Il fait le point sur l'état actuel de son mouvement et sur la situation au nord du Mali, au lendemain d'un premier rendez-vous avec les autorités de Bamako sous la tutelle du médiateur régional de la Cédéao, le président du Burkina Blaise Compaoré, à Ouagadougou, la capitale du Faso.
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Après la perte de Léré (cercle de Niafunké, région de Tombouctou),il y a quelques jours, où en est aujourd’hui le MNLA sur le terrain ?
Il est vrai qu’Ansar Dine [Les défenseurs de la foi] est entré à Léré. Il n’y a pas eu de combats. Car nous ne comptons pas ouvrir un nouveau front, en plus de celui que nous avons ouvert contre le Mujao [Mouvement pour l’unicité et le djihad en Afrique]. Nous avons demandé à nos combattants, qui n’avaient pas les moyens nécessaires pour les combattre, de ne pas rester dans la même ville qu’eux. Ansar Dine est peut-être actuellement en train d’exploiter la guerre qui nous oppose au Mujao.
Plus globalement, quelle est la situation actuelle du MNLA au nord ?
L’armée du MNLA est bien là. Même si nous avons des problèmes d’approvisionnement en munition liés à des soucis financiers. Nos stocks ont été utilisés contre l’armée malienne au moment de l’offensive du début de l’année. Pendant que l’on se battait, les islamistes, eux, ne se battaient pas. Al-Qaïda ne sait pas battu contre le Mali. Elle a au contraire acheté beaucoup d’armes en Libye. Aujourd’hui, les capacités du MNLA ne lui permettent pas de combattre ce groupe. Mais ce qu’il ne faut pas oublier, c’est qu’aucun groupe ne peut rivaliser avec le MNLA en nombre d’hommes.
Lorsque vous dites que le MNLA est partout,
qu’est-ce que cela signifie exactement ?
La première chose que je veux rappeler est que le MNLA émane du peuple. Aucun mouvement n’a la représentativité du MNLA : il est représenté dans l’ensemble des villes du nord par des chefs de tribus, des notables, des religieux… Au point de vue militaire, nous avons quatre bases principales : aux alentours de Léré, Gao, Ménaka et Tinzaouatine (près de la frontière algérienne). Géographiquement, elles sont très éloignées les unes des autres et nos moyens actuels ne nous permettent pas d’avoir une action coordonnée.
Au total, nous avons plus de 1000 combattants dans ces bases, tout en sachant que nombre d’hommes sont rentrés chez eux après les combats du début de l’année, mais sont toujours prêts à repartir, à répondre aux appels du mouvement. Ces bases sont implantées en fonction du nombre d’adhérents au mouvement.
Où en sont vos « relations » avec Ansar Dine ?
Depuis le début de la création du MNLA, le mouvement a toujours voulu regrouper tous les fils de l’Azawad. Malheureusement, beaucoup de personnes ont profité de ce bon sens du mouvement. Nous, nous avons toujours voulu éviter une guerre entre les fils de l’Azawad. Certaines de ces personnes ont parfois des intérêts qui ne sont pas ceux des Azawadiens. Nous n’avons aucune relation avec Ansar Dine, à part que ces gens sont des fils de l’Azawad.
Politiquement, nous sommes en opposition. Nous n’avons pas changé de discours à leur égard, depuis la création de leur mouvement. Ils doivent couper totalement leurs relations avec Al-Qaïda. Le MNLA n’accepte pas cette vision de l’islam qui est extérieure à celle des Azawadiens. Leur foi en cet islam n’est pas la nôtre. Pour nous, ce sont des gens déguisés avec les habits d’un certain islam qui cachent d’autres messages qui ne sont pas ceux de l’islam. Nous leur disons aussi de couper toute relation avec le Mujao. Ils nous répondent qu’ils n’ont rien à voir avec ce mouvement et qu’ils comptent s’en pendre un jour au Mujao. Tout cela va se clarifier dans les jours à venir.
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Et avec les autorités de Bamako ?Bien avant le début des opérations militaires, nous avons toujours été ouverts au dialogue, aux négociations. Aujourd’hui, nous ne comptons pas discuter avec Bamako tant qu’il n’y a pas de garanties sous la vigilance de la communauté internationale : la Cédéao, le représentant pour l’Afrique de l’Ouest du secrétaire général de l’ONU, la France, la Suisse pour son côté facilitateur de ce dossier, l’Algérie avec qui nous partageons une grande frontière…
Vous parlez actuellement beaucoup moins d’indépendance,
mais plutôt d’autonomie, d’autodétermination de l’Azawad…
Le MNLA, depuis sa création le 1er novembre 2010, a clairement écrit et dit qu’il lutte pour le droit à l’autodétermination du peuple de l’Azawad. Avant même le déclenchement des opérations militaires, nous avons fait beaucoup d’appels à Bamako, qui n’a jamais répondu. Après que le territoire ait été pris par ses fils, il était de notre droit et de notre devoir de le faire savoir au monde afin qu’il connaisse les profondes aspirations de ce peuple. Nous ne sommes pas qu’une mafia qui est là pour se battre. Le monde doit savoir pourquoi il y a cette guerre, ces morts, ces réfugiés.
