dimanche 12 juillet 2015

Ghardaïa enterre ses morts dans le calme. Une foule nombreuse a accompagné les victimes à leur dernière demeure

C’est dans la dignité et le calme que les victimes des derniers affrontements fratricides ont été enterrées hier à Ghardaïa. ©M. Mehenni/Liberté

Guerrara a enterré hier ses morts dans la douleur. Un impressionnant cortège funéraire a conduit les 18 victimes du carnage du mercredi noir jusqu'à leur dernière demeure. Il était temps.
La morgue de l'hôpital ne pouvant contenir que 9 dépouilles, les autres corps avaient commencé à se décomposer, comme en témoignait l’odeur qui envahissait les lieux.

La morgue de l'hôpital ne pouvant contenir que 9 dépouilles, les autres corps avaient commencé à se décomposer, comme en témoignait l’odeur qui envahissait les lieux.
Samedi 11 juillet 2015. Il est 6h30. Sept fourgons quittent l'hôpital Cherifi-Mohamed de la localité de Guerrara, à 120 km au nord-est de Ghardaïa. Les 13 défunts mozabites n'ont pas eu droit au lavage mortuaire. Pour avoir défendu les personnes et les biens de la communauté, les rites ibadites veulent qu'ils soient enterrés couverts uniquement du drapeau national. Ils sont considérés comme des martyrs du devoir. Le quatorzième défunt mozabite sera, lui, enterré parmi les siens, dans la localité d'El-Attef, à 10 km au sud de Ghardaïa. Il faisait ses classes dans un institut coranique à Guerrara.
Après quinze minutes de route, le cortège funéraire arrive au cimetière mozabite Cheikh Babouhoun. Quelque 2 000 personnes formant plusieurs rangées attendent. Dans l'ordre et le silence. “Nous n'avons pas voulu marcher dans la ville pour éviter tout incident. Vu le grand nombre de participants aux funérailles, les services de sécurité auraient eu du mal à encadrer la marche”, explique Hamou Oudjana. Les 13 cercueils sont retirés des fourgons par de jeunes personnes portant des masques chirurgicaux. La morgue de l'hôpital ne pouvant contenir que 9 dépouilles, le reste des corps placés dans une salle quelconque commençait à se décomposer, comme en témoignait l’odeur qui envahissait les lieux. Certaines dépouilles sont d'ailleurs particulièrement gonflées. “L'autopsie a pris du temps. Certains corps comportaient des traces de balles réelles. Mais nous ne pouvions pas les garder au-delà d’hier matin. Des dépouilles ont commencé à pourrir. Nous avons alors contacté les deux communautés pour les récupérer et les enterrer dans les plus brefs délais”, explique une source hospitalière. Les cercueils sont ainsi placés en direction de l'Est. À la tête de la foule funéraire où les “azabas” et les notables de la communauté forment la première rangée avec les familles des victimes. L'imam entame la prière. Nombreux sont ceux qui tentent de retenir leurs larmes. Vainement. Ils pleurent en silence. Et ce sont alors que presque 2 000 personnes répètent d'une seule voix à trois reprises après l'imam : “Yenha el-monkar.” Le cimetière vibre sous cette formule typiquement mozabite et qui veut dire “Cessez le mal”. Tout d'un coup, revoilà le silence ! Certains ont visiblement encore quelque chose au fond de la gorge. Ils veulent extérioriser. Des éclats en sanglots. Une interminable file se dresse et chacun essuie ses larmes. Les familles des victimes parcourent la file pour recevoir les condoléances. Les hautes instances spirituelles de la vallée du M'zab prennent la parole et prononcent un discours : “Nous offrons nos morts en guise de tribut. Un sacrifice pour l'Algérie et l'unité nationale. Nous espérons que nos morts donneront à réfléchir au pays pour ne pas rééditer les mêmes erreurs. Nous espérons apprendre ensemble la leçon. Nous demandons au président de la République, Abdelaziz Bouteflika, de se pencher sur les véritables raisons du conflit. Nous attendons des solutions concrètes et réelles.” Sur ces mots, la foule se disperse dans le calme. Le cœur gros de chagrin et la mort dans l'âme. De l'autre côté de la ville, la communauté chaâmbie entamait également d'enterrer ses morts au cimetière Sidi-Abdelkader. Ils sont cinq à avoir rendu l'âme dans les violents affrontements qu'a connus la région dans la nuit de mardi à mercredi dernier. Aucun incident n'a été relevé.
M. M.
http://www.liberte-algerie.com/dossiers/ghardaia-enterre-ses-morts-dans-le-calme-229256

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