dimanche 6 août 2017

Contre l'obscurantisme En Algérie, une "baignade républicaine" géante organisée le 7 août 2017

Des femmes en maillot de bain veulent défier l'islamo-conservatisme. Image d'illustration.
Des femmes en maillot de bain veulent défier l'islamo-conservatisme. Image d'illustration. - zohra bensemra / reuters
Alors que la contestation des femmes contre le harcèlement et l'islamisme prend de l'ampleur, la plage de Tichy, en Kabylie, devient le rendez-vous de toutes celles et ceux qui veulent vivre des vacances libres.
Tichy prépare sa « baignade républicaine » géante. Rien de moins. La petite station balnéaire, lovée comme une libre sirène au nord de Bejaïa, est solidaire des associations féministes algériennes qui multiplient, depuis le début de l'été, les baignades contestataires contre les brimades, les violences et le diktat islamistes. Une riposte à l'aggravation de la condition féminine : pendant le ramadan, des députés ultraréacs ont déposé un projet de loi qui vise à « réglementer les tenues vestimentaires des femmes pour garantir le respect de la pudeur et des bonnes mœurs ». Les associations salafistes plongent dans le marigot bigot et appellent tout mâle qui se respecte à « empêcher les femmes de se baigner nues [en bikini] ». S'ils ne peuvent l'empêcher, la consigne est de « les prendre en photo et les ficher sur les réseaux sociaux ». Trempette sous tchador : circulez, elles ne nagent plus ! L'opinion s'enflamme, intellectuels et écrivains - le romancier Amin Zaoui, le dramaturge H'mida Ayachi et le poète Achour Fenni -s'insurgent contre « la daechisation des esprits ». Les Algériennes enragent, et Tichy leur ouvre les bras. Sa « baignade républicaine » se déroulera pendant le Festival annuel des couleurs : on y jette des poudres multicolores symbolisant la joie de vivre et la victoire du bien sur le mal.
C'est que la ville en sait long sur la résistance à l'obscurantisme. Si, plus de dix ans après la défaite de l'islamisme armé, deux Algérie irréconciliables continuent à s'affronter à travers le statut des femmes, Tichy - 17 000 habitants, 300 000 l'été -constitue une humble forteresse de la liberté. Plus qu'une plage, c'est un symbole. A commencer par son nom : tiré du berbère ancien tecci, il désigne l'éclat de lumière qui se faufile, dès l'aube, entre les tuiles des maisons kabyles. Un éclat qui a rayonné durant la décennie sanglante, dans les années 90. Tichy, déjà, était un refuge pour des milliers d'Algériens et d'Algériennes à qui les islamistes interdisaient non seulement de se baigner, mais tout simplement de vivre.
On ne se pencha pas beaucoup à l'époque sur la tragédie du sable, de la mer et du soleil interdits sur la terre natale d'Albert Camus. Pourtant, elle symbolisait la féroce réécriture du tempérament algérien par l'intégrisme. L'Algérie compte le plus long littoral du bassin méditerranéen. De 1993 à 1998, à cause de la terreur du Groupe islamique armé (GIA), les 1 400 km de côtes algériennes ont été désertés par les baigneurs. Seule ou presque, Tichy, avec ses 4 km de sable fin, osa se rebeller, irréductible plage kabyle qui défiait l'islamisation forcée. Elle est pourtant située à quelques dizaines de kilomètres seulement des corniches de Jijel, qui accueillaient, à l'époque, le principal maquis de l'Armée islamique du salut (AIS), bras armé du Front islamique du salut (FIS).

