jeudi 14 septembre 2017

Littérature. L’Algérie s’invite dans la rentrée littéraire française

Sur les 581 livres parus dans le cadre de la rentrée littéraire française 2017, une petite dizaine d’ouvrages ont pour thème l’Algérie, en particulier les non-dits de la guerre, relève le site Tout sur l’Algérie qui propose un tour d’horizon d’une sélection de ces titres.



Hors de toute commémoration, et alors que les derniers témoins de la guerre d’Algérie sont en train de disparaître, plusieurs auteurs publiés durant la rentrée littéraire française – qui bat actuellement son plein – reviennent par le biais de la fiction sur ce chapitre historique toujours aussi clivant et électrique. À travers les récits de pieds-noirs, de harkis ou d’appelés, ces romans offrent une vision décalée ou plus nuancée des “événements”.
Au-delà de la guerre, d’autres ouvrages s’attachent à raconter l’Algérie et offrent par le prisme de leurs héros respectifs une réflexion sur le pays. Qu’ils puissent éclairer, à défaut d’apaiser. Tour d’horizon.

Nos Richesses, Kaouther Adimi

Déjà remarquée pour son premier livre L’Envers des autres (Actes Sud, 2011), Kaouther Adimi publie Nos richesses, son troisième roman, aux éditions du Seuil.
En 1936, un certain Edmond Charlot, 20 ans, ouvre, dans le quartier des facultés, une librairie-maison d’édition baptisée Les Vraies Richesses à Alger, avec l’ambition de promouvoir de jeunes écrivains de la Méditerranée, quelle que soit leur langue ou leur religion. Il publie notamment le premier texte d’un de ses amis de lycée, encore inconnu, un certain Albert Camus. Au fil des années, Charlot devient une figure majeure de l’édition française. Mais en 2017, dans une Algérie qui n’a plus grand-chose à voir avec celle de la France coloniale, l’auteure imagine que cette librairie doit fermer pour laisser place à une boutique de beignets. Si ici la petite histoire permet de mettre en perspective la grande, elle alerte aussi sur un problème en Algérie : l’absence de politique du livre et le peu de librairies existantes dans le pays.
Nos Richesses, également publié aux éditions Barzakh (Algérie), fait partie des ouvrages retenus pour la première sélection des prix Goncourt et Renaudot 2017.

Indocile, Yves Bichet

À la sortie de l’adolescence, le jeune Théo, 18 ans tout juste, veille Antoine, son ami blessé revenu de la guerre d’Algérie, dans un hôpital militaire. À son tour il est appelé, mais refuse de participer à ce conflit. Le jeune homme n’a pas envie de prendre part à cette histoire. Il a d’autres impératifs, celui de satisfaire sa liberté et ses premières amours. Le voilà déserteur. Il part en cavale, notamment en Suisse, puis finira par se rendre aux autorités militaires. Quelques années plus tard, après l’indépendance, Théo se retrouve en Algérie. À l’endroit où son ami Antoine a été blessé.
Yves Bichet, ancien salarié agricole et peintre en bâtiment, publie aux éditions Mercure de France son onzième roman.

Zabor ou les psaumes, Kamel Daoud

Après le très remarqué Meursaut, contre-enquête (auréolé du Goncourt du premier roman en 2015), le romancier-journaliste algérien revient avec Zabor ou Les psaumes (Actes Sud) ; l’histoire d’un jeune garçon orphelin de mère, rejeté par les siens dans un village perdu, qui pour résister et s’échapper de son milieu, se réfugie dans la littérature et l’écriture.
À travers cette fable, Kamel Daoud se raconte, et nous rappelle que, dans un monde paralysé par l’obscurantisme, l’ignorance ou plus généralement la bêtise humaine, ce sont la littérature et l’écriture qui nous sauvent.

Dans l’épaisseur de la chair, Jean-Marie Blas de Roblès

Ce roman [publié aux éditions Zulma] est l’histoire de Manuel Cortès, fils d’immigrés espagnols installés dans la ville de garnison de Sidi Bel Abbès en 1882, devenu chirurgien, puis engagé volontairement aux côtés des Alliés en 1942. À travers l’histoire de cet homme racontée par son fils, c’est tout un pan de l’histoire coloniale – de l’arrivée des premiers colons espagnols en 1880 en Algérie au rapatriement en 1962 – qui est présentée.
Le roman, qui s’inspire très largement de la vie du père de Jean-Marie Blas de Roblès, interroge aussi la notion d’identité pied-noir, et déverrouille cette mémoire encore interdite. L’auteur rappelle au passage que ces Européens installés en Algérie sont devenus les boucs émissaires de l’histoire.

