Où en est l'opération de récupération de l'espace public, trottoirs, rues, ruelles et jardins? Elle continue, mais autrement: la dernière est celle de la rue fermée par un ex-ministre, près de sa résidence à Alger, et que l'actuel Premier ministre vient de rouvrir. L'anecdote est réelle: il aura fallu Sellal pour rendre la rue (privatisée par l'ex-ministre et sa famille) à la rue. Avant, le fameux ex-Premier ministre y avait élu domicile, y avait pris villa et y avait fermé l'accès au peuple qu'il gouvernait et surveillait surtout (de par sa vocation). Comment Sellal l'a pu? Parce qu'il ne fait pas de politique. Un ex-wali expliquera au chroniqueur, un jour, que «si Ouyahia avait lancé l'opération de chasse aux revendeurs, cela aurait explosé». La raison? On le sait d'intuition. L'actuel Premier ministre bénéficie de ce crédit que les Algériens accordent à ceux qui sont neutres, ne sont pas nés à Frenda ou dans une kasma et qui n'ont pas de casseroles et qui sont affables, accessibles et normaux comme François Hollande a espéré l'être sans l'être finalement.
D'où la question: et si l'Algérie était facile à gouverner contrairement à tous les pronostics, analyses et conclusions? Et s'il suffisait de faire ce qu'il faut faire, sans grands discours ni surdoses d'idéologies et de prières à la mosquée? Et s'il fallait simplement être honnête, ne pas détester ce peuple en étant son Président, ni le mépriser en étant son ministre de l'Intérieur, ni lui parler comme on parlait aux indigènes, ni le traiter comme un colonisé? Et s'il fallait simplement faire son travail, scolariser ses enfants ici et pas à Londres, ne pas laisser sa femme devenir une Mme Benali bis dans le dos du ministère du mari et ne pas se cacher dans un burnous et un turban pour rouler les ruraux? Et si c'était facile justement: que les «Services» soient à notre service, l'armée dans les casernes, les Présidents par les urnes, l'argent sous les yeux de tous, les Belkhadem à la cuisine ou au moulin et les Ouyahia dans les APC et pas plus haut et les Amar Ghoul aux laiteries ? Et si...
Pour le moment, c'est une rue. Il faut peut-être saluer. Car il est plus facile de dégager un vendeur de carottes d'une rue qu'un ex-ministre. Reste qu'il y a encore des rues dans ce genre, des villas de fonctions et d'hôtes. Un des signes ostentatoires du pouvoir en Algérie, c'est justement d'y fermer l'accès et d'y installer, en téléphonant au pauvre maire du coin, les dos-d'âne selon sa volonté. Cette histoire devait être écrite car il fallait saluer: cette rue dégagée peut mener loin si on s'y met tous.
Kamel Daoud in Le Quotidien d'Oran.
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