Confirmant une hyper-sensibilité aux questions relatives à l'islam dans la société française, deux affaires survenues ces derniers jours à Montargis (Loiret) et au Havre (Seine Maritime) laissent songeurs sur la bonne compréhension du principe de laïcité par les acteurs de terrain, les élus et les familles.
A Montargis, la directrice d'une école maternelle avait décidé de supprimer la traditionnelle visite du Père Noël en fin d 'année "afin de respecter les différentes croyances ainsi que les valeurs de l'école laïque". Face au tollé suscitée par cette décision, prise, selon certains parents "sur pression d'une dizaine de familles musulmanes", le maire UMP, Jean-Pierre Door, qui finance l'animation et les cadeaux afférents, est monté au créneau. Il s'est indigné d'une décision "reposant sur de prétendus rejets de comportements confessionnalistes" et a rappelé qu'il n'y a "aucun caractère religieux dans l'image du Père Noël". Il a assuré, mercredi 5 décembre, que la petite fête serait rétablie "dans cette école comme dans les autres". Tentant de justifier l'annulation de la visite du Père Noël par des raisons "pédagogiques et financières", l'inspection académique a tout de même jugé "maladroite" l'initiative de l'enseignante.
Entre porc et gélatine de porc
Au Havre, cette fois, ce sont des milliers de crèmes au chocolat, contenant de la gélatine de porc, qui jeudi 29 novembre ont été détruites selon un "principe de précaution", quelque peu précipité. "Des employés [non musulmans] des cantines de la ville nous ont fait part de leur inquiétude au cas où l'information selon laquelle les desserts du jour contenaient de la gélatine de porc arrivait aux oreilles des enfants", explique, Philippe Brunel, le directeur général adjoint au développement social et à la famille, à la mairie. Par souci "d'égalité et de sérénité", et parce qu'ils n'étaient plus certains que cette crème puisse être servie "partout, à tous les enfants", les responsables de la mairie ont pris la décision de changer le dessert du jour, à la dernière minute. Or, certaines cantines l'avaient déjà fabriqué, et, faute de pouvoir le conserver, ont donc dû le jeter.
M.Brunel indique qu'après cet "imprévu", des consignes claires vont être rappelées. "Dans les cantines de la ville, le seul plat pour lequel il y a substitution, c'est lorsque du porc est prévu au menu. Un autre plat de viande est alors proposé. Les familles le savent à l'inscription en début d'année". Quant à la marque de crème incriminée, elle sera à nouveau servie aux enfants, affirme-t-il aussi.
"Un malaise très français"
Dounia Bouzar, chercheuse spécialiste de l'islam qui travaille régulièrement avec des collectivités locales confrontées au fait religieux, voit dans ces affaires "un malaise très français". "Dans ces deux cas, la neutralité des institutions est mise à mal, car ce sont elles qui sont amenées à interpréter des croyances religieuses. L'une valide le fait que le Père Noël est chrétien et rentre donc dans la définition de la chrétienté; l'autre valide le fait que les enfants musulmans ne peuvent pas manger de la gélatine de porc et rentre aussi dans l'interprétation d'une norme islamique, qui n'est pas forcément partagée par tous".
"Le problème est que l'on a encore du mal à bien définir la laïcité. Cela ne devrait pas être compliqué d'expliquer à toutes les familles que le Père Noël, ce n'est pas la même chose que la crèche, que cette fête est passée dans le registre culturel et qu'elle n'est pas discriminante. Il faut par ailleurs assumer le fait que les normes françaises, le dimanche férié ou les vacances de Noël, sont issues d'une tradition chrétienne. Quitte à ce qu'un jour des fêtes venues de minorités religieuses basculent aussi dans du culturel partagé par tous".
Stéphanie Le Bars
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