vendredi 4 août 2017

Fatma Oussedik : « Le féminisme ne nous a pas été appris par l’Occident »

A la veille des élections législatives algériennes, la sociologue et directrice de recherche associée au Cread, Fatma Oussedik analyse l’évolution du rôle des femmes dans la sphère publique et politique en Algérie. L’auteure du livre Itifaqaterevient dans cet entretien pour al Akhbar sur les mutations profondes et les nouvelles stratégies d’émancipation des femmes algériennes.
4 mai 2017. Propos recueillis par Lina Kennouche et Tayeb El Mestari pour Al-Akhbar.
Quelle est la représentation des femmes algériennes dans ces élections législatives et comment a-t-elle évolué au cours des dernières élections ?
Cette représentation obéit à un quota. Le président Bouteflika a fait voter une loi qui fixe à 33 % la représentation des femmes dans chaque liste électorale. C’est donc l’effet autoritaire qui a permis une telle présence. On peut dire que c’est l’un des taux les plus importants du monde arabe et même en comparaison à des pays occidentaux. Faut-il en conclure que les femmes sont représentées politiquement? Je n’irai pas jusque là. Depuis 2012, on a un minimum de recul pour voir comment les partis obéissent à cette règle.
Aujourd’hui lorsque l’on observe la société algérienne, on constate que les femmes tout en affichant par leur code vestimentaire leur attachement aux préceptes religieux quittent l’espace clos pour investir dans la sphère publique des lieux autrefois réservés aux hommes. N’y a-t-il pas eu un processus de redéfinition du rôle de la femme algérienne dans l’espace public?
J’ai dirigé une enquête au Centre de recherche en économie appliquée pour le développement (CREAD) publiée sous le titre « mutations familiales en milieu urbain ». Elle a concerné 1200 familles dans 12 villes d’Algérie. L’une des conclusions principales de cette enquête est que les femmes sont l’acteur principal de la mutation. En Algérie, la notion de femme au foyer, c’est à dire une femme qui se définirait ou s’appréhenderait au service du seul foyer, n’a plus de sens. L’une des causes principales de cette transformation réside dans la hausse de la scolarité des filles qui a été spectaculaire dans notre pays. Si le phénomène de féminisation des savoirs est mondial, en Algérie le processus a été très rapide. La formation des femmes dans toutes les disciplines a entrainé une redéfinition de leur place dans l’espace public avec l’accès à l’emploi. Aujourd’hui la femme en Algérie est l’acteur économique principal dans le foyer. Elle fait le marché, prend les décisions d’achat, gère le budget familial, s’occupe des démarches administratives. Celles qui ne travaillent pas se définissent comme « chômeuse » et non pas comme femmes au foyer.
Mais depuis 2001, l’emploi féminin a baissé de façon importante. De plus en plus de femmes sont cantonnées dans le secteur informel. Or, c’est un problème grave dans la mesure où sans autonomie économique, elles ont peu de chances d’accéder à d’autres formes d’autonomie. Par ailleurs on constate, qu’elles sont rentrées de plain-pied dans le marché mais le feu s’est externalisé. Aujourd’hui les plats cuisinés, les produits alimentaires transformés sont achetés, et certains objets qui servaient autrefois à la préparation des mets traditionnels ont disparu. De ce point de vue, nous avons assisté à des mutations fondamentales.
Vous attribuez ces mutations à la scolarisation des femmes, et l’entrée de l’Algérie dans le marché mondial, mais est ce que le mouvement islamiste n’a pas également permis aux femmes des stratégies féministes en s’appuyant sur le dogme religieux pour investir l’espace public?
Avec et sans hijab les femmes sont sorties. Pendant le ramadan, il y a des légions de femmes seules qui se rendent à la mosquée, échangent dans la rue, sortent dans les cafés, et certains imams s’en offusquent. Ces femmes se sont emparées de l’islam en revendiquant leur connaissance des textes religieux. C’est toujours le savoir qui fait la différence. A l’université, de nombreuses filles issues des milieux défavorisées, voilées, sont présentes et rien ne leur serait fermé du fait de l’islam. De plus en plus de filles étudient dans les instituts de théologie et écrivent sur l’islam. C’est un processus irréversible. C’est essentialiser les rapports sociaux que de les réduire à l’identité religieuse. Les femmes se sont emparés de la norme religieuse pour revendiquer l’égalité. Mais il y’ a encore du chemin à parcourir. En Iran, les femmes ont un accès beaucoup plus important à l’emploi, elles ont une vraie parole. Nous ne devons pas oublier qu’en Algérie, c’est une société postcoloniale et l’enjeu de la femme est un enjeu très lointain. Il faut remonter à l’époque coloniale avec ce moment emblématique où les colons arrachent le voile aux femmes algériennes. Aujourd’hui les pays du Nord sont encore très attentifs à la société algérienne pour mesurer son développement démocratique. Le nombre de femmes voilées est pour eux un indicateur d’adhésion ou pas à leur civilisation et à leur culture. Les politiques algériens sont très conscients de cet enjeu, et veulent se présenter à l’international comme des démocrates et des modérés en adoptant, par exemple, des textes comme celui portant sur le quota. Ils montrent ainsi que les femmes sont représentées à l’assemblée, que la parité est respectée, etc. Cependant, les concepts ne peuvent pas être simplement importés. Il existe des conditions objectives de leur production. Le gouvernement a fait le choix de la parité, mais c’est absolument formel. De la même façon, la question des quotas pose non pas seulement la question des femmes mais celle aussi de la qualité du processus démocratique en Algérie. Imiter la procédure des quotas en Suède ne signifie pas que l’Algérie arrivera au même résultat. Dans une situation non démocratique où il s’agit de définir une clientèle du système, les femmes sont comme les hommes : elles font partie de cette clientèle. Elles ne représentent pas plus les femmes qu’hier mais le système qui les a cooptées.
