La Russie aux Russes », c’est derrière cette bannière que se sont réunis les manifestants. Une manifestation qui s’est rapidement transformée en émeutes puisqu’au terme de ce rassemblement, quelques 380 personnes ont été interpellées par les forces de l’ordre. Pour la plupart jeunes, souvent nationalistes radicaux, sans doute membre d’un des 150 groupes nationalistes que compte la Russie selon les chiffres officiels. Moscou est devenue le terrain de guerre de ces groupuscules qui n’hésitent plus à afficher leur colère contre une immigration qu’ils accusent d’être responsable de nombreux maux de la société russe et notamment du taux de criminalité très élevé dans ce secteur de la capitale. Ici aussi la misère et l’immigration ont bon dos.

Ce racisme qui débouche sur des actes violents reste parfois uniquement verbal. Sur Twitter et sur la toile algérienne, ce sont plusieurs supporters de football dont l’histoire nous a enseigné le degré de bêtise, qui se sont lâchés dans une logorrhée raciste et xénophobe à l’encontre des joueurs du Burkina Faso, coupables d’avoir bénéficié de largesses arbitrales, lors du match face à l’Algérie. Le racisme anti-noir connaît une vieille et lamentable tradition au Maghreb et, à intervalles réguliers, les mots de « singes » à qui on lance des bananes refont surface. A ceci près qu’avec Internet on peut maintenant avoir une idée assez nette de ces diatribes haineuses, qui suintent la médiocrité et la bassesse.
Parfois, ce sont même des journalistes qui dans l’exercice de leur métier, doivent faire les frais de cette haine désastreuse, qui abaisse d’abord ceux qui s’en rendent coupables. C’est le cas sur tous les sites internet du monde et donc également sur TSA où  des analphabètes bilingues viennent tenir des propos qu’ils n’auraient pas le cran de répéter, s’ils devaient l’être de manière publique. Ainsi Hafid Derradji, chroniqueur sur TSA et commentateur vedette d’Al Jazeera, a-t-il été vilipendé de façon indigne, pour avoir simplement rappelé les règles communes du sport à la télévision après le hold-up de l’ENTV, sur les droits de retransmission du match Burkina Faso-Algérie.
Mais qu’attendait-on de lui ? Que ce grand professionnel dont l’Algérie peut s’énorgueillir, déjuge ses employeurs et en l’occurrence ceux qui le paient ? Il aura été au contraire l’honneur du pays, en s’abstenant d’employer des mots trop connotés à l’égard des Algériens; mais cela les commentateurs anonymes planqués derrière leur écran ne s’en rendent même pas compte. Ils préfèrent manier le degré zéro de l’insulte à caractère raciste et bien souvent antisémite, quand il ne leur reste plus que cela, pour exprimer ce qu’ils pensent être des idées bonnes à partager. Plusieurs journaux dans le monde ont déjà choisi d’interdire les commentaires sur leurs sites et Twitter se retrouve à devoir faire la police sur son application. C’est peut-être là le début d’une dépollution d’Internet.
Heureusement que l’actualité nous laisse aussi espérer des rencontres et brassages entre des cultures différentes et leur enrichissement. Ainsi à Marseille, dans cette ville où le Front national n’a jamais réussi à prendre véritablement pied, dans cette cité où toutes les minorités sont fières d’être marseillaises, une femme d’origine algérienne a éclairé la vie politique. Elle risque certainement de ne pas remporter le deuxième tour du scrutin de ce dimanche face au candidat du parti socialiste, lequel est déjà adoubé par les huiles du parti gouvernemental. Mais il faut saluer le score de Samia Ghali. Ainsi cette femme, pétulante et marseillaise jusqu’au bout des ongles, est-elle arrivée en tête du premier tour de la primaire socialiste, appelée à désigner le candidat de la gauche. Avec des méthodes contestables accusent ses adversaires - elle a fait affréter des bus pour conduire jusqu’aux bureaux de vote des électeurs partisans -, Samia Ghali, fille d’Algériens a convaincu plus de 25 % des socialistes locaux. C’est un espoir pour cette femme qui incarne un véritable visage de l’intégration par la politique. Humaniste et militante à la fois, cette socialiste est sénatrice de la République française, représente le sel du débat. Passionnée, parfois de mauvaise foi, elle est néanmoins toujours respectueuse. Le respect, voilà ce qui peut-être, empêche les hommes de tomber dans l’invective et les préjugés.
Il y a 51 ans, le racisme en temps de guerre causait la mort de plusieurs dizaines d’Algériens  à l’issue d’une manifestation pacifique à Paris. C’était là, le bilan le plus tragique depuis la Commune de Paris en 1871. Autant dire que devoir commémorer cette violence politique nourrie par la haine de l’autre, virus inoculé par le racisme quotidien, est un devoir pour tout républicain français. L’an dernier, François Hollande a reconnu cette tache sur la République et cette semaine, 51 ans presque jour pour jour, l’espoir portait assurément le visage de Samia Ghali, une fille de Chaouis. L’Histoire n’est pas uniquement tragique. Espérons...
Gauthier de Voland

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