Croisement malheureux et complexe du téléphone avec le «téléphone arabe». On sait que rien ne se fait sans Bouteflika mais on ne sait plus lequel: Saïd ou son illustre frère ? Sans réponse à la question, les deux réseaux se mêlent et se télescopent dans l'espace sonore national: le téléphone «arabe» chevauche et court-circuite le téléphone «français». L'un donne des ordres, l'autre donne des rumeurs. L'un en veut à l'autre et soupçonne et accuse. Hichem Aboud est accusé et anobli en tant qu'opposant, mais le téléphone «arabe» continue de fonctionner et de sonner et le téléphone «français» n'y peut rien. On ne gouverne pas un pays par un frère, ni les «frères» par un téléphone. Cela est mal vu, même si cela est logique au pays des Boumaarafi. Pour le moment, les deux opérateurs réels du pays se concurrencent l'oreille du peuple. Qui croire ? Le téléphone arabe a l'avantage d'être rapide, avec un énorme débit, gratuit et crédible depuis la guerre de Libération. Celui de Saïd est lent, parasité, sans offres promotionnelles et rares sont ceux qui peuvent prétendre à un abonnement à long terme. Le téléphone «arabe» parle à tous, même ceux qui ne sont pas Arabes. Le téléphone de Saïd parle à certains et cela ne suffit pas.
Donc ? Donc il y a eu tentative de créer un 3e opérateur entre le téléphone «arabe» et le téléphone de Saïd: le téléphone anonyme de Fatani (le journal l'Expression). Dans un article habile, le bonhomme parle d'un thé à la menthe avec un décideur des hauteurs d'Alger qui lui aurait murmuré à l'oreille que Bouteflika va bien, qu'il sera de retour, que ce peuple est malade. On aura compris la recette intelligente: puisque ce peuple ne croit que le «téléphone arabe», on peut faire passer une communication du «téléphone Saïd» par les canaux du téléphone «arabe». Avec un «Décideur» anonyme, «hauteurs d'Alger», un thé à la menthe et quelques banalités, on peut créer en Algérie un journal, un scoop, une biographie ou une mise au point et exciter les ambassades. La psychologie locale est marquée par les années maquis et le mythe «des frères», autant servir au peuple ce que le peuple croit: des rumeurs certifiées. C'est donc de bonne guerre. Le 3e opérateur (téléphone mixte) fonctionne comme fonds de commerce pour la presse, alimente le délice national du sous-entendu et permet de spéculer sans fin sur le sable et l'infini. On ne peut pas le démentir ni ne pas le croire.
Qui va gagner à la fin ? Il n'y a pas de bataille mais seulement des parts de marché: une partie du peuple est gouvernable par le téléphone «arabe», une partie du régime est gouvernable par le téléphone de Saïd et une dernière partie des journaux et des opinions est pilotée par le mythe du téléphone mixte (hauteurs d'Alger/thé menthe/villa et confidences). Au choix. Seule l'ENTV est unique.
Kamel Daoud
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