VU D'ALGÉRIELa Françafrique de François Hollande
Echanges commerciaux, centres culturels ou lycées, la France est en recul sur le continent africain. Mais une stratégie qui s'appuie sur des interventions militaires pour relancer les relations entre la France et l'Afrique n'est peut-être pas le meilleur choix.
Le sommet de l'Elysée pour la paix et la sécurité en Afrique, 6 et 7 décembre -AFP/Alain Jocard
La France et l'Afrique, c'est donc toujours la Françafrique, même si le président français s'en défend. Et, contrairement aux autres puissances, la France, malgré son passé colonial, n'a plus les moyens de réinvestir le continent africain par le biais du business, d'où les choix des deux derniers locataires de l'Elysée – Sarkozy (de la droite plutôt proche du lepénisme) et Hollande (acquis à la social-démocratie de type allemand que pourtant il abhorre en public – de singulariser leur pays en Afrique par des interventions militaires renouvelées.
Le récent sommet de Paris pour la paix et la sécurité en Afrique ne s'est-il pas ouvert, le 6 décembre, alors que 1 200 soldats français débarquaient à Bangui ? Une opération en porte-à-faux avec la profession de foi de François Hollande qui a juré d'ouvrir un nouveau chapitre de l'histoire de son pays avec l'Afrique : business et partenariats contre sous-développement. Le président français a même redit devant sa cinquantaine d'invités à l'Elysée que l'Afrique était l'un des défis économiques de son mandat.
Hollande semble ne pas vouloir se résigner à voir la Chine, les Etats-Unis, la Russie, le Brésil, l'Inde et beaucoup d'autres pays comme l'Espagne faire de l'Afrique un terrain de conquête économique et commerciale. En effet, le continent noir n'est pas qu'une terre d'émigrés fuyant la précarité ou celle du terrorisme djihadiste. Si cette Afrique est bien réelle, l'autre existe aussi, et elle est en mouvement ascendant.
Nouveau moteur de croissance planétaire
Selon le FMI, les classes moyennes représentent déjà un tiers de sa population ; 80 % de ses habitants sont connectés à un réseau de téléphonie mobile ; c'est le continent qui épargne le plus après l'Asie, avec des réserves de change estimées à 500 milliards de dollars [363 milliards d'euros] ; depuis une décennie, sa croissance économique se situe juste derrière celle des tigres de l'Asie. D'ici à 2020, les dépenses annuelles des ménages africains devraient croître de 67 % et passer à 1 400 milliards de dollars [1 016 milliards d'euros]. Trente ans plus tard, sa population doublera pour atteindre près de deux milliards d'individus. Un marché qui sera le nouveau moteur de croissance planétaire, prédisent tous les analystes.
Embourbée dans sa crise économique mais surtout prisonnière de ses atavismes néocolonialistes, la France constate qu'elle est en retrait en Afrique. Hubert Védrine, ancien ministre des Affaires étrangères chargé par Hollande de faire un rapport sur la place de la France dans les échanges avec l'Afrique, a décrit toute la problématique des incapacités de la France : "La France perd des parts de marché dans toutes les zones où elle était fortement implantée pour des raisons historiques et elle n'en gagne presque pas ailleurs ; entre l'an 2000 et 2011, sa part au sud du Sahara a décliné de 10,1 % à 4,7 %." Il faut prôner un nouveau regard, mais en se gardant de ne voir l'Afrique que comme un vivier d'affaires commerciales.
Si l'ex-ministre ne dit pas mot sur les interventions militaires, d'autres Français, qui s'interrogent sur l'utilité pour leur pays de ces équipées guerrières – au Mali en janvier 2013 et en ce moment en République centrafricaine –, estiment que la France devrait recadrer ses relations sur les principes de la solidarité Sud-Sud et d'un partenariat de croissance et de progrès réciproques, d'autant qu'elle partage avec l'Afrique des proximités historiques, culturelles et migratoires : 100 millions de francophones en Afrique, plus de 5 millions d'Africains en France, et la France est le premier pays d'accueil pour les étudiants africains.
C'est toujours l'Oncle Sam qui fait la loi
La France, rappelle-t-on souvent en Afrique, aura préservé sa place de puissance parmi les grands de ce monde grâce à sa langue, "butin des guerres anticoloniales" pour reprendre l'expression de notre Kateb Yacine [écrivain algérien (1929-1989)], qui en fait aujourd'hui un vecteur d'influence ne serait-ce qu'à l'ONU. Or, même dans ce domaine, la France est en recul. Lycées et écoles françaises, instituts de formation professionnels, centres culturels français, soutiens à la littérature, cinéma, théâtre, spectacles d'expression française, tout ça a régressé, faute de crédits.
Le récent sommet de Paris pour la paix et la sécurité en Afrique ne s'est-il pas ouvert, le 6 décembre, alors que 1 200 soldats français débarquaient à Bangui ? Une opération en porte-à-faux avec la profession de foi de François Hollande qui a juré d'ouvrir un nouveau chapitre de l'histoire de son pays avec l'Afrique : business et partenariats contre sous-développement. Le président français a même redit devant sa cinquantaine d'invités à l'Elysée que l'Afrique était l'un des défis économiques de son mandat.
