mardi 22 octobre 2013

Une fin enigmatique pour un héros de la Révolution
Krim Belkacem
Arrivée de la délégation algérienne (F.L.N) aux accords d'Évian. Elle est présidée par Krim Belkacem en mars 1962. De g. à dr. :  M'hamed Yazid, Saâd Dahleb, Krim Belkacem et en arrière plan Lakhdar Bentobal
Tous les ouvrages traitant de l’histoire du mouvement national et de la guerre de Libération, tous les biographes de l’ancien ministre des Affaires étrangères du GPRA, certifient qu’il a été froidement assassiné dans sa chambre d’hôtel à Francfort, en Allemagne, le 18 octobre 1970. Crime exécuté par des mains inconnues, qui l’auraient étranglé à l’aide de sa propre cravate.
Une fin tragique, voire même scandaleuse, que le « lion du Djurdjura » – comme aimaient l’appeler ses compagnons moudjahidine ou « le lion des djebels » comme le surnommait les auteurs français –, ne méritait sans doute pas, après avoir survécu à une guerre atroce dans laquelle il s’adonna corps et âme, lui qui est connu pour être le précurseur de la lutte armée en Kabylie, l’un des premiers organisateurs des maquis dans cette région et dans tout le pays, et aussi l’un des architectes du Congrès de la Soummam qui offrait à la Révolution des structures et des instruments modernes.
Son parcours militant et révolutionnaire parle pour lui. Mais ce sur quoi les différentes versions ne semblent point d’accord, ce sont les motifs de cette liquidation physique d’un homme qui était destiné à jouer un rôle clé dans l’Algérie indépendante : règlements de comptes ? Assassinat politique ?
Dans la foulée de la crise de l’été 1962, qui divisait gravement et irrémédiablement le commandement de la Révolution, entre le GPRA et certaines wilayas de l’Intérieur, d’un côté, et l’état-major de l’armée et le groupe dit de Tlemcen, conduit par l’ex-Président Ahmed Ben Bella, de l’autre, Krim Belkacem a dû croiser le fer avec ses anciens compagnons d’armes pour faire aboutir sa démarche et celle du GPRA. Hélas ! pour lui, l’issue de ce bras-de-fer ne lui aura laissé, à lui et à beaucoup d’acteurs de premier rang, aucune chance. Il se trouvera de fait hors-course dès la proclamation de l’Indépendance et la mise sur pied d’un premier gouvernement de l’Algérie indépendante. Son choix de l’opposition le mettra de fait en confrontation avec le pouvoir en place. Il tenta une première fois de regrouper les opposants politiques et militaires à Tizi-Ouzou pour former ce qui est historiquement connu sous le nom du « groupe de Tizi-Ouzou », qui regroupait, entre autres, Hocine Aït-Ahmed, Mohamed Boudiaf et d’autres anciens chefs de maquis des Wilaya III et IV. Après l’échec de cette initiative, il se réfugia quelque temps en France, tout en gardant ses liens avec le pays et avec la politique. Après le redressement du 19 juin 1965, Krim Belkacem tentera de constituer un nouveau front d’opposition, avec le même noyau, mais fut obligé de quitter le pays dès 1967, pour fuir une condamnation à mort par contumace qui avait été rendu contre lui par une cour martiale pour tentative d’assassinat du chef du Conseil de la révolution, le colonel Houari Boumediene. Un épisode dont on sait très peu de choses. Cela coïncidait avec le mouvement qu’avait initié le chef de l’état-major de l’ANP de l’époque, le colonel Tahar Z’biri, contre le Président Boumediene. Une année plus tard, en 1968, Krim créa avec d’anciens compagnons qui lui sont restés loyaux, à l’image d’Amar Oumarane, Slimane Amirat ou encore le dernier chef de la Wilaya III, Mohand Oulhadj, le Mouvement démocratique pour le renouveau algérien (MDRA). Deux ans plus tard, le 18 octobre 1970, on le retrouve étranglé avec sa cravate dans une chambre d'hôtel à Francfort. La presse occidentale et une partie de la classe politique pointaient du doigt les services de renseignement algériens que dirigeait alors le colonel Kasdi Merbah. Mais, jusqu’à présent, les raisons et les circonstances exactes de cet odieux assassinat ne sont pas encore totalement élucidées.
 Réhabilité à titre posthume, sa dépouille sera rapatriée le 24 octobre 1984, pour être inhumée au Carré des Martyrs à El Alia, à Alger. Mais sa mort resta longtemps un sujet tabou en Algérie. Chose qui nourrira de très vives supputations au sujet des auteurs et des motivations qui auraient animé ces derniers pour commettre le forfait. On le lie à la liquidation, dans les mêmes circonstances opaques, d’autres opposants connus tels que Mohamed Khider, le 2 janvier 1967.
 Un long métrage retraçant son parcours de combattant et de leader révolutionnaire, et financé par l’Etat, lui est dédié ; ultime hommage à celui qui se sacrifia pour que vive l’Algérie digne et libre, même si certains critiques estiment que le parcours hors du commun de ce héros national a été évoqué superficiellement par les producteurs de ce film, et évitent tous les épisodes troubles qui risquent de susciter la polémique ou de raviver de vieilles rancœurs qui ont tant fait mal à l’esprit patriotique des Algériens et à la cause nationale.

Adel Fathi 

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