AU MÉPRIS DES LOIS

Bien avant les années de sang, Tichy était déjà une légende. Tout le pays la connaissait depuis 1980, grâce au film Kahla ba beida (Noir et blanc), d'Abderrahmane Bouguermouh. Icône des cinéphiles algériens nostalgiques, l'œuvre célébrait la victoire de l'équipe de football de Sétif, l'Entente sportive de Sétif, qui venait de remporter la Coupe d'Algérie. Un mémorable road-movie durant lequel un groupe de supporteurs, voulant célébrer la victoire, se lançaient dans un long périple, à travers les hauts plateaux algériens, à destination de la plage de Tichy. Le film célébrait une jeunesse éprise de liberté et habitée par de grandes espérances. Cet hymne à la joie fut rattrapé par le cauchemar intégriste. La ville s'imposa alors comme un « modèle de résistance par la vie », selon l'expression du poète arabophone Adel Sayad. « Il m'est arrivé de me rendre à Tichy, à plusieurs reprises, durant ces années-là, se souvient-il. Pouvoir savourer mes bières tranquillement, au bord de la plage, valait tous les bonheurs du monde. » Sayad, qui a consacré aux années noires du terrorisme un recueil intitulé Je ne vais pas bien, a été bluffé en découvrant la petite station : « En arrivant ici, j'ai été subjugué par la tolérance qui y régnait. Les femmes en bikini se promenaient ou se baignaient sans subir la moindre remarque désobligeante. C'est grâce à cet état d'esprit que nous avons gardé espoir et tenu bon face au fanatisme. »
Mais l'extrémisme rôde tout près, vers Jijel, le fief de Madani Mezrag, ex-émir de l'AIS. Quatre mille djihadistes « repentis » ont ainsi organisé, en 2011, à quelques encablures de Tichy, une « université d'été » ! Car, même si l'extrémisme islamiste a été vaincu militairement, les largesses de la loi dite de « concorde nationale » ont offert l'impunité à plus de 10 000 djihadistes. En contrepartie de leur renoncement à la violence armée, ils ont bénéficié d'une amnistie qui leur a permis de blanchir l'argent du racket imposé aux populations lorsqu'ils étaient au maquis. Ils ont ainsi pu se reconvertir dans le commerce, notamment dans l'importation de tissus en provenance de Turquie. Une filière qui avait déjà servi à financer le FIS, à la fin des années 80.
« L'université d'été » des anciens djihadistes fut autorisée par le gouvernement algérien. A l'époque, en 2011, le régime redoutait d'être touché, à son tour, par une révolution de type printemps arabe. Encouragés par cette bienveillance inattendue, les anciens soldats d'Allah se sont lancés à l'assaut de Tichy la frondeuse. Sous couvert de « lutter contre la prostitution et la dépravation des mœurs », les réseaux islamo-conservateurs ont tenté de saborder son été. Les huit discothèques et la quinzaine de bars furent désignés comme « lieux de dépravation ». « Une véritable expédition punitive a été menée. Les agresseurs ont saccagé les façades des bars et des hôtels… » se souvient Ali, un restaurateur. Au lieu d'intervenir pour rétablir l'ordre et protéger les infrastructures touristiques de la ville, la préfecture de Béjaïa a pris un arrêté ubuesque ordonnant la fermeture de la majorité des discothèques. Il fallait calmer les ardeurs des islamo-conservateurs. Au mépris des lois.
Tichy la rebelle recommença à respirer avec l'arrivée à la tête de la municipalité de Madjid Kadi, un maire progressiste. L'homme défend la laïcité et l'écologie. Contre les assauts renouvelés de l'islamisme, il ne cède rien, et surtout pas sur le droit des baigneuses : « L'été, notre ville est une véritable mosaïque des 48 wilayas du pays, résume-t-il en souriant, Tichy, c'est l'Algérie ! » Ce sera en tout cas le 7 août, jour de la « baignade républicaine », le sourire des Algériennes.

source : https://www.marianne.net

vendredi 4 août 2017

Conférence Boudjemaa Laliam, Président de l'Observatoire de la laïcité Montpellier au 3e Colloque International ComSymbol Religion(s), laïcité(s) et société(s) au tournant des humanités numériques soutenu par l’Agence Universitaire de la Francophonie (AUF) 2016 à l’Université Paul Valéry de Montpellier les 9 et 10 novembre Montpellier, France