Pour revenir à la question de l’égalité, pensez-vous que le féminisme ait aujourd’hui un sens en dehors du combat pour la justice sociale ? Comment articulez-vous la question de la lutte pour l’émancipation des femmes à celle des rapports de classes ?
Le féminisme est différent selon les lieux où il se réalise mais il est toujours une aspiration à davantage de droits et devrait toujours être une aspiration à l’égalité, une volonté de se désaliéner. Ceci étant, pour moi, la position des femmes, c’est d’abord la position du dominé. Dans un pays lui-même dominé par l’impérialisme, la femme incarne le dominé du dominé. Le féminisme est pour moi un formidable instrument de déconstruction de la domination, qu’il s’agisse des anciennes puissances coloniales comme celle des systèmes en place. Il est très difficile de remettre en cause un processus de domination depuis la position la plus fragile qui est celle de la femme. Lorsque j’analyse l’emploi féminin en Algérie, je ne dis pas « les hommes sont méchants et ne nous donnent pas d’emploi ». Je dis « l’insertion du système économique algérien dans le marché mondial dépendant de la rente ne porte pas sur la production. Et la rente intègre principalement les hommes ». Lorsque l’on sait que l’accès à tous ces circuits dépend davantage du capital social que des agences d’intermédiations pour l’emploi, on comprend que le capital social de la famille se met davantage au service des hommes que des femmes.
Dans notre enquête, nous avons pu constater que ce sont les femmes qui ont le plus recours aux agences d’intermédiation, les hommes misent toujours sur le capital relationnel. Vivant de la rente pétrolière, l’Etat s’est désengagé des secteurs de production et de services, dans lesquels les femmes étaient très présentes. Ce désengagement a entraîné un chômage important. En prenant l’exemple emblématique du complexe pétrolier d’Hassi-Messaoud, où dans les années 90 des femmes ont été battues, violées, enterrées vivantes, l’observation montre que l’événement s’est déroulé dans une zone où le chômage battait son plein. Dans cette ville où l’économie repose sur des champs pétroliers, il y avait d’un coté des résidences pour les femmes cadres qui ont fait leur études à l’étranger et vivent sur des sites gardées, et, de l’autre, les prolétaires qui s’étaient aménagées un quartier. Suite au prêche d’un imam qui accusait les femmes d’avoir volé le travail des hommes, des jeunes se sont rués vers le quartier des femmes et les ont lynchées. Comment analyser ce fait? En essayant d’y mettre de la pensée et de la raison et non en accusant de manière simpliste les islamistes et l’islam. Ces femmes, pour leur majorité, venaient de Sidi bel Abbès, où elles travaillaient dans un complexe électronique, fleuron de l’industrie, qui salariaient 5 000 femmes. Avec le démantèlement de l’industrie, auquel a procédé en particulier M. Ouyahia, 4 000 femmes et leurs familles se sont retrouvées au chômage. Or le salaire avait non seulement changé les modes de consommation mais également les mentalités. Ces femmes ont compris qu’elles pouvaient également travailler ailleurs et ont fait montre de mobilité. Quitter sa famille, l’enclos du patriarcat, pour aller travailler, en tant que sujets individuels, à Hassi-Messaoud, était quelque chose d’iconoclaste en Algérie. C’est cela qui est entré en contradiction avec le système qui, lui-même, a besoin, pour contrôler toute cette force de travail féminine qu’il a qualifié et qu’il n’emploie pas, d’une famille patriarcale forte. Or le départ de ces filles pour Hassi-Messaoud est une contradiction sociologique majeure et elles ont été réprimées à ce titre.
Pourtant la société algérienne et les femmes ont déjà fait l’expérience de cette mobilité avec les maquisards au moment de la guerre de libération?
Oui mais la guerre de libération est un événement exceptionnel. Je viens d’une famille qui a été très intégrée au mouvement national, et j’ai vécu ma petite enfance avec les Moudjahidates que je connais individuellement. Or, ce que l’on peut observer c’est qu’à l’indépendance, il leur a été demandé de retourner dans leur famille. On leur dit « c’est fini, vous avez fait votre devoir vis à vis de la société donc vous rentrez à la maison, vous êtes des femmes de famille ». J’ai interviewé avant sa mort, Mamiya Chentouf , la secrétaire générale adjointe du Parti du Peuple Algérien de Messali el Hadj, militante majeure pendant la guerre de libération qui avait créé la première association de femmes en 1947. Elle m’a confié que l’échec de sa vie était l’adoption du code de la famille. Mamiya Chentouf avait été, après l’indépendance, à la demande de l’ex président Houari Boumédienne, la première présidente de l’Union nationale des femmes algériennes (UNFA) et avait provoqué une immense manifestation de femmes dans Alger contre les premiers projets du code de la famille qui ont été finalement annulés parce que les autorités à l’époque n’avaient pas osé affronter les anciennes militantes. Moi je suis toujours très émue quand je pense à aux maquisardes, imaginez ces jeunes filles de 18 ans qui vivaient dans des familles traditionnelles qui l’étaient d’autant plus que face au colonialisme, il fallait se préserver de la volonté de déstructuration de la société algériennes.