Hollande semble ne pas vouloir se résigner à voir la Chine, les Etats-Unis, la Russie, le Brésil, l'Inde et beaucoup d'autres pays comme l'Espagne faire de l'Afrique un terrain de conquête économique et commerciale. En effet, le continent noir n'est pas qu'une terre d'émigrés fuyant la précarité ou celle du terrorisme djihadiste. Si cette Afrique est bien réelle, l'autre existe aussi, et elle est en mouvement ascendant.
Nouveau moteur de croissance planétaire
Selon le FMI, les classes moyennes représentent déjà un tiers de sa population ; 80 % de ses habitants sont connectés à un réseau de téléphonie mobile ; c'est le continent qui épargne le plus après l'Asie, avec des réserves de change estimées à 500 milliards de dollars [363 milliards d'euros] ; depuis une décennie, sa croissance économique se situe juste derrière celle des tigres de l'Asie. D'ici à 2020, les dépenses annuelles des ménages africains devraient croître de 67 % et passer à 1 400 milliards de dollars [1 016 milliards d'euros]. Trente ans plus tard, sa population doublera pour atteindre près de deux milliards d'individus. Un marché qui sera le nouveau moteur de croissance planétaire, prédisent tous les analystes.
Embourbée dans sa crise économique mais surtout prisonnière de ses atavismes néocolonialistes, la France constate qu'elle est en retrait en Afrique. Hubert Védrine, ancien ministre des Affaires étrangères chargé par Hollande de faire un rapport sur la place de la France dans les échanges avec l'Afrique, a décrit toute la problématique des incapacités de la France : "La France perd des parts de marché dans toutes les zones où elle était fortement implantée pour des raisons historiques et elle n'en gagne presque pas ailleurs ; entre l'an 2000 et 2011, sa part au sud du Sahara a décliné de 10,1 % à 4,7 %." Il faut prôner un nouveau regard, mais en se gardant de ne voir l'Afrique que comme un vivier d'affaires commerciales.
Si l'ex-ministre ne dit pas mot sur les interventions militaires, d'autres Français, qui s'interrogent sur l'utilité pour leur pays de ces équipées guerrières – au Mali en janvier 2013 et en ce moment en République centrafricaine –, estiment que la France devrait recadrer ses relations sur les principes de la solidarité Sud-Sud et d'un partenariat de croissance et de progrès réciproques, d'autant qu'elle partage avec l'Afrique des proximités historiques, culturelles et migratoires : 100 millions de francophones en Afrique, plus de 5 millions d'Africains en France, et la France est le premier pays d'accueil pour les étudiants africains.
C'est toujours l'Oncle Sam qui fait la loi
La France, rappelle-t-on souvent en Afrique, aura préservé sa place de puissance parmi les grands de ce monde grâce à sa langue, "butin des guerres anticoloniales" pour reprendre l'expression de notre Kateb Yacine [écrivain algérien (1929-1989)], qui en fait aujourd'hui un vecteur d'influence ne serait-ce qu'à l'ONU. Or, même dans ce domaine, la France est en recul. Lycées et écoles françaises, instituts de formation professionnels, centres culturels français, soutiens à la littérature, cinéma, théâtre, spectacles d'expression française, tout ça a régressé, faute de crédits.
La vision de François Hollande, sa stratégie, quoiqu'il en dise, est perçue par les Africains comme celle d'un "gendarme" des intérêts français, mais aussi d'autres puissances occidentales dont la première d'entre elles, les Etats-Unis. Une drôle de volte-face ! Alors que Washington et ses lobbys interventionnistes exécraient la France de Jacques Chirac pour ses refus de la Pax americana, l'establishment américain, et à sa tête Obama, ne tarit pas d'éloges sur Hollande, qui prend des initiatives militaires dans la lutte pour la démocratie. Obama ne cache plus sa satisfaction de voir son homologue français "faire le boulot", d'autant que la Grande-Bretagne est devenue un acteur affaibli et que l'Allemagne reste toujours réticente à se lancer dans des guerres.
En fait, Maison-Blanche, département d'Etat et Pentagone doivent faire le "leading from behind" ("diriger de l'arrière"), selon des analystes. C'est toujours l'Oncle Sam qui fait la loi. Le Pentagone qui a prêté ses drones dans l'opération dans le nord du Mali contre les djihadistes, a remis à la disposition du ministère de la Défense français des avions pour sa nouvelle campagne en République centrafricaine afin de neutraliser la Séléka, des milices infiltrées par des islamistes, dit-on à Paris. Et, apparemment, le président Hollande est enthousiaste de voir ses forces militaires à l'œuvre en Afrique, malgré la menace que ses opérations ne se transforment en bourbiers. Sa campagne au Mali est loin d'être terminée, elle se poursuit de plus en plus difficilement.
En fait, Maison-Blanche, département d'Etat et Pentagone doivent faire le "leading from behind" ("diriger de l'arrière"), selon des analystes. C'est toujours l'Oncle Sam qui fait la loi. Le Pentagone qui a prêté ses drones dans l'opération dans le nord du Mali contre les djihadistes, a remis à la disposition du ministère de la Défense français des avions pour sa nouvelle campagne en République centrafricaine afin de neutraliser la Séléka, des milices infiltrées par des islamistes, dit-on à Paris. Et, apparemment, le président Hollande est enthousiaste de voir ses forces militaires à l'œuvre en Afrique, malgré la menace que ses opérations ne se transforment en bourbiers. Sa campagne au Mali est loin d'être terminée, elle se poursuit de plus en plus difficilement.
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