Fatma Oussedik : « Le féminisme ne nous a pas été appris par l’Occident »

A la veille des élections législatives algériennes, la sociologue et directrice de recherche associée au Cread, Fatma Oussedik analyse l’évolution du rôle des femmes dans la sphère publique et politique en Algérie. L’auteure du livre Itifaqaterevient dans cet entretien pour al Akhbar sur les mutations profondes et les nouvelles stratégies d’émancipation des femmes algériennes.
4 mai 2017. Propos recueillis par Lina Kennouche et Tayeb El Mestari pour Al-Akhbar.
Quelle est la représentation des femmes algériennes dans ces élections législatives et comment a-t-elle évolué au cours des dernières élections ?
Cette représentation obéit à un quota. Le président Bouteflika a fait voter une loi qui fixe à 33 % la représentation des femmes dans chaque liste électorale. C’est donc l’effet autoritaire qui a permis une telle présence. On peut dire que c’est l’un des taux les plus importants du monde arabe et même en comparaison à des pays occidentaux. Faut-il en conclure que les femmes sont représentées politiquement? Je n’irai pas jusque là. Depuis 2012, on a un minimum de recul pour voir comment les partis obéissent à cette règle.
Aujourd’hui lorsque l’on observe la société algérienne, on constate que les femmes tout en affichant par leur code vestimentaire leur attachement aux préceptes religieux quittent l’espace clos pour investir dans la sphère publique des lieux autrefois réservés aux hommes. N’y a-t-il pas eu un processus de redéfinition du rôle de la femme algérienne dans l’espace public?
J’ai dirigé une enquête au Centre de recherche en économie appliquée pour le développement (CREAD) publiée sous le titre « mutations familiales en milieu urbain ». Elle a concerné 1200 familles dans 12 villes d’Algérie. L’une des conclusions principales de cette enquête est que les femmes sont l’acteur principal de la mutation. En Algérie, la notion de femme au foyer, c’est à dire une femme qui se définirait ou s’appréhenderait au service du seul foyer, n’a plus de sens. L’une des causes principales de cette transformation réside dans la hausse de la scolarité des filles qui a été spectaculaire dans notre pays. Si le phénomène de féminisation des savoirs est mondial, en Algérie le processus a été très rapide. La formation des femmes dans toutes les disciplines a entrainé une redéfinition de leur place dans l’espace public avec l’accès à l’emploi. Aujourd’hui la femme en Algérie est l’acteur économique principal dans le foyer. Elle fait le marché, prend les décisions d’achat, gère le budget familial, s’occupe des démarches administratives. Celles qui ne travaillent pas se définissent comme « chômeuse » et non pas comme femmes au foyer.
Mais depuis 2001, l’emploi féminin a baissé de façon importante. De plus en plus de femmes sont cantonnées dans le secteur informel. Or, c’est un problème grave dans la mesure où sans autonomie économique, elles ont peu de chances d’accéder à d’autres formes d’autonomie. Par ailleurs on constate, qu’elles sont rentrées de plain-pied dans le marché mais le feu s’est externalisé. Aujourd’hui les plats cuisinés, les produits alimentaires transformés sont achetés, et certains objets qui servaient autrefois à la préparation des mets traditionnels ont disparu. De ce point de vue, nous avons assisté à des mutations fondamentales.
Vous attribuez ces mutations à la scolarisation des femmes, et l’entrée de l’Algérie dans le marché mondial, mais est ce que le mouvement islamiste n’a pas également permis aux femmes des stratégies féministes en s’appuyant sur le dogme religieux pour investir l’espace public?
Avec et sans hijab les femmes sont sorties. Pendant le ramadan, il y a des légions de femmes seules qui se rendent à la mosquée, échangent dans la rue, sortent dans les cafés, et certains imams s’en offusquent. Ces femmes se sont emparées de l’islam en revendiquant leur connaissance des textes religieux. C’est toujours le savoir qui fait la différence. A l’université, de nombreuses filles issues des milieux défavorisées, voilées, sont présentes et rien ne leur serait fermé du fait de l’islam. De plus en plus de filles étudient dans les instituts de théologie et écrivent sur l’islam. C’est un processus irréversible. C’est essentialiser les rapports sociaux que de les réduire à l’identité religieuse. Les femmes se sont emparés de la norme religieuse pour revendiquer l’égalité. Mais il y’ a encore du chemin à parcourir. En Iran, les femmes ont un accès beaucoup plus important à l’emploi, elles ont une vraie parole. Nous ne devons pas oublier qu’en Algérie, c’est une société postcoloniale et l’enjeu de la femme est un enjeu très lointain. Il faut remonter à l’époque coloniale avec ce moment emblématique où les colons arrachent le voile aux femmes algériennes. Aujourd’hui les pays du Nord sont encore très attentifs à la société algérienne pour mesurer son développement démocratique. Le nombre de femmes voilées est pour eux un indicateur d’adhésion ou pas à leur civilisation et à leur culture. Les politiques algériens sont très conscients de cet enjeu, et veulent se présenter à l’international comme des démocrates et des modérés en adoptant, par exemple, des textes comme celui portant sur le quota. Ils montrent ainsi que les femmes sont représentées à l’assemblée, que la parité est respectée, etc. Cependant, les concepts ne peuvent pas être simplement importés. Il existe des conditions objectives de leur production. Le gouvernement a fait le choix de la parité, mais c’est absolument formel. De la même façon, la question des quotas pose non pas seulement la question des femmes mais celle aussi de la qualité du processus démocratique en Algérie. Imiter la procédure des quotas en Suède ne signifie pas que l’Algérie arrivera au même résultat. Dans une situation non démocratique où il s’agit de définir une clientèle du système, les femmes sont comme les hommes : elles font partie de cette clientèle. Elles ne représentent pas plus les femmes qu’hier mais le système qui les a cooptées.
