jeudi 12 décembre 2013


Daoud
C’est la nouvelle religion internationale, destinée au « arabes » entre autres, aux agités, aux altermondialistes et aux rebelles, révolutionnaires, gens mal à l’aise et gens qui rêvent de mieux et que l’on menace du pire : la stabilité. Qu’est-ce que c’est ? C’est selon. Pour un homme algérien quadra qui se lève le matin pour accompagner son pantalon toute la journée, la stabilité est le contraire d’Al Jazeera. C’est sûr à la télévision rien ne bouge, pas même les images. C’est marcher sans tuer, respirer sans mourir, enfanter sans craindre et baisser la tête pour ne pas la perdre. Aux algériens on a inculqué l’idée que la stabilité et le meilleur qui puisse leur arriver comparé à leurs voisins. On leur vend ainsi la dictature molle sous forme de sécurité rapprochée.
Pour un peuple, la stabilité est donc inculquée comme le chemin le moins dangereux quand on veut vivre sans bouger. La stabilité se mange, s’achète, se paye et s’échange. C’est une devise forte en somme depuis quelques années.
Selon l’Occident, la stabilité c’est autre chose. C’est le silence calme et serein autour du puits de pétrole et de la réserve de gaz, avec dattes et palmiers si possible. C’est la sécurité de l’approvisionnement, c’est le contrôle du flux migratoire et de la menace terroriste. Un pays du Sud pauvre est jugé stable quand il n’envoit pas les chaloupes, vend le pétrole sans interruption et traque ses terroristes en les tuant consciencieusement et statistiquement.
Selon un touriste blanc, la stabilité, c’est pouvoir prendre des photos sans être pris en otage. Passer des vacances sans passer par Youtube le canon sur la tempe, c’est perdre son souffle, pas sa tête. Car désormais, la stabilité passe avant la beauté quand on fait le choix de voir le monde ou de le parcourir.
Qu’est-ce que la stabilité pour un rebelle de nos bords ? C’est une arnaque. C’est la peau de mouton sous laquelle se cache la peau du loup. C’est la fable du petit chaperon rouge. C’est le vieillissement sans espoir, ni accident, ni saut en parachute. C’est l’immobilité et le thé. C’est de ne rien faire, ne rien bouger, ne rien changer et manger et ne pas déranger et ne pas songer et plonger en douceur puis nager, flotter et attendre de mourir. C’est ainsi. C’est une nouvelle religion qui vous donne le Calme comme un nouveau Dieu, l’immobilité comme un rite et le non espoir comme meilleur que le désespoir.
Cela va-t-il durer ? Non. La stabilité ne se décrète pas. C’est un profond équilibre qu’on n’atteint pas par la politique de l’autruche et le déni du dos. En fait, la stabilité a un synonyme net et précis et sans appel : la démocratie. Ce vieux système rodé où chacun surveille l’excès de l’autre sans atteindre à la liberté du prochain. Cela produit un système qui se tient debout, qui se défend, qui résiste au choc et qui ne bascule pas en pendule entre la répression au nom de la stabilité et la stabilité au détriment de la liberté. Parce que certains printemps « arabes » ont crashé, on nous explique que la démocratie n’est pas pour nous, ni aujourd’hui ni dans un siècle. On nous vend la stabilité conjuguée à la débilité et à la sénilité.
Mais la démocratie personne ne la veut pour nous, même pas nous-même. Ni l’occident qui veut le puits, ni les régimes qui veulent durer, ni les peuples qui ne savent pas conjuguer. C’en est même devenu une conviction chez beaucoup.
 La stabilité est l’avatar lointain d’un si vieux proverbe : celui qui dit, chez nous, le peureux a toujours maigre fortune.


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