source : http://www.algerieinfos-saoudi.com

Hommage du département d’Etat américain au défunt Rédha Malek

Hommage Rédha Malek
Le secrétaire d'Etat américain, Rex Tillerson. D. R.
Le département d’Etat a rendu, mardi à Washington, un vibrant hommage au défunt Redha Malek, saluant son rôle dans le dénouement de la crise des otages américains en Iran.
«Nous sommes attristés d’apprendre le décès de l’ancien premier ministre algérien, Rédha Malek. Il était un partenaire de longue date des Etats-Unis», a déclaré la porte-parole du département d’Etat, Heather Nauert, peu avant un point de presse animé avec le secrétaire d’Etat américain, Rex Tillerson.
Et d’ajouter : «Nombre d’entre vous se rappellent l’important rôle qu’il avait joué dans les négociations ayant mené à la libération de 52 otages de l’ambassade américaine en Iran en 1981.»
Mme Nauert a évoqué une rencontre au cours d’un déjeuner entre le défunt Rédha Malek et l’ambassadrice américaine à Alger en mai dernier, durant laquelle l’ancien chef du gouvernement est longuement revenu sur les relations algéro-américaines et les perspectives de leur développement.
«Il a longuement évoqué la force des relations entre l’Algérie et les Etats-Unis, sa confiance dans le partenariat que nous avons et son renforcement dans les années à venir», a souligné Mme Nauert. Et d’affirmer que les Etats-Unis partageaient avec l’Algérie cette confiance et le souhait de voir la coopération bilatérale se développer davantage : «Nous sommes d’accord (sur cette évaluation) et nous adressons nos condoléances à sa famille, à ses proches et au peuple algérien.»