Pour revenir à la question de l’égalité, pensez-vous que le féminisme ait aujourd’hui un sens en dehors du combat pour la justice sociale ? Comment articulez-vous la question de la lutte pour l’émancipation des femmes à celle des rapports de classes ?
Le féminisme est différent selon les lieux où il se réalise mais il est toujours une aspiration à davantage de droits et devrait toujours être une aspiration à l’égalité, une volonté de se désaliéner. Ceci étant, pour moi, la position des femmes, c’est d’abord la position du dominé. Dans un pays lui-même dominé par l’impérialisme, la femme incarne le dominé du dominé. Le féminisme est pour moi un formidable instrument de déconstruction de la domination, qu’il s’agisse des anciennes puissances coloniales comme celle des systèmes en place. Il est très difficile de remettre en cause un processus de domination depuis la position la plus fragile qui est celle de la femme. Lorsque j’analyse l’emploi féminin en Algérie, je ne dis pas « les hommes sont méchants et ne nous donnent pas d’emploi ». Je dis « l’insertion du système économique algérien dans le marché mondial dépendant de la rente ne porte pas sur la production. Et la rente intègre principalement les hommes ». Lorsque l’on sait que l’accès à tous ces circuits dépend davantage du capital social que des agences d’intermédiations pour l’emploi, on comprend que le capital social de la famille se met davantage au service des hommes que des femmes.
Dans notre enquête, nous avons pu constater que ce sont les femmes qui ont le plus recours aux agences d’intermédiation, les hommes misent toujours sur le capital relationnel. Vivant de la rente pétrolière, l’Etat s’est désengagé des secteurs de production et de services, dans lesquels les femmes étaient très présentes. Ce désengagement a entraîné un chômage important. En prenant l’exemple emblématique du complexe pétrolier d’Hassi-Messaoud, où dans les années 90 des femmes ont été battues, violées, enterrées vivantes, l’observation montre que l’événement s’est déroulé dans une zone où le chômage battait son plein. Dans cette ville où l’économie repose sur des champs pétroliers, il y avait d’un coté des résidences pour les femmes cadres qui ont fait leur études à l’étranger et vivent sur des sites gardées, et, de l’autre, les prolétaires qui s’étaient aménagées un quartier. Suite au prêche d’un imam qui accusait les femmes d’avoir volé le travail des hommes, des jeunes se sont rués vers le quartier des femmes et les ont lynchées. Comment analyser ce fait? En essayant d’y mettre de la pensée et de la raison et non en accusant de manière simpliste les islamistes et l’islam. Ces femmes, pour leur majorité, venaient de Sidi bel Abbès, où elles travaillaient dans un complexe électronique, fleuron de l’industrie, qui salariaient 5 000 femmes. Avec le démantèlement de l’industrie, auquel a procédé en particulier M. Ouyahia, 4 000 femmes et leurs familles se sont retrouvées au chômage. Or le salaire avait non seulement changé les modes de consommation mais également les mentalités. Ces femmes ont compris qu’elles pouvaient également travailler ailleurs et ont fait montre de mobilité. Quitter sa famille, l’enclos du patriarcat, pour aller travailler, en tant que sujets individuels, à Hassi-Messaoud, était quelque chose d’iconoclaste en Algérie. C’est cela qui est entré en contradiction avec le système qui, lui-même, a besoin, pour contrôler toute cette force de travail féminine qu’il a qualifié et qu’il n’emploie pas, d’une famille patriarcale forte. Or le départ de ces filles pour Hassi-Messaoud est une contradiction sociologique majeure et elles ont été réprimées à ce titre.
Pourtant la société algérienne et les femmes ont déjà fait l’expérience de cette mobilité avec les maquisards au moment de la guerre de libération?
Oui mais la guerre de libération est un événement exceptionnel. Je viens d’une famille qui a été très intégrée au mouvement national, et j’ai vécu ma petite enfance avec les Moudjahidates que je connais individuellement. Or, ce que l’on peut observer c’est qu’à l’indépendance, il leur a été demandé de retourner dans leur famille. On leur dit « c’est fini, vous avez fait votre devoir vis à vis de la société donc vous rentrez à la maison, vous êtes des femmes de famille ». J’ai interviewé avant sa mort, Mamiya Chentouf , la secrétaire générale adjointe du Parti du Peuple Algérien de Messali el Hadj, militante majeure pendant la guerre de libération qui avait créé la première association de femmes en 1947. Elle m’a confié que l’échec de sa vie était l’adoption du code de la famille. Mamiya Chentouf avait été, après l’indépendance, à la demande de l’ex président Houari Boumédienne, la première présidente de l’Union nationale des femmes algériennes (UNFA) et avait provoqué une immense manifestation de femmes dans Alger contre les premiers projets du code de la famille qui ont été finalement annulés parce que les autorités à l’époque n’avaient pas osé affronter les anciennes militantes. Moi je suis toujours très émue quand je pense à aux maquisardes, imaginez ces jeunes filles de 18 ans qui vivaient dans des familles traditionnelles qui l’étaient d’autant plus que face au colonialisme, il fallait se préserver de la volonté de déstructuration de la société algériennes.

