vendredi 25 janvier 2013

Mali: comment Alger a construit son fiasco diplomatique

  • La coopération sera donc totale : l'Algérie a fermé sa frontière avec le Mali où une intervention militaire française est en cours, a annoncé lundi 14 janvier le porte-parole du ministère des affaires étrangères, Amar Belani. Dimanche soir, c’était le ministre français des affaires étrangères, Laurent Fabius, qui précisait que les discussions se poursuivaient avec l'Algérie, après avoir annoncé qu'Alger avait « autorisé sans limite le survol de son territoire » aux avions Rafale français.
Le soutien d’Alger à Paris n’a pas manqué de surprendre en Algérie, tant il s’apparente à un « fiasco » pour la diplomatie algérienne, du moins pour l’éditorialiste Faycal Métaoui du quotidien El Watan : « Ce n’est pas une humiliation, mais tout de même : apprendre qu’Alger coopère pleinement et participe donc à une offensive militaire par la bouche du ministre des affaires étrangères français, c’est un peu fort, juge ce spécialiste des questions internationales joint par téléphone mardi après-midi. Jusqu’à aujourd’hui, le gouvernement ou le président Bouteflika ne nous ont fourni aucune explication. »
Quelle était l’ambition algérienne au Nord-Mali ? Dès le mois d’avril 2012, les Algériens ont cherché à dissocier l’enjeu régional en deux situations distinctes. D’un côté, le problème touareg, vieille épine dans le pied d’Alger ; de l’autre, la nouvelle situation créée par l’émergence des groupes islamistes.
Iyad ag Ghali, leader d'Ansar Dine.Iyad ag Ghali, leader d'Ansar Dine.
Les Touaregs se divisent en deux groupes : le Mouvement national pour la libération de l’Azawad (MNLA), qu’Alger considère comme étant proche de la France, et Ansar Dine, un groupe islamiste. Les Français considèrent Ansar Dine comme un mouvement islamiste allié à Al Qaïda au Maghreb islamique (AQMI) et au Mouvement pour l'unicité et le jihad en Afrique de l'Ouest (MUJAO).
Les Algériens souhaitent de leur côté traiter Ansar Dine avant tout comme un mouvement targui (touareg en arabe), car ils ont peur de la réaction de leurs propres touaregs. Au Sud algérien, nombre d’entre eux possèdent plusieurs passeports et, avant de se considérer comme algériens, ils sont avant tout touaregs. Leurs réactions à une offensive algérienne contre leurs « frères » d’Ansar Dine est imprévisible, et Alger se doit d’en tenir compte, ce qui complique singulièrement sa stratégie diplomatique.
« Il n'y a pas de cohérence de la politique algérienne, juge un haut diplomate français. Chez eux, ils adoptent une réponse sécuritaire au terrorisme, mais à l'extérieur de leurs frontières, ils ont une approche politique. » En 2012, et malgré ses doutes, Paris a cependant laissé Alger entamer les négociations avec Ansar Dine – qui s’est rendu plusieurs fois à Alger – pour pousser le mouvement à rompre avec Aqmi et le Mujao. L’ultime rendez-vous a eu lieu au mois de décembre. En parallèle, l’Algérie est parvenue à convaincre un temps la Mauritanie et le Burkina Faso, auparavant alignés sur la position française, de prêter main forte pour faciliter les négociations. Le Burkina a même reçu une délégation d’Ansar Dine pour négocier avec elle.
À Alger, il se murmure aussi que l’ultime but de la stratégie du gouvernement algérien est d’associer le MNLA et Ansar Dine pour les utiliser contre les groupes islamistes et les chasser du Nord-Mali. Chasser les islamistes en unissant les Touaregs, pour ensuite régler le problème touareg, telle était sans doute l’ambition des autorités algériennes. Mais à la fin 2012, cette idée ne paraît plus réaliste. « Nous avions senti venir l’impasse, nous explique Lounes Guemache, directeur de la rédaction du site Tout sur l’Algérie (TSA) qui a suivi de près les négociations. Nous avions interrogé plusieurs fois les responsables d’Ansar Dine, ils avaient été clairs : “Aqmi et le Mujao sont des musulmans, ce ne sont certes pas nos amis, mais ce sont nos frères, nous ne prendrons jamais les armes contre eux.” »

source Mediapart

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