La révolution du bikini : de la grandeur à la misère du féminisme en Algérie



La confrontation sur les réseaux sociaux entre un courant « conservateur » et un groupe de militantes prônant la défense des libertés individuelles au sujet du port du bikini à la plage, ne s’est pas éteinte. Les instigatrices anonymes de la campagne de mobilisation des femmes en bikini ont redoublé de zèle depuis le 5 juillet dernier, date de la commémoration de l’indépendance, en organisant plusieurs sorties dans des stations balnéaires à Annaba et Oran. Le groupe Facebook où sont discutés et organisés les rendez-vous de ces « baignades politiques » compterait à présent plus de 3000 participantes. Mais en dehors d’une couverture médiatique dans la presse étrangère et les débats houleux sur internet, le discours contre-productif de ces « féministes » est loin de recevoir un écho positif en Algérie.
Dans un article publié par le magazine féminin français Grazia, l’une des instigatrices de la campagne, « Sarah, 27 ans », explique que pour avoir un impact sur la société algérienne, il faut habituer « des milliers de voyeurs à ce qu’ils considèrent encore comme étant interdit » tout en précisant : « Nous ne voulons pas changer leur vision des choses, mais simplement leur inculquer la tolérance et l’acceptation de l’autre ». Cette dernière phrase illustre à elle seule le non-sens politique d’une démarche présentée comme telle.
Les stratégies féministes visent à déployer des moyens pour subvertir les pratiques patriarcales au sein d’une société afin d’améliorer le statut des femmes dans les sphères socio-économiques politiques et dans l’espace privé. Mais cette capacité d’agir et de résister à la domination masculine ne réside pas dans l’adoption d’actes qui s’opposent radicalement aux normes sociales. En cherchant à politiser la question du port du bikini sur les plages à travers une campagne dont l’ ’objectif proclamé est d’« inculquer la tolérance » (concept variable d’une société à l’autre en fonction des contextes socio-culturels, de l’état des rapports de forces au sein d’une société), ces femmes reproduisent les stéréotypes du discours qui vide le féminisme de tout contenu social.
Premièrement, dans l’introduction de nouvelles pratiques pour s’opposer à l’hégémonie des normes culturelles « masculines », l’enjeu principal n’est pas de fustiger ou de prôner un autre code vestimentaire. Des féministes algériennes qui affichent par leur code vestimentaire leur fidélité aux préceptes religieux ou à la tradition ont quitté l’espace clos pour participer pleinement à la société. Massivement éduquées elles ont développé des ambitions individuelles et professionnelles et ont investi des sphères autrefois réservées aux hommes. Comprendre cette évolution suppose de tenir compte de la trajectoire historique du féminisme en Algérie qui puise dans la tradition de lutte anticoloniale.
Si le rôle précurseur des Moudjahidates [résistantes algériennes, Ndt] pendant la guerre de libération et leur combat pour l’égalité a connu un « reflux » à l’indépendance, depuis la fin de la guerre civile, le « féminisme » a également pris un nouvel essor. Dans son article éclairant sur les « Algériennes et la guerre de libération nationale, l’émergence des femmes dans l’espace public au cours de la guerre et l’après-guerre » Khaoula Taleb Brahimi, professeure de sociolinguistique arabe à l’Université d’Alger revient sur le rôle historique des femmes dans la guerre d’indépendance. « Des femmes et des toutes jeunes ont en un laps de temps très court, fait une intrusion brutale dans le monde des hommes et de la guerre, faisant voler en éclats la traditionnelle frontière entre les deux mondes, celui extérieur, public, espace de l’homme et de l’univers masculin, et l’autre intérieur, domestique et privé, espace des femmes et de l’univers féminin ».
Après 1962, le courant conservateur du FLN revenant sur les acquis de la révolution en matière de droits des femmes fait adopter un code la famille (1984) renfermant de nombreuses dispositions discriminatoires auxquelles les anciennes Moudjahidates [résistantes algériennes, Ndt]
se sont farouchement opposées. Il faudra attendre les promesses faites par le président de la République Abdelaziz Bouteflika en 2001 pour ouvrir le chantier des réformes.
L’évolution est amorcée avec la criminalisation du harcèlement sexuel (2004), le fond de garantie pour le paiement de la pension alimentaire lorsque le mari est défaillant (2012), le décret sur le droit à l’indemnisation des femmes violées par les terroristes pendant les années de terrorisme (2014) etc. Ces maigres avancées sont cependant le résultat de la confrontation avec les courants féministes en Algérie qui ont réussi à imposer une modification des lois sur le statut personnel comme nécessité concrète. Mais en dépit de ces réformes qui tentent de gommer les discriminations légales héritées du code du statut personnel, la condition de la femme algérienne reste difficile. Fatima Oussedik, sociologue et membre du réseau Wassila Avif, association de défense du droit des femmes, explique les limites de cette reconnaissance juridique.
Dans un précédent entretien pour al-Akhbar elle déclare : « Lorsque la loi contre les violences sexuelles a été adoptée, elle est présentée à l’échelle du monde entier mais on oublie de mentionner qu’elle comporte une clause stipulant qu’avant le prononcé du jugement, si la femme pardonne à son époux, l’action est éteinte et l’Etat ne se constitue pas partie civile. Or la femme sans logement, sans emploi, avec enfants, va pardonner d’abord parce que sa famille va se rendre au commissariat pour lui rejeter la responsabilité. Nous avions en amont dénoncé cette clause. Avant même l’adoption du texte nous avons réalisé un lobbying auprès des femmes députés, participer à une table ronde au journal liberté pour dénoncer cette clause qui est tout de même passée. Cela signifie que la loi est vidée de son contenu. »
Les évolutions en la matière n’ont pas remis en cause les rapports de pouvoir historiquement et socialement valorisés entre hommes et femmes. Mais la question de l’amélioration du statut de la femme et de la promotion de l’égalité ne peut être pensée indépendamment de la question sociale dans son ensemble. Or le problème posé par le discours des promoteurs de la campagne du port du bikini est qu’il oblitère totalement la question de l’articulation du rapport race et classe.
Les femmes avant de porter un bikini appartiennent d’abord à des classes sociales qui déterminent leurs intérêts. Réduire le féminisme à des questions de forme, « tenue vestimentaire », ou de sémantique, fait naître un sentiment d’appartenance sexuée qui dépasserait l’appartenance de classe, seul véritable danger pour l’oligarchie ultra-libérale.
Comme l’analyse la politologue Françoise Vergès dans un entretien pour le site Alternative libertaire, (à propos de son livre « Le ventre des femmes ») « les droits des femmes sont essentiels mais ces droits ne peuvent pas être l’horizon de l’émancipation des femmes. Que j’aie ces droits ne libère pas la société car d’une part toutes les femmes n’y ont pas accès pour des questions de classe et de race. Et d’autre part, l’horizon du féminisme, c’est l’émancipation de la société tout entière »
Par Lina Kennouche | 30 juillet 2017
http://arretsurinfo.ch/la-revolution-du-bikini-de-la-grandeur-a-la-misere-du-feminisme-en-algerie/