source : http://www.algerieinfos-saoudi.com

Hommage du département d’Etat américain au défunt Rédha Malek

Hommage Rédha Malek
Le secrétaire d'Etat américain, Rex Tillerson. D. R.
Le département d’Etat a rendu, mardi à Washington, un vibrant hommage au défunt Redha Malek, saluant son rôle dans le dénouement de la crise des otages américains en Iran.
«Nous sommes attristés d’apprendre le décès de l’ancien premier ministre algérien, Rédha Malek. Il était un partenaire de longue date des Etats-Unis», a déclaré la porte-parole du département d’Etat, Heather Nauert, peu avant un point de presse animé avec le secrétaire d’Etat américain, Rex Tillerson.
Et d’ajouter : «Nombre d’entre vous se rappellent l’important rôle qu’il avait joué dans les négociations ayant mené à la libération de 52 otages de l’ambassade américaine en Iran en 1981.»
Mme Nauert a évoqué une rencontre au cours d’un déjeuner entre le défunt Rédha Malek et l’ambassadrice américaine à Alger en mai dernier, durant laquelle l’ancien chef du gouvernement est longuement revenu sur les relations algéro-américaines et les perspectives de leur développement.
«Il a longuement évoqué la force des relations entre l’Algérie et les Etats-Unis, sa confiance dans le partenariat que nous avons et son renforcement dans les années à venir», a souligné Mme Nauert. Et d’affirmer que les Etats-Unis partageaient avec l’Algérie cette confiance et le souhait de voir la coopération bilatérale se développer davantage : «Nous sommes d’accord (sur cette évaluation) et nous adressons nos condoléances à sa famille, à ses proches et au peuple algérien.»