Nous suivons la même voie que nos parents, c’est-à-dire la voie de l’indépendance. On a fait comprendre à la communauté internationale que l’on accepte de dialoguer. On n’a jamais cherché quelque chose au-dessus ou au-dessous du droit international. Si des étapes sont nécessaires, nous les suivront.
Certains vous reprochent d’être un mouvement très voire trop touareg…
A la création du MNLA, mon adjoint était un Bérabiche de Tombouctou. Les Songhaïs sont au sein du mouvement depuis le début. Notre premier communiqué a été écrit, lu et diffusé en quatre langues : en tamasheq, en songhaï, en arabe et en français. Des Songhaïs se sont battus avec nous à Ménaka, à Léré… Lorsque nous avons pris tout l’Azawad, des leaders songhaïs, arabes sont venus nous voir. A Gao, l’un des notables de la ville est songhaï et fait parti du MNLA. C’est un Songhaï aussi qui va présider pour le MNLA la première session des discussions directes avec l’Etat malien sous la médiation du président du Burkina, Blaise Compaoré.
Dans le Conseil transitoire de l'Etat de l'Azawad (CTEA), que nous avons mis en place, trois Arabes, trois Songhaïs et un Peulh y siègent. Nous y avons laissé des places libres pour que des Bérabiches y siègent également. Ceux qui prétendent que le MNLA est un mouvement purement touareg ne connaissent pas notre mouvement ou veulent nuire voire détruire ce mouvement.
Il est vrai cependant que ceux qui se battent, qui en meurent, sont généralement touareg. Ce que je n’accepte pas, ce sont les propos de ceux qui prétendent que les Touareg sont minoritaires au sein de l’Azawad. Et je n’accepte pas non plus les statistiques faites par l’Etat malien. En 1957, donc avant l’indépendance du Mali, les statistiques françaises disaient que 57% de la population de Tombouctou était touareg, 45% à Gao. Les autres ethnies étaient composées par de Songhaïs, d’Arabes, de Peulhs… Ces populations n’ont fait qu’augmenter depuis. Aujourd’hui, lorsque je parle des Touareg, je parle de tous ceux qui parlent la langue tamasheq. Le MNLA parle au nom des populations de l’Azawad. Aujourd’hui, Bamako ne nous accepte plus.
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Sur le terrain militaire, le MNLA a remporté des victoires. Mais quelle est sa force politique après avoir vu ses victoires militaires volées par les narco-djihadistes ? N’y a-t-il pas eu une déficience politique du mouvement qui n’a pas vu arriver les islamistes ?
Le peuple de l’Azawad sait aujourd’hui qu’on lui a volé sa victoire. Ce ne sont pas les mouvements terroristes qui ont blessé le MNLA, ce sont des Etats. Au début de l’offensive, les blessés du MNLA ne trouvaient pas de pays hôtes pour les soigner. On nous répondait qu’il fallait qu’ils appartiennent à un autre mouvement que le MNLA. Quand Ansar Dine a commencé à avoir des blessés, ils ont été accueillis en Algérie. Certains Etats ont fait pression pour que des combattants du MNLA intègrent Ansar Dine… Les gens qui ont financé et ont permis au Mujao de grandir vont et viennent dans certains Etats. Ce sont des barons de la drogue qui passent aisément les frontières.
Quels Etats ?
Je préfère ne pas citer de noms. Mais les gens sur le terrain les connaissent bien. Puis ils sont venus de Libye, du Front Polisario (Algérie), prétextant qu’ils sont contre la partition du Mali…
Aujourd’hui, il y a un feu qui brule l’ensemble des fils de l’Azawad. Mais certains, pas forcément des Azawadiens, sont en train de se réchauffer à ce feu. Ils ont allumé ce feu et l’entretienne. Même si aujourd’hui le MNLA a perdu une bonne partie de sa force militaire, sa légitimité n’a jamais diminué, bien au contraire.
Enfin, quelle est votre position à propos d’une éventuelle intervention militaire de la Cédéao au Mali ?
La manière dont cette intervention se prépare n’est pas claire pour nous. Certaines personnes qui en parlent sont contre le MNLA. Nous doutons beaucoup des capacités des troupes mises à disposition pour cette intervention. En plus, dans le plan de la Cédéao, c’est l’armée malienne qui devrait être mise en avant. Parmi cette armée, combien de militaires maliens ont déjà été chassés de l’Azawad ? Qu’ont-ils fait lorsqu’ils y étaient ? Ils ont tué beaucoup de civils, pillé et maltraité les populations. On n’accepte plus ce genre d’armée sur nos terres.
Avant toute intervention militaire, il faut trouver une solution politique entre l’Azawad et le Mali. Aujourd’hui, ce sont les Azawadiens qui peuvent maîtriser leur territoire. Eux seuls ont intérêt à avoir la sécurité sur leur territoire afin de faire revenir les réfugiés, afin d’exploiter leurs richesses. Nous, nous ne faisons pas commerce de cette guerre contrairement à d’autres. Nous ne voulons plus de massacres chez nous.
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