Laïcité en débat à Montpellier par Boudjemaa LALIAM


Notre invité de la semaine : Boudjemaâ LALIAM. Président de l’Observatoire de la Laïcité du Languedoc Roussillon.


jeudi 3 août 2017

Laïcitophobie, une maladie purement islamique Par Amin Zaoui


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Laïcitophobie, une maladie purement islamique
Par : Amin ZAOUI (ma chronique hebdomadaire SOUFFLES in le quotidien LIBERTE, du jeudi 03 Aout 2017, le lien : http://www.liberte-algerie.com/culture/laicitophobie-une-maladie-purement-islamique-274750)
Le musulman, tout musulman à travers le monde, est allergique au concept de “laïcité”. Ce mot “laïcité” lui fait peur ! Le rend malade. L’angoisse. À ses yeux, “laïc” est équivalent à communiste. Similaire au “athée”. Égal au “irreligieux”. Synonyme d’immoral. Ou encore un laïc est un juif. Un juif est un laïc. Un laïc est un chrétien. Un chrétien est un laïc. Tout laïc est un non-musulman. Et tout musulman est un non-laïc, un laïcitophobe. Un musulman ne peut pas imaginer un autre musulman laïc.
En l’absence de laïcité comme mode de vie social, comme moyen de penser, comme culture politique, le monde musulman est devenu un monde islamiste. Rongé par l’intégrisme. Même la laïcité en Turquie est menacée par l’islamisme fanatique porté par le projet politique des Frères musulmans.
La “laïcité” fait peur aux musulmans, de La Mecque jusqu’à Nouakchott. elle fait peur au politique musulman de droite comme de gauche, elle fait peur aux “doctours” des universités, elle fait peur au citoyen normal. La laïcité est un monstre ! Mais pourquoi cette “laïcitophobie” chez le musulman ?

