mardi 19 février 2013

Quand la mort des uns fait le bonheur des autres !

Le comité central ne trouve pas d’issue à la crise

Belkhadem s’appuie sur les milliardaires du FLN

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Après le décès de Abderrazak Bouhara qui devait prendre en charge le FLN après l’éviction de Belkhadem, le comité central  n’en a pas fini avec l’ancien SG qui semble s’appuyer sur d’autres forces pour revenir au plus haut niveau.

Le FLN n’est pas encore sorti d’affaire. Il était à deux doigts de trouver une issue à la crise qui le secoue depuis plusieurs années, n’était la mort de l’homme autour duquel un consensus avait été trouvé, en l’occurrence Abderrazak Bouhara, décédé la semaine dernière. Lorsqu’un groupe de membres du comité central, mené par Tayeb Louh, s’était rendu chez lui pour lui annoncer l’acceptation dont il faisait l’objet au sein du parti, le défunt avait déjà été transféré à l’hôpital où il a succombé à un malaise cardiaque.     
Mais c’est à ce moment même que ceux qui ont soutenu le secrétaire général déchu, Abdelaziz Belkhadem, ont repris les tractations pour revenir à la charge pour imposer le retour de leur chef de file – qui ne désespère apparemment pas de reconquérir le poste d’où il a été «dégagé» –, ou d’un des leurs, sachant que leurs adversaires n’arrivent toujours pas à s’entendre sur un candidat capable de susciter l’adhésion de la majorité. Une situation qui a mis le comité central en stand-by, car aucune date n’a encore été fixée pour désigner un nouveau secrétaire général. Certains disent que ce dernier nourrit toujours l’ultime espoir de revenir même si pour le CC, l’ancien secrétaire général est «politiquement mort». D’ailleurs, même le communiqué signé le week-end dernier par Abderrahmane Belayat, qui «gère provisoirement» les affaires courantes du parti, parle de «l’élection d’un nouveau secrétaire général» du FLN.

Quand la mort des uns fait le bonheur des autres !

La page Abdelaziz Belkhadem serait-elle définitivement tournée ? Ses partisans ne l’entendent pas de cette oreille. L’ex-secrétaire général a maillé le FLN de telle sorte que son départ se fasse dans un désordre susceptible de lui réserver, sait-on jamais, une fenêtre par où il pourrait revenir. Comment Abdelaziz Belkhadem a-t-il verrouillé le parti ? Selon un membre du comité central et ancien membre du bureau politique, l’ex-patron du FLN a compris très vite, dans une Algérie où les mœurs politiques font de la morale, que l’argent est le nerf de la guerre. Il n’a pas donc lésiné sur les moyens et s’est employé à tisser une véritable toile d’araignée pour plomber le FLN. Pour ce faire, il se serait appuyé, selon nos sources, sur deux collaborateurs aux CV bien particuliers : Mohamed Alioui, président de l’Union nationale des paysans algériens (UNPA), et Daadoua Laayachi, ancien chef du groupe parlementaire du parti et membre du bureau politique. «Peu soucieux des statuts et des lois internes du FLN, Abdelaziz Belkhadem et ses proches collaborateurs assoiront ainsi leur pouvoir par le recrutement en masse de plusieurs milliardaires, au grand dam des véritables militants et des structures du parti.» Des milliardaires cherchant à avoir pignon sur rue. Un cadre du FLN soutient que c’est Abdelaziz Belkhadem qui a écarté le mouhafedh de Djelfa pour placer «un nabab de la région se retrouvant tête de liste du parti pour les élections législatives».
A M’sila, c’est un autre milliardaire, Dilmi Abdelatif, recruté par Mohamed Alioui, indique notre source, placé tête de liste du FLN lors des élections du 10 mai 2012. A Bouira, «le cabinet noir de Belkhadem a porté son choix sur Cherif Ould El Hocine», un autre milliardaire, ancien militant du Parti du renouveau algérien (PRA), président de la Chambre nationale de l’agriculture, propulsé membre du comité central avant de se faire élire à l’APN sur la liste du FLN et finir ensuite président de la commission de l’agriculture au Parlement. A Blida, le trio exécutif de l’ex-parti unique a orchestré le même plan pour mettre à l’écart le mouhafedh local, jetant son dévolu sur une grosse  fortune de la ville des Roses, en l’occurrence  Ahmed Djellat qui, avant 2007, était au Parti de la nature et du développement. C’est encore, affirme notre source, curieusement, une bonne connaissance de Mohamed Alioui, qui semble avoir entretenu de solides réseaux grâce au «soutien agricole».

