samedi 22 décembre 2012

A Tlemcen, c'est déjà 2014 à cause de Hollande.

Ceux qui ont participé à la visite vous le diront.Hollande a été aux petits soins de Bouteflika, le citant partout, surtout, comme tout. On aura peut-être un peu trop insisté sur le sens commerçant de cette visite, sur les contrats ou les accords, en oubliant peut-être le but des deux hommes, derrière les buts de leurs pays : revenir à la vie pour l'un, se donner une vie pour l'autre. Avec son pèlerinage algérien, Hollande a pris un peu de poids d'images, de consistance pour faire contrepoids à son manque de charisme et de visibilité internationale. Pour le moment, Hollande continue son métier de nettoyeur : faire admettre aux gens et aux pays liés que Sarkozy n'existe plus, que ce n'est pas qu'un souvenir ou un mauvais coup de volant de la France. En Algérie, Hollande a été sur les traces de ses ancêtres : il a fait un peu de de Gaulle (je vous ai compris), un peu de Chirac (je vous aime), un peu de culpabilité postcoloniale (on a été brutaux). Il va en récolter donc un second bon rôle dans l'histoire coloniale qui ne le concerne pas mais qui l'incommode comme elle incommode beaucoup de Français.

De notre côté ? Le but de Bouteflika est atteint : il est acclamé par les foules, accompagné par la France, souriant sous les caméras. De leurs mauvaises loges, Moubarak, Kadhafi, Bachar ou Benali et Ali Saleh doivent lui envier cette troisième jeunesse et cette chance inouïe.

Pour ceux qui ont accompagné les deux Présidents durant ces deux jours, on aura retenu cette insistante de François Hollande à citer le nom de son Bouteflika chaque deux mètres. Bouteflika sort de cette visite encore plus vivant que ses morts cycliques, plus présent, plus confiant dans son destin et plus intéressé par l'avenir. Et après l'effet trompeur des analyses sur les relations entre les deux pays, les économies, investissements et autres, certains ont même commencé à ressentir ce soupçon fin et insistant sur l'essentiel : il y avait comme un air de pré-campagne pour le nôtre. Le bonhomme est plébiscité par la fanfare, la France et la foule. Il ne reste donc plus entre lui et le 4e mandat que quelques centimètres et des formalités. François Hollande avait même l'air d'un colistier doux et fraternel dans ce jeu de couple. Dans les foules dites "spontanées", le cri n'était pas celui de "vive Hollande", mais "vive El Aziz", nom intime et de Royauté de Bouteflika dans le territoire du Tlemcénois. Hollande est donc venu pour renouer un meilleur lien avec l'Algérie, aplanir la mémoire et parler d'avenir, il vient de nous sceller presque un quatrième mandat, peut-être même malgré lui.

Kamel Daoud in Le Quotidien d'Oran.

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