L’école est la source fondamentale de cette maladie appelée laïcitophobie. L’école, toute école dans le Maghreb et dans le monde arabo-musulman, depuis la maternelle jusqu’à l’université, apprend à ses élèves que la laïcité est un danger qui menace la religion islamique. Que “la laïcité” est l’ennemi numéro un de l’islam. Elle est le piège juif tendu aux musulmans ! Elle est l’appât à l’hameçon colonial.
Puis, parce que le citoyen se noie dans un grand vide intellectuel dont l’histoire des idées philosophiques universelles est bannie. Les musulmans vivent hors sans Histoire et hors l’Histoire. Ou ils font l’Histoire à leur guise vantardise ! Parce qu’il n’y a pas de pensée critique. Parce que le fanatisme prend le dessus dans les écoles et les universités, le musulman est attrapé par la laïcitophobie. Parce que le religieux est un destin communautaire imposé. Parce qu’il n’y a pas de débats intellectuels libres et rationnels, le musulman a peur de la laïcité. Parce qu’il n’y a pas de vrais partis politiques avec des programmes de société, ils sont tous élevés ou engendrés par les courants nationalistes aux épices islamiques ou par les idées des Frères musulmans.
La phobie islamique envers la laïcité a engendré une culture de la haine dans toute société musulmane. Cette phobie islamique généralisée envers la laïcité a renforcé la mentalité du troupeau, a vidé le musulman de pouvoir cultiver une liberté individuelle. Cette laïcitophobie a créé le sentiment de la peur de l’autre, le refus de vivre avec autrui. Cette laïcitophobie a élevé des barrières devant celui qui n’est pas similaire, en religion ou en mode de penser.
Cette maladie qui est la laïcitophobie est la conséquence de tout ce que les peuples du Maghreb et du monde arabo-musulman ont vécu en déception politique, sociale et culturelle, cela dure depuis les indépendances nationales de ces pays. Si le musulman ne se libère pas de cette maladie psycho-intellectuelle qui est la laïcitophobie, il demeurera condamné à vivre dans la peur, la haine et la violence envers lui-même et envers l’autre.
On n’a jamais expliqué au simple croyant musulman, avec clarté et courage intellectuel et politique, la signification de la laïcité. On n’a jamais appris aux enfants des écoles musulmanes que la laïcité est le seul chemin qui garantit le respect des religions, toutes religions confondues. Que seule la laïcité assure le respect de l’être humain avec ses convictions religieuses, philosophiques et politiques. Que le chemin de la laïcité est le garant de la possibilité de vivre ensemble, entre le musulman et les autres gens appartenant à d’autres religions ou à d’autres non-religions. Que la laïcité permettra l’épanouissement en tout respect des différentes cultures et langues qui vivent au Maghreb ou dans ce monde arabo-musulman.
Toutes les guerres déclarées, dans l’espace musulman ou ailleurs, au nom de l’islam contre les autres religions, contre les autres cultures, contre les autres langues sont le résultat de cette laïcitophobie, cette maladie qui ronge le musulman là où il se trouve.
Sans le respect de la laïcité comme culture, pensée et comme mode de vie sociale et politique, l’existence même de l’islam restera menacée dans le monde.
Et la Laïcitophobie engendre l’islamophobie.

mardi 1 août 2017

Diplomatie / Exclusif – Entretien avec le nouvel ambassadeur de France en Algérie, M. Xavier Driencourt

