lundi 20 mai 2013


Le secret qui règne sur l'état de santé du président Bouteflika n'a rien d'étonnant s'agissant d'un régime verrouillé depuis toujours par l'armée

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Abdelaziz Bouteflika le 17 avril dernier.
Abdelaziz Bouteflika le 17 avril dernier. © Farouk Batiche / AFP
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La culture de l'opacité qui prévaut dans la maladie d'Abdelaziz Bouteflika n'est pas une nouveauté dans la politique algérienne. Le manque de transparence politique est aussi vieux que l'Algérie indépendante. Probablement parce que ceux qui ont pris le pouvoir dans le pays en 1962 étaient des militaires issus des maquis. Et que le culte du secret y était une question de survie.
Plus qu'avec Ahmed Ben Bella, le premier président algérien, c'est avec Houari Boumediene, son ministre de la Défense, qui l'évince par un coup d'État en juin 1965, que la politique est devenue l'affaire d'un petit clan. Boumediene gouverne en s'entourant d'un Conseil de la révolution, une structure constituée par une poignée de fidèles. Elle est si opaque que sa composition a été officiellement tenue secrète jusqu'à la mort du chef de l'État en 1978. Même si, concrètement, au fil des années, la confidentialité du Conseil de la révolution s'est effritée au fur et à mesure qu'il perdait de son importance, Boumediene gouvernant seul. 

L'armée seul maître à bord

En novembre 1978, lorsque Houari Boumediene tombe malade, rien ne filtre. Le chef de l'État est transporté en urgence dans un hôpital moscovite pour être opéré. Officiellement, il est en voyage pour une "visite de travail et d'amitié". Elle va durer six semaines... Même mystère lorsqu'il rentre à Alger pour mourir. Le silence sur la gravité de sa maladie dure encore plusieurs jours jusqu'à l'annonce officielle de sa mort.
Le manque de transparence de la politique algérienne s'explique probablement par le fait que l'armée a longtemps tiré les ficelles du pouvoir, au moins pour les grands choix politiques du pays jusqu'à celui des chefs de l'État. Ainsi en est-il lorsque, fin décembre 1991, les grands patrons de l'armée et des services de sécurité, en particulier du puissant DRS (département du renseignement et de la sécurité), décident d'annuler le second tour des premières élections législatives démocratiques. Le premier tour de scrutin a montré que le Front islamique du salut (FIS) allait l'emporter à la majorité relative. L'armée refuse ce choix populaire et les Algériens, mis devant le fait accompli, apprennent dans la foulée la "démission" du président Chadli Bendjedid remplacé par le Haut Comité d'État. Rien ne filtre, évidemment, sur le nom des "décideurs" de ce "coup d'État en blanc", comme on l'appelle à Alger, ni sur ceux qui, parmi les hauts gradés, pouvaient ne pas y être favorables. 

Règle commune

L'hospitalisation d'Abdelaziz Bouteflika au Val-de-Grâce, début mai, et l'absence de bulletin médical qui permettrait aux Algériens de connaître l'état de santé de leur président ne dérogent donc pas à la règle. Il est vrai que cette pratique est assez habituelle s'agissant des chefs d'État, même dans des pays démocratiques. François Mitterrand n'avait jamais officiellement admis son cancer, pas plus que Georges Pompidou avant lui. Alors, balayons devant notre porte.
source Le Point 

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