samedi 14 janvier 2017

Dr Saïd Sadi. Ancien président du RCD, auteur Askuti, c’est la synthèse de l’abîme politico-culturel du pays




- Vous êtes l’un des précurseurs de la littérature écrite en tamazight. Avant Askuti, la naissance du genre romanesque s’est concrétisée grâce à deux uniques expériences, celle plus ancienne de Belaïd At-Ali, et l’autre de votre contemporain Rachid Aliche. La première édition de votre roman publié en 1983 aux éditions Imadyazen à Paris est sortie à une période très agitée marquée par l’apogée du mouvement revendicatif berbère dont vous étiez l’un des militants les plus en vue. Pourriez-vous nous restituer la genèse de l’œuvre, sa réception par son lectorat naturel, amzighophone, et la réaction suscitée chez les autorités ?
Cela va être un peu long, mais je vais essayer de répondre le plus clairement possible. L’idée de mettre sur papier cette séquence m’est venue dans les locaux de la sécurité militaire où nous étions mis en isolement complet pendant plusieurs semaines. Je raconte dans mon livre Algérie l’échec recommencé ? comment un de nos tortionnaires, voyant que j’avais refusé d’écrire une lettre d’excuses à Chadli pour obtenir notre libération, est réapparu plus tard seul pour me témoigner son respect. Il est revenu encore une fois pour me raconter sa vie et notamment la façon dont l’avaient recruté les services spéciaux après une faute grave.
Je voyais ce jeune, qui avait à peine quelques années de plus que nous, livré aux actes les plus vils et qui appréciait un acte de résistance contre le régime qui l’employait et au fond le dégradait. J’avais intégré cet échange comme un concentré du drame algérien où le système crée les conditions de l’expression et de l’affirmation de ce qu’il peut y avoir de pire chez le citoyen. Je m’étais promis d’en faire état, car je pensais, et je le pense toujours,  que le témoignage rigoureux reste un devoir et un rempart contre l’oubli et, plus grave, la falsification de l’histoire. La revue clandestine Tafsut, dont je coordonnais la parution, m’avait permis de publier les premiers fragments de cet étrange partage.
Par la suite, j’avais fait la connaissance d’un autre ancien militant envoyé faire ses études pendant la guerre en Tunisie et qui s’est retrouvé à l’indépendance policier lui-même. Le désenchantement de l’après-guerre, la pente glissante du renoncement l’ont rendu à la fois cynique et aigri. Il a eu à interroger une jeune étudiante intelligente et courageuse venue de Paris en avril 80’ pour participer au mouvement. Leur relation a fissuré le vernis par lequel il se protégeait. Un autre parcours personnel qui est également le signe d’une tourmente plus générale. En fait, Askuti, c’est la combinaison de trois vies différentes qui constituent une synthèse de l’abîme politico-culturel du pays.
Quand les autres intervenants de la revue Tafsut ont lu les premiers chapitres, ils ont estimé utile, pour des raisons littéraires et politiques, de le publier. Comme la SNED m’avait déjà refusé un livre sur Chérif Kheddam en 1969, c’est la coopérative Imedyazen, basée à Paris, qui l’a publié avant que les éditions Asalu, montées dans la foulée du multipartisme, produisent la deuxième édition. Celle que vous avez entre les mains et que l’on doit aux éditons Frantz Fanon est en fait la troisième édition, car les deux autres sont épuisées depuis plusieurs années.
- Votre roman porte indubitablement la marque de son époque. Les thèmes de l’identité et de l’action militante sont récurrents dans ce texte où l’on perçoit des références à l’histoire du pays ; la guerre de Libération, mais surtout le Printemps berbère auquel vous avez activement pris part. Pourquoi un tel choix ?
Le choix s’est imposé de lui-même. Personnellement, et je ne crois pas être le seul, je pense que l’escamotage, voire la néantisation de la problématique identitaire est à la base des dérives et turpitudes qui ont transformé un pays, dont je continue à dire qu’il aurait pu être la Californie de la Méditerranée occidentale, en terrain vague où se libèrent les instincts les plus grégaires. Aujourd’hui, je regardais la Une de votre quotidien ; elle était barrée par un titre évocateur : «L’image ternie de l’Algérie». Pourquoi est-ce que la représentation symbolique, politique et culturelle du pays fait problème ?
Parce que nos repères, nos valeurs, nos lois, bref notre mémoire est frelatée, ce qui ouvre la voie aux impostures avec leurs lots d’abus et de régressions. La facture du mensonge d’Etat quand elle porte sur l’Histoire et la mémoire est toujours la plus lourde. L’avortement du débat de 1949 et la répression d’avril 1980, hélas guetté lui aussi par la falsification, sont deux ruptures qui résonneront longtemps dans la douleur algérienne.
