Question de routine des journalistes étrangers face au chroniqueur : comment voyez-vous l’avenir après Bouteflika? Trois formes de réponses : l’humour, la métaphore ou la longue analyse qui se mord la queue et qui tourne en rond. D’abord: je ne vois pas l’après-Bouteflika, tant le mandat à vie dure depuis des vies. Pas d’images, pas d’astres à lire, ni de mains à déchiffrer. Rien. Ensuite la seconde, résumée par un collègue : on va droit au mur et, dans notre triste cas, le mur n’existe même pas. En trois: le régime va trouver un autre Bouteflika, dans le désert ou dans un placard. En gros, on ne sait rien sur la vie avant la mort. Ni comment le régime qui a trouvé Zeroual, Boudiaf, Kafi ou Chadli, va trouver quelqu’un d’autre cette fois. Impasse. Un journaliste de France Inter résuma la chose pour le chroniqueur lors d’une émission : «autrefois, on souhaitait un printemps algérien, aujourd’hui on le redoute». Merci.
Et chez nous? Lente routine du FLN qui redevient parti unique, gros, ventru, cupide et patibulaire. Le monstre historique qui a chassé la France, a fini par nous chasser chez nous, derrière la mer, dans nos têtes ou dans le règne du végétal et de l’indifférence minérale. Il se recompose et nous décompose. A suivre le dernier Congrès, on se retrouve comme écrasé : que reste-t-il du fameux pluralisme algérien avec des partis interdits, désossés, repoussés ou surveillés ou émiettés ou manipulés ou mis en résidence surveillée ou frappés dans les rues? Le pluralisme algérien existe-il en dehors du FCE, Salafistes d’Ennahar et d’Echourouk et du FLN? Des doutes. Pas sur les hommes qui luttent mais sur les sigles qui s’effacent. Le nouveau parti de Benflis devra s’atteler aux fondamentaux déjà : expliquer c’est quoi un parti, à quoi il sert et pourquoi il est nécessaire et vaut mieux qu’une émeute, à long terme. Tout est à refaire dans les têtes.
Des années 90, il ne reste donc presque aucun souvenir du pluralisme florissant et insolent de cette décennie. Rien n’a émergé par la suite et la «Réconciliation» a été une dissolution. Le FLN est de retour. Puissant et laid. Il serait, d’ailleurs, intéressant d’y déchiffrer les origines sociales de ses membres désormais.
Sinon? Pas de sujet. Le pays attend. On regarde le régime chercher son homme et sa solution. Slalomer entre le Président total et la Présidence collégiale, depuis la déclaration de Novembre.
Kamel Daoud
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