La révolution du bikini : de la grandeur à la misère du féminisme en Algérie



La confrontation sur les réseaux sociaux entre un courant « conservateur » et un groupe de militantes prônant la défense des libertés individuelles au sujet du port du bikini à la plage, ne s’est pas éteinte. Les instigatrices anonymes de la campagne de mobilisation des femmes en bikini ont redoublé de zèle depuis le 5 juillet dernier, date de la commémoration de l’indépendance, en organisant plusieurs sorties dans des stations balnéaires à Annaba et Oran. Le groupe Facebook où sont discutés et organisés les rendez-vous de ces « baignades politiques » compterait à présent plus de 3000 participantes. Mais en dehors d’une couverture médiatique dans la presse étrangère et les débats houleux sur internet, le discours contre-productif de ces « féministes » est loin de recevoir un écho positif en Algérie.
Dans un article publié par le magazine féminin français Grazia, l’une des instigatrices de la campagne, « Sarah, 27 ans », explique que pour avoir un impact sur la société algérienne, il faut habituer « des milliers de voyeurs à ce qu’ils considèrent encore comme étant interdit » tout en précisant : « Nous ne voulons pas changer leur vision des choses, mais simplement leur inculquer la tolérance et l’acceptation de l’autre ». Cette dernière phrase illustre à elle seule le non-sens politique d’une démarche présentée comme telle.
Les stratégies féministes visent à déployer des moyens pour subvertir les pratiques patriarcales au sein d’une société afin d’améliorer le statut des femmes dans les sphères socio-économiques politiques et dans l’espace privé. Mais cette capacité d’agir et de résister à la domination masculine ne réside pas dans l’adoption d’actes qui s’opposent radicalement aux normes sociales. En cherchant à politiser la question du port du bikini sur les plages à travers une campagne dont l’ ’objectif proclamé est d’« inculquer la tolérance » (concept variable d’une société à l’autre en fonction des contextes socio-culturels, de l’état des rapports de forces au sein d’une société), ces femmes reproduisent les stéréotypes du discours qui vide le féminisme de tout contenu social.
Premièrement, dans l’introduction de nouvelles pratiques pour s’opposer à l’hégémonie des normes culturelles « masculines », l’enjeu principal n’est pas de fustiger ou de prôner un autre code vestimentaire. Des féministes algériennes qui affichent par leur code vestimentaire leur fidélité aux préceptes religieux ou à la tradition ont quitté l’espace clos pour participer pleinement à la société. Massivement éduquées elles ont développé des ambitions individuelles et professionnelles et ont investi des sphères autrefois réservées aux hommes. Comprendre cette évolution suppose de tenir compte de la trajectoire historique du féminisme en Algérie qui puise dans la tradition de lutte anticoloniale.
Si le rôle précurseur des Moudjahidates [résistantes algériennes, Ndt] pendant la guerre de libération et leur combat pour l’égalité a connu un « reflux » à l’indépendance, depuis la fin de la guerre civile, le « féminisme » a également pris un nouvel essor. Dans son article éclairant sur les « Algériennes et la guerre de libération nationale, l’émergence des femmes dans l’espace public au cours de la guerre et l’après-guerre » Khaoula Taleb Brahimi, professeure de sociolinguistique arabe à l’Université d’Alger revient sur le rôle historique des femmes dans la guerre d’indépendance. « Des femmes et des toutes jeunes ont en un laps de temps très court, fait une intrusion brutale dans le monde des hommes et de la guerre, faisant voler en éclats la traditionnelle frontière entre les deux mondes, celui extérieur, public, espace de l’homme et de l’univers masculin, et l’autre intérieur, domestique et privé, espace des femmes et de l’univers féminin ».