Quel élan, quelle envie, quelle volonté pouvez-vous susciter autour de la patrie quand des responsables, anciens ou actuels, déclarent en toute impunité que Messali est un héros ; que dis-je, le père de la nation et que Abane est un traître ? Quel consensus, quelle fondation pouvez-vous offrir pour organiser la vie publique avec de tels schismes ? Askuti, sur un registre romanesque, a porté une plume aiguisée, mais à mon avis juste sur ces distorsions éthiques. Les pires de toutes.
- Y a-t-il une part autobiographique ?
Dans tout écrit il y a une part d’autobiographiene serait-ce que par l’incompressible part de soi que l’on met dans la description du ressenti des événements. Et la plupart des événements, tortures comprises, sont inspirés d’un réel que j’ai vécu ou qui m’a été rapporté.

- L’histoire de Meziane, héros passif du roman et commissaire de son état, peut être celle de n’importe quel autre Algérien. Les affres subies à la prison de Berrouaghia ont dû vous mettre face à des individus tiraillés entre plusieurs appartenances-allégeances. Ce roman, publié il y a plus de trente ans, garde toute sa force évocatrice. Comment l’expliquez-vous ?
L’actualité du roman, même si elle lui confère une dimension prémonitoire, ne me fait pas plaisir car elle atteste de la permanence de la violence endémique qui tient lieu de modèle de gestion politique depuis 1957 après l’assassinat de Abane. Je vais vous dire : le plus grave, ce n’est même pas l’assassinat en soi, bien qu’il ait inauguré un séisme moral et doctrinal dont les répliques ensanglantent toujours la nation.
Ce qui aurait dû révolter la conscience nationale, c’est le fait que des affidés du pouvoir de premier plan expliquent, revendiquent, voire exaltent aujourd’hui cet assassinat dans un pays où il y a un ministère des Moudjahidine, une Organisation nationale des Moudjahidine…Il ne faut pas oublier que quand Ali Kafi avait diffamé Abane, seule sa veuve avait saisi la justice. Notre génération a été profondément traumatisée par ces forfaitures. Askuti en porte forcément les cicatrices… toujours béantes.
- Vous n’avez pas publié d’autres œuvres de fiction après cette première expérience très remarquée. Cela est-il dû aux péripéties de votre engagement militant et partisan, ou à la concrétisation d’autres projets d’écriture dont on connaît la profondeur et le succès ?
La réponse à vos interrogations est dans la question. Notre génération a dû tout inventer : elle a dû conceptualiser et mettre en œuvre les idées. Ce n’est pas toujours simple. Alors, quand vous devez élaborer intellectuellement et appliquer politiquement, il faut savoir que vous êtes contraint à faire des choix, initier en espérant que votre pédagogie soit relayée.
Diriger un parti de l’opposition démocratique est une gageure quotidienne qui vous accapare mentalement et physiquement, même si je sais qu’il est assez commode de céder au raccourci qui assimile l’opposant à l’apparatchik qui dispose de tous les moyens, y compris légaux, comme disait l’autre. Désolé pour cette digression un peu polémique, j’en conviens. En matière de production, je prends toujours des notes pour les exploiter quand les conditions le permettent. Je suis sur quatre projets d’écriture.
Le romanesque n’est pas en première ligne, mais je travaille sur une série de nouvelles retraçant les épopées des humbles, notamment pendant les années quarante où tant de choses ont basculé parce que la vie humaine, chère et précieuse, a été niée ou volée par la misère, la perte de repères —  on y revient —, la trahison ou simplement l’illusion que l’on peut s’en sortir avec des astuces personnelles. Il y a tant de choses belles, ou plus exactement grandes, même dans leur noirceur, à repêcher, exhiber et comprendre… Il faut un peu de temps et un public qui soit disponible pour accepter de se voir raconté. Sans compter les aléas de l’édition et de la distribution.
- La littérature amazighe écrite, dont vous êtes l’un des précurseurs, s’est développée, particulièrement depuis les années 90’, grâce à des auteurs tels que Rachid Aliche, Amar Mezdad, Salem Zenia, Brahim Tazaghart. Cette littérature reste toutefois très marginale. A quoi cela est-il dû ? A l’écueil de la langue ? A l’absence d’un lectorat intéressé ?
