jeudi 13 décembre 2012

AJOUAD ALGÉRIE MÉMOIRES… COLLECTIF D’ALGER

Comme la vie est difficile, insensée, douloureuse pour cette mère à qui on a enlevé un fils, torturé et égorgé. Et cette jeune fille qui a perdu un père, tué sous ses yeux. Inconsolable, cette mère qui a perdu une fille ou cette dame qui a perdu un époux, ce jeune homme qui a perdu ses deux frères, enlevés presque sous ses yeux…
Leur douleur est la même, inextricable et profonde. D’autant plus profonde qu’on cherche à la diluer en édifiant une stèle à l’amnésie collective… Comment aborder chaque jour qui se lève en sachant que l’on va croiser une fois de plus l’assassin de son propre fils ? Comment reprendre goût à la vie en sachant que les assassins d’époux, de pères, de frères sont en liberté non surveillée, qu’ils jouissent de leurs droits et même de ceux des autres, qu’ils se pavanent fiers de leur folie meurtrière ? Témoignages poignants... Certains portent des noms connus, d’autres sont anonymes. Ils étaient près d’une quarantaine, réunis vendredi dernier, dans la banlieue d’Alger, pour commémorer la journée du 22 mars, journée contre l’oubli, à l’initiative de l’association Ajouad Algérie Mémoires, qui existe depuis 2010 et qui a été cofondée par Nazim Mekbel et Amel Fardeheb. Cette rencontre intervient après celles de Béjaïa, Tiaret et Oran qui ont eu lieu jeudi dernier et sera suivie de Montréal (Canada) le 23, Marseille (France) le 24 et Paris (France) le 31 de ce mois. Sur les lieux de la rencontre, de longues listes sont accrochées sur les murs, celles de centaines de personnes assassinées par les terroristes islamistes. Ce recensement macabre est la première mission d’Ajouad Algérie Mémoires : retrouver les noms de ces victimes anonymes et rendre hommage à tous ceux qui y ont laissé la vie, qu’ils soient connus ou non. Ce vendredi, après avoir allumé une bougie et noué un ruban noir autour du poignet, les présents ont assisté à la projection d’un film : Un peuple sans voix, de Malek Bensmaïl. Des images difficiles qui ont projeté l’assistance des années en arrière, peu de temps avant l’escalade de la violence qui allait durer plus d’une décennie et ravir à la vie plus de 200 000 personnes. On ne verra pas la seconde partie du film (Une terre en deuil), d’abord pour laisser aux présents le temps de s’exprimer, et puis un peu pour éviter à l’assistance des souvenirs pénibles et insoutenables liés à cette funeste période. Il y avait suffisamment de souffrance dans les lieux pour ne pas en rajouter… Timidement, quelques personnes prennent la parole pour évoquer ce sentiment d’impuissance et d’incompréhension face à notre tragédie. Peu à peu, une mère, une épouse, une fille, un frère, racontent leur douleur qui, avec le temps, n’a pas perdu de son intensité. Moments forts, chargés d’émotion. Emotion partagée avec d’autres personnes qui, même si elles n’ont pas été touchées dans leur chair, ne sont pas moins des victimes de la barbarie intégriste. EIles partagent cette douleur et refusent également de «tomber» dans le grand piège du déni et de l’amnésie imposé depuis quelques années. Car évoquer nos morts est une manière d’exorciser cette souffrance, «comme dans une thérapie de groupe», dira l’un des présents, un passage obligée pour espérer se reconstruire et préserver un peu de son identité. Et c’est sur une note positive que cette rencontre s’achèvera : la promesse de se revoir pour commémorer d’autres dates, de mener d’autres actions concrètes… et surtout, de continuer à ne pas oublier…
Zineb Merzou

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