Après 1962, le courant conservateur du FLN revenant sur les acquis de la révolution en matière de droits des femmes fait adopter un code la famille (1984) renfermant de nombreuses dispositions discriminatoires auxquelles les anciennes Moudjahidates [résistantes algériennes, Ndt]
se sont farouchement opposées. Il faudra attendre les promesses faites par le président de la République Abdelaziz Bouteflika en 2001 pour ouvrir le chantier des réformes.
L’évolution est amorcée avec la criminalisation du harcèlement sexuel (2004), le fond de garantie pour le paiement de la pension alimentaire lorsque le mari est défaillant (2012), le décret sur le droit à l’indemnisation des femmes violées par les terroristes pendant les années de terrorisme (2014) etc. Ces maigres avancées sont cependant le résultat de la confrontation avec les courants féministes en Algérie qui ont réussi à imposer une modification des lois sur le statut personnel comme nécessité concrète. Mais en dépit de ces réformes qui tentent de gommer les discriminations légales héritées du code du statut personnel, la condition de la femme algérienne reste difficile. Fatima Oussedik, sociologue et membre du réseau Wassila Avif, association de défense du droit des femmes, explique les limites de cette reconnaissance juridique.
Dans un précédent entretien pour al-Akhbar elle déclare : « Lorsque la loi contre les violences sexuelles a été adoptée, elle est présentée à l’échelle du monde entier mais on oublie de mentionner qu’elle comporte une clause stipulant qu’avant le prononcé du jugement, si la femme pardonne à son époux, l’action est éteinte et l’Etat ne se constitue pas partie civile. Or la femme sans logement, sans emploi, avec enfants, va pardonner d’abord parce que sa famille va se rendre au commissariat pour lui rejeter la responsabilité. Nous avions en amont dénoncé cette clause. Avant même l’adoption du texte nous avons réalisé un lobbying auprès des femmes députés, participer à une table ronde au journal liberté pour dénoncer cette clause qui est tout de même passée. Cela signifie que la loi est vidée de son contenu. »
Les évolutions en la matière n’ont pas remis en cause les rapports de pouvoir historiquement et socialement valorisés entre hommes et femmes. Mais la question de l’amélioration du statut de la femme et de la promotion de l’égalité ne peut être pensée indépendamment de la question sociale dans son ensemble. Or le problème posé par le discours des promoteurs de la campagne du port du bikini est qu’il oblitère totalement la question de l’articulation du rapport race et classe.
Les femmes avant de porter un bikini appartiennent d’abord à des classes sociales qui déterminent leurs intérêts. Réduire le féminisme à des questions de forme, « tenue vestimentaire », ou de sémantique, fait naître un sentiment d’appartenance sexuée qui dépasserait l’appartenance de classe, seul véritable danger pour l’oligarchie ultra-libérale.
Comme l’analyse la politologue Françoise Vergès dans un entretien pour le site Alternative libertaire, (à propos de son livre « Le ventre des femmes ») « les droits des femmes sont essentiels mais ces droits ne peuvent pas être l’horizon de l’émancipation des femmes. Que j’aie ces droits ne libère pas la société car d’une part toutes les femmes n’y ont pas accès pour des questions de classe et de race. Et d’autre part, l’horizon du féminisme, c’est l’émancipation de la société tout entière »
Par Lina Kennouche | 30 juillet 2017
http://arretsurinfo.ch/la-revolution-du-bikini-de-la-grandeur-a-la-misere-du-feminisme-en-algerie/