Il y a deux manières de concevoir le développement culturel en général et littéraire en particulier. Soit l’Etat, jouant son rôle, stimule et encourage la création. On n’en prend pas le chemin. Les autorités n’ont ni la culture ni la volonté de laisser parler les âmes de façon générale et encore moins dans le domaine amazigh. Il suffit de voir les rétropédalages du ministère de l’Education à chaque annonce sur ce sujet pour comprendre les intentions des dirigeants. Sans compter le débat nauséabond qui pollue la question de la transcription.
Donc, du côté officiel, il faut tirer le rideau. Je ne crois pas que le lectorat fasse défaut malgré les ravages de l’arabisation. Les deux premières éditions d’Askuti ont été tirées respectivement à 3 et 4000 exemplaires. Elles ont été épuisées en moins d’une année chacune. Le problème de la littérature amazighe est dans la méthodologie. Il n’y a pas de lieu de repérage et de suivi des compétences.
Cela nous amène à être inventifs. La deuxième manière de booster un potentiel, c’est la dynamique populaire. Vous savez, même dans les pays développés les universités populaires où le citoyen initie la réflexion et la production autonomes sont des exemples très utiles à regarder. Parce que la question amazighe est d’abord une question éminemment démocratique, parce que nous vivons dans une phase de reflux sinon de déni démocratique, la seule voie réside dans cette l’approche citoyenne.
Et si celles et ceux qui se revendiquent de cette revendication le veulent, le champ d’action existe et il est vaste. Je ne vois pas pourquoi des industries agro-alimentaires basées en Kabylie produisent du petit lait ou du lait caillé qu’elles appellent Lben ou raïb et pas ivi ou ikil. Des associations de consommateurs peuvent mener campagne et éventuellement se mobiliser pour exiger d’être reconnues et respectées. Défendre l’amazighité, c’est aussi protéger de la pollution linguistique son environnement, c’est un exemple parmi d’autres.
Dans votre question, vous avez cité un certain nombre d’auteurs auxquels on doit beaucoup, je pense en particulier à mon ami Amar Mezdad. J’aimerais ajouter le nom de Mohia, cas unique et emblématique de cette production de dévouement et de volonté.  Bien peu de choses sont connues de son existence pourtant si belle et si vertueuse. Un film sur sa vie serait une école. Et pas  seulement pour ce qu’il produit, mais ce qu’il a vécu.
- Vous avez fait allusion à Cherif Kheddam. On croit savoir que vous travaillez actuellement sur une biographie du chanteur. Pourriez-vous nous en parler ?
Je dirais de Chérif Kheddam ce que j’ai évoqué à propos de Mohia. Ce que l’on sait d’eux n’est rien par rapport à ce qu’ils ont été et qui est bien plus important à connaître, comprendre, analyser et faire fructifier. Il se trouve que les êtres d’exception parlent rarement et encore moins d’eux-mêmes. Ce qui engendre un double préjudice.
Ces sommités ne sont pas reconnues à leur juste mesure et la collectivité ignore ce qui les a faits, c’est à dire l’essentiel. On finit par égarer la substance la plus féconde de leur être. Pour moi, le livre sur Chérif Kheddam est celui qui m’a le plus mobilisé et le plus motivé. Sa vie, dans ce qu’elle a à dévoiler, est un miroir de nous-mêmes.
NADIR IDDIR
Source : El Watan
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Le symbole berbère AZA que l'on peut voir sur la photo, est également connu depuis les années 60 sous le nom de Amazigh. Ce symbole représente la lettre Z. Il symbolise également l'homme libre, les bras levés vers le ciel et les pieds bien enracinés dans sa terre. Cet ancien symbole païen des Berbères a de grandes similitudes avec le même symbole que l'on retrouve en Europe au néolithique et à l'âge du bronze. Des Balkans, en passant par les Alpes et jusqu'en Scandinavie, on rencontre ce vieux symbole dans presque toute l'Europe païenne de la préhistoire. À l'âge du fer germanique, ce symbole deviendra une rune, celle qui est connue sous le nom de Algiz. Chez les Berbères ce symbole a survécu à tous les âges grâce aux gravures rupestres des anciens temps. Aux îles Canaries, l'exemple le plus célèbre est celui de la pierre de Zanata (sur la droite de la photo). On y reconnaît le symbole Aza sous une forme angulaire. Cette pierre de Zanata fut largement étudiée aux Canaries et permit de confirmer la parenté entre Guanches (population aborigène des îles Canaries) et Berbères de la haute antiquité.





jeudi 12 janvier 2017

Assegas amegaz 2967-Bonne année 2017 à toutes et à tous mes ami(e) Kabyles -amazigh ou de culture Kabyle-Amazigh la ou ils se trouvent .... Aujourd'hui, que sait-on des origines de cette fête et que signifie Yennayer ?



