samedi 4 avril 2015

Les harkis reviennent cette semaine

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Quelle que soit notre réponse, quelle que soit notre position, ce livre fera que les harkis reviennent cette semaine.
Tahar Ouettar avait écrit un jour «les martyrs reviendront cette semaine». Pour les jours à venir, ce sont les harkis qui vont revenir. Ben Bella ressemblait à un héros national. Certains l'ont fait traître. Il en est de même pour Messali qui se réveille lui aussi traître, d'après d'autres. Boussouf, que d'aucuns portent haut pour ce qu'il avait fait pour la révolution, est accusé d'avoir trahi et donné les siens... Dans ce jeu, il y en a qui se sont focalisés sur les morts parce que les morts ont toujours tort. Mais il y en a qui se sont attaqués aux vivants. Certains sont allés jusqu'à remettre en cause beaucoup de versions officielles. Et la liste est longue.
Ces situations, peu communes, n'ont été possibles que parce que nous n'avons pas l'histoire écrite de la révolution. Et, comme généralement, dans des conditions normales, l'histoire des peuples a toujours tendance à être écrite, disons franchement que ce que nous vivons ces jours-ci n'a été possible que parce qu'on a toujours empêché que l'Histoire de la Révolution soit écrite.
Pourtant, écrire son histoire, lorsqu'on est un peuple, permet d'avoir une mémoire. Cela aide à avancer. A traverser le temps. A regarder les
autres. Bien en face. A dire ce qu'on a envie de dire. A qui on veut le dire. Sans peur de surprises, sans craindre d'être pris en défaut.
Ne pas écrire son histoire, par contre, expose à l'imprévu. Oblige à chercher toujours dans les poches quelques prétextes, parfois sonnants, pour faire face aux situations nouvelles. Ou pour faire face aux incrédules. «Le dernier tabou»! C'est le titre d'un nouveau livre qui va faire du bruit. Un livre qui traite des harkis. L'auteur soutient l'idée qu'ils sont restés chez nous. «Les harkis sont restés majoritairement en Algérie» affirme-t-il, chiffres à l'appui. Il avance qu'ils étaient 450.000 à servir la France coloniale et que «sur ces 450.000 hommes, seuls 30.000 au maximum sont partis en France». Tous les autres sont restés là?! Cela fait beaucoup tout de même, mais bon!
Notre Histoire a été piégée par ceux qui n'avaient pas intérêt à ce qu'elle fût écrite. Ils nous l'ont transmise de bouche à oreille, comme on transmettait la poésie du temps de la «jahiliya». Et, comme dans le discours oral, tout peut arriver, alors des noms ont disparu, d'autres sont apparus. Des faits importants ont été minimisés, d'autres sans signification ont dû être exagérés. les fantasmes des uns, les délires des autres ont eu tout le temps de prendre forme. Et les craintes du peuple aussi. Chose qui aurait été impossible si l'on avait opté pour l'écriture, plus simple pourtant.
Beaucoup d'autres choses auraient été impossibles si notre Histoire était écrite dès le début. On n'aurait pas vécu dans l'erreur. On n'aurait pas trompé le passé. Menti à l'avenir.
Si on avait écrit notre histoire, on aurait vécu comme le reste de l'humanité. Notre révolution n'aurait jamais servi de plateau à servir pour gâter les uns ou d'épée de Damoclès pour faire taire les autres. Il n'y aurait jamais eu cette terrible injustice qui a accompagné notre marche de soixante ans. Et nous n'aurions jamais eu ce parcours désastreux parce que les incompétents et les médiocres auraient eu peur de s'emparer des porte-voix. Aujourd'hui, si nous ne savons plus où nous en sommes, si nous ne savons plus où il faut aller, si nous craignons pour notre lendemain, c'est d'abord parce que certains ont toujours empêché que soit écrite notre histoire.
Que dire aujourd'hui à propos de ce nouveau livre? Nous contenterions-nous d'en insulter l'auteur avec mépris et faire croire qu'il divague? Ou bien allons-nous jeter un coup d'oeil dans les mémoires poussiéreuses qui restent? Il faut d'abord qu'elles soient lucides. Qu'elles n'aient pas ouvert de compte dans la Hsbc suisse et qu'elles n'aient pas acheté d'entreprises au dinar symbolique.
Quelle que soit notre réponse, quelle que soit notre position, ce livre fera que les harkis reviennent cette semaine.
http://www.lexpressiondz.com/actualite/213669-les-harkis-reviennent-cette-semaine.html

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