Ces milliardaires qui veulent avoir pignon sur rue

Le même scénario est reproduit dans la wilaya de Aïn Defla où le triumvirat a préféré s’appuyer sur un milliardaire local que sur ses propres militants. A Annaba, Belkhadem et ses collaborateurs ont recruté un sulfureux homme d’affaires, un client de la justice sorti de l’anonymat surtout par la tapageuse campagne médiatique menée à son encontre par la secrétaire générale du Parti des travailleurs, Louisa Hanoune, qui, dans un de ses discours dénonçant la corruption politique, l’a qualifié de «trafiquant» et de «faussaire», mais surtout d’avoir «casqué» pour accéder à la députation. Il s’agit de Baha Eddine Tliba qui a sollicité les services d’un grand quotidien arabophone pour appeler, au nom du groupe parlementaire du FLN, le président Bouteflika à briguer un quatrième mandat. Elu sur la liste du FND, il a été  bombardé par Abdelaziz Belkhadem à la vice-présidence du groupe parlementaire et à la commission des finances de l’APN, où il a eu d’ailleurs une prise de bec avec un élu du PT. Le réseau des milliardaires de Belkhadem s’étend jusqu’à l’extrême est du pays, Tébessa où l’homme d’affaires Mohamed Djemaï, «inconnu au FLN», se retrouve en un temps record aux avant-postes du parti. Candidat sur une liste indépendante, le milliardaire a fait également son entrée au comité central. Mieux, il sera imposé après les élections législatives du 10 mai 2012 comme chef du groupe parlementaire avant que la contestation ne fasse reculer le choix du secrétaire général déchu. D’ailleurs, ce sont les griefs retenus contre lui par la majorité des militants du FLN.
Abdelaziz Belkhadem voulait vraiment se donner les moyens de sa politique, lui qui nourrissait l’ambition de présenter sa candidature à l’élection présidentielle de 2014. Il allait chercher des soutiens même dans le sud du pays pour asseoir son pouvoir. C’est à Adrar qu’il a recruté, avec l’aide de ses deux proches collaborateurs, un autre milliardaire, Ali Hamel, un homme de réseau bien introduit dans la zaouïa locale. Ce sont ceux-là avec qui Abdelaziz Belkhadem a fait équipe.
L’idée de lancer le Club des hommes d’affaires, une initiative puisée dans l’organigramme du parti nationaliste égyptien, indique un membre du comité central, participe de cette logique de pouvoir. «Ayant l’emprise sur les structures locales du parti après avoir exclu les militants», ses partisans ont tenté de peser de tout leur poids lors de la dernière session du comité central le 31 janvier, pour que l’ex-secrétaire général du FLN reste aux commandes. Ils ne perdent pas espoir jusqu’à ce jour, soutiennent certaines sources. Et ce n’est pas par hasard que depuis deux jours, certains mouhafedhs qui lui sont restés fidèles «bougent», en inondant les rédactions d’Alger de communiqués demandant le retour de Abdelaziz Belkhadem. Selon d’autres sources, ce lobby a repris du poil de la bête depuis le décès, la semaine dernière, de Abderrazak Bouhara, l’homme qui avait réuni un solide consensus pour tourner la page Belkhadem.

Le lobby de Sidi Yahia

Des indiscrétions indiquent qu’ils se réunissent à Sidi Yahia, sur les hauteurs d’Alger, pour planifier le retour de leur chef. Pas seulement, ils ont plusieurs fers au feu. Dans le contexte engendré par la disparition de Abderrazak Bouhara et la difficulté qu’éprouvent les opposants de Belkhadem à trouver une alternative, ce conglomérat d’anciens du FLN et de milliardaires que la politique, pour diverses raisons, attire comme un aimant, a déjà engagé un candidat. Une sorte de plan B. Selon nos sources, il s’agirait de l’ancien président de l’APN, Amar Saïdani, qui, depuis la destitution de Belkhadem, cache très mal son désir de lui succéder. Les mêmes sources affirment que ce dernier, parti de rien, joue désormais dans la cour «des fortunés».
Mais parmi ce lobby de Sidi Yahia il y a, jusqu’à preuve du contraire, deux noms cités dans la presse dans l’affaire qui a défrayé la chronique il y a 6 ans, la Générale des concessions agricoles, ayant trait au détournement de plusieurs centaines de milliards centimes : Amar Saïdani et Daadoua Laayachi. D’autres soutiens de l’ex-secrétaire général du FLN qui adhèrent  à cette démarche ne font, souligne un membre du comité central, que défendre leurs intérêts et leurs positions. Certains ont vu propulser qui ses enfants, qui ses frères ou ses beaux-fils à la députation grâce à la générosité d’un secrétaire général qui, indique la même source, s’est nourri de la crise qu’il a savamment entretenue au sein du parti. Dans sa stratégie de conquête du pouvoir, Abdelaziz Belkhadem, choyé par le chef de l’Etat, qui l’a longtemps couvé et gratifié d’un CV bien rempli en le nommant successivement ministre des Affaires étrangères, puis chef de gouvernement et enfin ministre d’Etat, comptait s’appuyer sur deux passerelles : l’argent et l’idéologie ravageuse qu’est l’islamisme. Mais ce qui est sûr, soutiennent beaucoup d’observateurs, c’est que s’il n’avait pas eu d’appuis en haut lieu, il n’aurait jamais duré.
Said Rabia in El Watan

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