L’opinion publique retient, et cela dure jusqu’à nos jours, le 1er novembre 1954 comme étant la date de la création du FLN (Front de libération nationale).
En effet, la seule évocation de ce sigle – et c’est le moins que l’on puisse dire – renvoie automatiquement au déclenchement de la révolution algérienne. Cela dit, si la proclamation est rendue publique le 1er novembre 1954, les préparatifs, quant à eux, ont duré plusieurs mois. Par ailleurs, bien que les partisans de la voie armée aient à transcender des embûches à foison, ils sont parvenus enfin à finaliser leur projet le 23 octobre 1954. Lors de cette réunion, une proclamation et un appel au peuple algérien sont alors rédigés. Mais, pour y parvenir à ce stade, ces animateurs ont dû affronter les deux tendances hostiles du parti, les centralistes (venant du comité central) et les messalistes (se réclamant du président du parti), et échapper, par la même occasion, à la vigilance des autorités coloniales.
D’une façon générale, la crise du PPA-MTLD (Parti du peuple algérien - Mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques), le principal parti nationaliste, a atteint son paroxysme après la tenue du congrès du parti en avril 1953. À cette occasion, les proches de Messali furent tout bonnement écartés des postes de responsabilité. Et même le courant activiste n’a pas été non plus épargné. Hormis Ramdane Benabdelmalek qui fut admis, et ce, à titre d’observateur, aucun dirigeant de l’OS (Organisation spéciale) ne fut autorisé à suivre les travaux du congrès.
Cependant, dans les résolutions du congrès, un congrès dominé bien entendu par les partisans du comité central, l’option réformiste a été largement plébiscitée. Du coup, aux relations déjà tendues avec Messali, cette option va aggraver considérablement le conflit opposant le président au comité central. Ainsi, en décembre 1953, Messali Hadj vilipende, dans un message adressé à la base, le virage réformiste opéré par la direction du parti. Cela étant dit, bien que sa conception de la lutte armée consiste uniquement à obliger les autorités coloniales à engager un dialogue avec les dirigeants nationalistes, le président Messali estime que le pas franchi par le comité central est uniment contraire aux principes du parti.
En tout cas, entre ces deux conceptions, une troisième voie ne tarde pas à se manifester. Le 23 mars 1954, un Comité révolutionnaire pour l’unité et l’action (CRUA) voit le jour. Se voulant neutraliste, sa mission consiste à ressouder les rangs du parti. Or, ses membres ne proviennent pas de tous les courants que compte le parti. Bien que Boudiaf et Ben Boulaid ne se réclament pas d’une telle ou telle tendance, Dekhli et Bouchebouba sont liés au comité central. En outre, l’appartenance de Ben Boulaid au comité central et l’aversion de Boudiaf pour les messalistes, on devine aisément que les partisans de Messali ne pouvaient pas se reconnaître dans ce CRUA. D’ailleurs, l’organe de presse de ce dernier, en l’occurrence le patriote, n’est-il pas financé et supervisé par le comité central ?
Quoi qu’il en soit, les deux activistes du CRUA ne tardent pas à s’apercevoir de l’échec inéluctable de leur comité. Ainsi, le 27 juin 1954, à l’insu de Dekhli et Bouchebouba, les activistes réunissent leurs anciens camarades de l’OS à Alger afin de réfléchir sur le passage à l’action directe, seule voie pouvant rassembler le peuple algérien autour de l’idéal indépendantiste. Pour ce faire, le comité des cinq (Ben Boulaid, Ben Mhidi, Bitat, Boudiaf et Didouche), issu de cette réunion, contacte le groupe kabyle en vue renforcer le mouvement naissant. Proche de Messali que du comité central, Krim Belkacem rejoint enfin le comité des cinq, en aout 1954, et ce, après avoir eu la confirmation que le groupe ne roulait pas pour le comité central.
En somme, après plusieurs rencontres, le groupe des six fignole son plan d’action. Réunis pour la dernière fois avant le déclenchement de la lutte armée, le 23 octobre 1954, chez Mourad Boukhechoura, au 24 rue Comte-Guillot, actuellement avenue Bachir Bedidi, ils répartissent ainsi leurs rôles :
- Moustapha Ben Boulaid, chef de la zone I (Aurès),- Mourad Didouche, chef de la zone II (Constantinois),
- Krim Belkacem, chef de la zone III (Kabylie),
- Rabah Bitat, chef de la zone IV (Algérois),
- Larbi Ben Mhidi, chef de la zone V (Oranie),
- Mohamed Boudiaf, coordinateur national.
En somme, dès le lendemain, après avoir pris une photo souvenir, les six se dispersent. Chaque chef de zone rejoint du coup son poste. Dans la foulée, Mohamed Boudiaf quitte l’Algérie, le 25 octobre 1954, muni des documents adoptés l’avant-veille, en direction du Caire. Sur place, il est accueilli par les membres de la délégation extérieure du MTLD, composée d’Ait Ahmed, Ben Bella et Khider, qui ont soutenu ce projet dès qu’ils en ont eu vent. Enfin, c’est ce groupe des neuf qui proclame, le 1er novembre 1954, la naissance du FLN.
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