Son Excellence Xavier Driencourt, Ambassadeur de France en Algérie
Xavier Driencourt fait son retour à la tête de la représentation diplomatique française à Alger. Le diplomate français est passé par le Quai d’Orsay, le ministère des Affaires étrangères français entre 2013 et 2017, avant une deuxième nomination à la tête de l’ambassade de France à Alger. De son propre aveu, c’est lui-même qui a demandé à revenir en Algérie. Pour lui, ce pays est un partenaire important. Il évoque ici les différents aspects des relations franco-algériennes et donne une lecture des défis auxquels la société algérienne devra faire face à l’avenir. Entretien.    
Algérie Focus : M. Driencourt, vous avez déjà été à la tête de l’ambassade de France en Algérie entre 2008 et 2012 où vous vous êtes distingué avec votre sens de l’échange apaisé. Aujourd’hui, c’est vous-même qui avait demandé à être réaffecté à Alger. Une requête accueillie favorablement par le Quai d’Orsay et Alger. Qu’est-ce qui vous a poussé à revenir à Alger alors que vous auriez pu demander à être affecté dans n’importe quelle grande capitale du monde?
 Xavier Driencourt : il y a plusieurs raisons qui ont motivé ce retour à la tête de notre représentation diplomatique à Alger. D’abord, je dirais que je porte une affection particulière à l’Algérie, ce qui est en soi, une condition essentielle pour être efficace dans son travail. Je n’ai aucune attache, familiale ou autre, avec ce pays, mais je l’aime parce que je crois tout simplement en son potentiel et à son importance. Et l’Algérie est un partenaire exceptionnel pour la France. Je pense aussi que l’installation de nouveaux gouvernements en Algérie et en France après l’élection d’Emmanuel Macron va faire entrer les relations bilatérales dans une nouvelle phase.

Vous insistez sur l’importance du partenariat entre l’Algérie et la France. Pourquoi revêt-il une telle importance ? Et surtout, quels sont ses principaux axes? 
L’Algérie est particulièrement importante pour la France car le partenariat franco-algérien couvre tous les domaines. En effet l’Algérie fait partie de ces rares pays avec lesquels la France entretient une relation exclusive qui ne se limite pas à un seul domaine. Les enjeux économiques, pétroliers et gaziers etc revêtent, bien évidemment, une grande importance, mais le plus important reste la dimension humaine. Cette dimension se manifeste notamment à travers les migrations entre les deux pays. La communauté algérienne, franco-algérienne ou française d’ascendance algérienne qui est présente en France, confère un aspect unique à ces relations. Il y a aussi la dimension éducative et culturelle, l’Algérie est un pays francophone et la langue française joue un rôle dans la formation. En plus des aspects économique et humain, la dimension sécuritaire s’est imposée plus récemment avec la question du Sahel. En fait, tous ces aspects soulignent la variété et la densité des relations entre les deux pays ; c’est un défi particulièrement intéressant pour un ambassadeur qui est amené à intervenir dans tous les domaines.

On vous prête la réputation d’être un très fin connaisseur de l’Algérie. Vous avez toujours entretenu de bons rapports avec les différents acteurs de la société algérienne que ce soit avec les responsables politiques, les opérateurs économiques ou la société civile. Quel regard portez-vous sur les enjeux à venir auxquels la société algérienne devra faire face à court et moyen terme ?
Je ne sais pas si je suis un fin connaisseur de l’Algérie, comme vous le dîtes, mais les quatre années que j’ai passé dans ce pays m’ont permis de tisser des liens avec des responsables politiques, des acteurs économiques et de la société dite civile.  J’ai beaucoup apprécié ces contacts, certains m’ont profondément marqué. J’ai dit à mes futurs collaborateurs qu’il faut amplifier ce travail de proximité, sortir de l’ambassade, aller à la rencontre du peuple algérien, l’inviter à venir nous rencontrer. Il faut sortir d’Alger et voyager aux quatre coins du pays pour prendre le vrai pouls de ce magnifique pays.
Pour répondre à votre question sur les enjeux auxquels la société algérienne devra faire face, je préfère plutôt parler de dimensions sur lesquelles il est urgent de travailler et pas d’enjeux. À mon sens, il y a trois dimensions. Encourager les Algériens à avoir confiance en eux-mêmes, car l’Algérie est un pays qui a un énorme potentiel. Tout en restant à la place qui est la nôtre, je crois que nous pouvons accompagner les Algériens et les encourager à développer ce potentiel. La deuxième dimension a trait à la transition économique du pays, car c’est l’intérêt de tous que l’Algérie surmonte les difficultés nées de la baisse du pétrole et réussisse cette transition économique. Il me semble que les entreprises françaises, mais aussi la communauté algérienne établie en France et les Franco-Algériens parce qu’ils représentent des acteurs importants, ont vocation à accompagner l’Algérie dans cette transformation. Nous avons été trop absents dans les années 90, nous devons donc être présents aujourd’hui. Le troisième aspect concerne quant à lui, les questions liées à la formation et à l’éducation qui sont prioritaires.  Beaucoup a été fait depuis 2012 dans ces trois secteurs, par mes prédécesseurs et je pense que nous pouvons amplifier ce mouvement. Je tiens à saluer le remarquable travail effectué par Jean-Louis Levet.