Assegas amegaz 2967-Bonne année 2017 à toutes et à tous mes ami(e) Kabyles -amazigh ou de culture Kabyle-Amazigh la ou ils se trouvent ....
Aujourd'hui, que sait-on des origines de cette fête et que signifie Yennayer ?
Les Amazighs, comme tous les peuples du monde, avaient besoin d'un calendrier pour gérer le temps et organiser leur vie. Yennayer est donc le premier mois de l’année dans le calendrier amazigh. Amenzou n’yennayer, le jour de l’an amazigh coïncide avec le 12 janvier du calendrier grégorien. Etymologiquement le mot Yennayer est formé : de ‘’Yen’’ qui veut dire premier et de ‘’Ayer‘’ qui veut dire mois.
L’avènement de Yennayer de l’an 951 avant Jesus-Christ du calendrier grégorien correspond à un événement politique de portée incommensurable pour les Imazighen. Nombreux dans les différentes armées des Pharaons, les Imazighen allaient peu à peu s’affirmer et influencer les Rois Pharaons. C’est ainsi qu’ils réussirent à arracher leur droit à observer leur propres rites comme les cultes funéraires, pratique spirituelle d’importance capitale à l’époque. Il en fut une qui ne pouvait passer inaperçue, le rite funéraire organisé à la mort de Namart, père de Sheshanq I qui allait bientôt être le fondateur de la 22ème dynastie pharaonique.
En effet, en l’an 950 Av.J., à la mort du Pharaon Psoussenes II, un Amazigh répondant au nom de Sheshnaq accède au statut de Pharaon d’Egypte en soumettant tout le Delta du Nil, ainsi que la grande prêtrise égyptienne sous son autorité, et fonda sa capitale à Bubastis. Auparavant, Chechanq I régnait sur un territoire allant de la partie orientale de la Libye actuelle jusqu’au delta du Nil. Il régna sur l’Egypte en tant que Pharaon de 950 jusqu’à 929 av. J.-C.
Soucieux de respecter la tradition pharaonique, son fils épousa la princesse Makara, fille du défunt Pssossenes II. En commémorant cet événement, Yennayer devient également le symbole des retrouvailles entre les Imazighen et leur histoire plusieurs fois millénaire, de laquelle ils ont été injustement spoliés depuis maintenant deux millénaires.
La célébration de yennayer
Pour les Imazighen, Yennayer est d’abord une porte qui s’ouvre sur le nouvel an et appelée ’tabburt useggwass’ (la porte de l’année). Sa célébration s’explique par l’importance accordée aux rites et aux superstitions de l’époque dont certaines subsistent encore de nos jours. La période en question attire particulièrement l’attention car la saison correspond à l’approche de la rupture des provisions gardées pour l’hiver. Il convient donc de renouveler ses forces spirituelles en faisant appel aux rites. À cette époque de l’année, le rite doit symboliser la richesse. Ainsi, pour que la nouvelle année entamée soit plus fructifiante et la terre plus fertile, il convient de se purifier et de nettoyer les lieux. On obéit également aux lois rituelles telles que le sacrifice d’un animal (Asfel) sur le seuil de l’année, comme on le fait encore de nos jours sur les fondations d’une nouvelle bâtisse. Le rituel asfel symbolise l’expulsion des forces et des esprits maléfiques pour faire place aux esprits bénéfiques qui vont nous soutenir l’année durant. Si les moyens le permettent, seront sacrifiés autant de bêtes qu’il y a de membres de famille. La tradition a retenu le sacrifice d’un coq par homme
Le nouvel an est souvent caractérisé par la manière de le fêter et de l’accueillir. Il est conçu comme un renouvellement, une initiation à un nouveau cycle temporel. On le désigne par différents termes tels : Id’ n Yennayer (la nuit de janvier);
Dans la région de la Kabylie en Algérie et même dans la plupart des wilayas du pays, on prépare souvent une bouillie contenant le pois chiche, blé, et la fève et le noyau de datte et on sert aussi les dattes et les chênes comme dessert. Ainsi, toute la famille se réunit autour de ce plat pour célébrer la nouvelle année; celui qui trouvera le noyau de datte est chanceux. Le noyau de datte porte bonheur (symbole d’une année joyeuse et prospère). Dans certaines régions, la célébration de Yennayer dure jusqu’à trois jours. Chaque jour on y prépare un plat différent : le premier jour, on y prépare la bouillie, le deuxième jour le couscous aux sept légumes et le troisième jour, on y prépare des poulets.