Un loup pour l’homme, Brigitte Giraud

Publié aux éditions Flammarion, ce roman raconte la guerre d’Algérie à hauteur d’un“appelé”. Au printemps 1960, Antoine, jeune auvergnat de 23 ans, est contraint de laisser sa jeune épouse enceinte et se retrouve parachuté dans ce conflit. Ne souhaitant pas tenir une arme, il devient infirmier à l’hôpital militaire de Sidi Bel Abbès, en Algérie.
Cette guerre, c’est à travers les soldats blessés qu’il la raconte. Et s’il n’est pas sur le front mais “en coulisses”, c’est aussi par le récit de ces jeunes hommes blessés qu’il la subit. Mais pour ces vies gâchées au combat, il n’y aura aucune reconnaissance. À leur retour, ces soldats sont condamnés au silence : après le référendum de 1962, la guerre d’Algérie est un chapitre de l’histoire dont il faut désormais taire le nom.

Des cœurs lents, Tassadit Imache

“Nous, à l’origine, on vient de cette smala improbable qui courait pieds nus sur le lino du living le dimanche avec sarbacanes et lance-pierres, bouclés toute la journée à l’intérieur, à attendre le massacre de Fort Alamo. Des visages blêmes en lutte féroce contre le vide et la désolation. Une tribu victorieuse à un moment.”
À la mort de leur petit frère Tahir, François et Bianca se retrouvent réunis après des années de séparation. Bien que les personnages n’aient plus grand-chose en commun, leur passé douloureux – la guerre d’Algérie et l’absence de leur mère – refait surface.
Publié aux éditions Agone, Des cœurs lents est le cinquième roman de l’auteure algérienne.

Climat de France, Marie Richeux

“Climat de France”, inutile de la présenter. C’est le nom de la cité qui domine le quartier de Bab El-Oued, construite par l’architecte français Fernand Pouillon entre 1954 et 1957. Mais pour Marie, ce type d’ensembles urbains n’est pas inconnu. L’architecte a construit le même type d’immeubles chez elle, à Meudon-la-Forêt. Là où elle a grandi. Désireuse de comprendre ce qui unit les deux lieux, elle se plonge dans la vie de ceux qui habitèrent et habitent ces lieux, en France et en Algérie. À sa façon, l’auteure s’empare de la question franco-algérienne. Animatrice et productrice chez France Culture, Marie Richeux signe son premier roman chez Sabine Wespieser.

L’Enfant de l’œuf, Amin Zaoui

“Harys, le narrateur, est un bon chien, un caniche qui aime son maître, qui aime ses chaussettes puantes, son haleine parfumée au vin rouge, sa voix quand il chante Bécaud. Ils habitent tous deux à Alger et son maître a pour maîtresse une chrétienne réfugiée de Damas, au corps vibrant de désir et à l’âme bouleversée par la guerre.”
Avec cet ouvrage, l’écrivain et professeur de littérature signe son neuvième roman, qui dresse le portrait d’une Algérie rongée par l’islamisme radical. Paru le 7 septembre aux éditions Le serpent à plumes.

L’Art de perdre, Alice Zeniter

L’auteure, jeune française d’origine algérienne, qui publie son cinquième roman chez Flammarion nous emporte dans la quête de ses origines en racontant la guerre d’Algérie du côté “des perdants”. Dans les années 1950, son grand-père, un paysan kabyle, préfère se ranger du côté de l’armée française. Pour ce personnage peu érudit, il ne s’agit pas d’un choix mais plus d’une adaptation aux circonstances… Quand lui et sa famille sont contraints de fuir l’Algérie en 1962 pour éviter les représailles du FLN, ils sont devenus des parias. À leur arrivée en France, ceux que l’on considère comme des “collaborateurs” de l’autre côté de la Méditerranée sont parqués dans des camps de transit dans le sud de la France.
De leur pays qui ne veut plus d’eux, ils ne transmettront rien comme héritage à leur descendance. À travers cette épopée familiale, Alice Zeniter, petite-fille de harkis, raconte la culpabilité des siens, prisonniers d’un passé qu’ils préfèrent oublier.
Sarah Belhadi
source : www.tsa-algerie.com

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