Vous avez parlé d’accompagnement de l’Algérie dans sa transition économique par des entreprises françaises. Pourtant, les Algériens ont toujours le sentiment que les accords signés avec le Maroc sont meilleurs que ceux signés avec l’Algérie, le cas de l’usine Renault est particulièrement révélateur de cet état d’esprit. Qu’en pensez-vous ?
 Il peut y avoir une part de vérité là-dedans, mais est-ce bien la réalité ? Vous évoquez le cas de l’usine Renault à Oran et celle de Tanger au Maroc en soulignant que celle d’Oran n’avait pas le même degré d’intégration et les mêmes possibilités d’exportation. Il m’a été donné de répondre à une question similaire lors de ma première conférence de presse en qualité d’ambassadeur de France en Algérie en 2008. Ce jour-là on m’avait demandé pourquoi Renault avait choisi de s’implanter au Maroc et non en Algérie. Cette situation s’expliquait à l’époque par la disponibilité d’un environnement favorable à l’investissement de Renault. N’oublions pas que les entreprises ne sont pas particulièrement altruistes, dans la mesure où ce sont d’abord leurs intérêts qui priment et que l’administration française n’a pas prise sur ces entreprises en ce sens qu’elle ne peut  les obliger à s’implanter dans tel ou tel pays. Elle peut, en revanche, les orienter, les accompagner, les conseiller et c’est cela le travail d’une ambassade. Il faut expliquer l’Algérie, son potentiel, ses avantages.

Vous avez énuméré les enjeux des relations entre les deux pays soulignant l’existence de liens étroits qu’il faudrait renforcer à l’avenir. Quelles sont vos priorités et les dossiers à traiter en urgence ?  
 Avant toute chose, il faut me faire une idée précise à mon arrivée à Alger pour fixer ces priorités car l’Algérie a changé en cinq ans. Cependant, je peux vous dire qu’en sus de ce qui a été dit tout à l’heure notamment en ce qui concerne la coopération économique et la coopération dans le domaine de la formation, je crois qu’il faut identifier, avec nos partenaires algériens, des projets concrets que nous pourrons mettre en œuvre ensemble. Le Président de la République, Emmanuel Macron avait évoqué lors de sa visite à Alger, la réflexion sur une chaîne de télévision Franco-algérienne sur le modèle d’ARTE ou encore la création d’un office Franco-algérien pour la jeunesse. Ce sont des pistes à explorer.
Je veux également souligner le fait que nos partenaires algériens ont une parfaite maîtrise de notre langue, ils sont souvent formés dans nos écoles, ces partenaires ont les mêmes « codes » que nous, ils ont également une parfaite connaissance de l’environnement politique et administratif français ; c’est pour cela qu’il faut faire comprendre aux chefs d’entreprises de Marseille, Toulouse  ou Montpellier  que leur « arrière-pays » économique, c’est l’Algérie, et que c’est là qu’il faut investir. Alger ou Oran ne sont pas plus éloignées de Marseille que ne le sont Lille ou Strasbourg. C’est pour cela qu’il faut les convaincre de regarder vers le Sud et pas seulement vers le Nord.
Laissez-moi en conclusion redire que c’est un immense honneur pour moi de servir à nouveau en Algérie : j’ai dit en quittant Alger en 2012 « qu’on ne sortait pas indemne de quatre années en Algérie » : revenir à Alger est la preuve de mon engagement, de ma détermination et de l’immense confiance que j’ai dans l’avenir et la force des relations algéro-françaises.
Par 
Massinissa Mansour

http://www.algerie-focus.com/2017/07/entretien-exclusif-xavier-driencourt-ambassadeur-france-en-algerie/