Réponse ? Un avenir assis mais durable. Explication: les islamistes ont des raisons contre eux et d'autres pour eux. Ils ont contre eux, et d'abord, leur passé algérien qui a conduit à la mort, la guerre et le tragique. Ensuite, ils ont contre eux le chaos des révolutions «arabes»: là, ils ont fait le mauvais choix politique, le plus naïf et le plus opportuniste. Ils en payent la conséquence deux ans après les soulèvements: oppositions de plus en plus dures des élites progressistes, des hommes d'affaires, du «bon peuple» qui a faim et de l'opinion internationale. Les islamistes endossent les échecs et les échecs leur collent désormais à la peau. Cela est mauvais pour leur image et l'image des islamistes en Algérie. Pour l'électeur de base ou le grand électeur algériens, cette famille ne sait pas gérer, manque d'expérience, ne manque pas de ruse, et on ne peut pas lui faire confiance. Les islamistes veulent remplir les mosquées, pas les assiettes, pensera le peuple en regardant ce qui se passe en Egypte et en Tunisie.
Ensuite, les islamistes souffrent de leur proximité avec les salafistes qui sont proches des djihadistes. On ne fait plus confiance à leur «humanité», leur promesse de démocratie, leur sens de la tolérance. Dès qu'ils prennent le pouvoir, ils se battent entre eux puis se battent contre le reste du monde. Il suffit de regarder un youtube du Sahelistan pour ne plus faire confiance à un meeting de Mokri. Le premier prend en otage un touriste, le second tout un peuple, s'il le peut.
Ensuite, les islamistes algériens souffrent du multi-islamisme: ils sont nombreux, émiettant l'électorat, se disputent entre eux, ne se font pas confiance; on ne peut pas en même temps vendre une religion unique avec des partis dispersés. On ne peut pas jouer l'incarnation du monothéisme avec le pluralisme des sigles. En termes de message de campagne, cela est mauvais.
Ensuite, les islamistes algériens souffrent de leur passé récent avec l'épisode Soltani et Ghoul: ils ont un prix, un tarif, on peut les acheter et donc ils sont mortels, vont aux toilettes et sont corruptibles. Ils ont perdu l'image de représentants de Dieu, pour incarner celle de représentants des Chinois, des appels d'offres, des mandats, des salaires de l'APN et des scandales de leurs fils et proches et amis.
Fini donc avec cette famille politique ? Pas nécessairement. Les islamistes ont encore pour eux, à leur avantage, le deal avec le régime qui les préfère aux progressistes et élites laïques. Ces dernières veulent des citoyens et les islamistes veulent des croyants. Les premiers demandent des comptes, les seconds des mosquées dans les quartiers. Ensuite, les islamistes algériens ont à leur avantage l'école algérienne, les chaînes TV importées, le bigotisme ambiant, le recul de l'université vers les ablutions, Echourouk et Ennahar, la sous-culture religieuse ambiante, les confréries et les maladies de soi, des siens, des ancêtres et du sens de l'Algérie qui n'est pas dans le sens des aiguilles de la montre: doutant de la terre, le peuple est tenté par la mer ou le ciel. La harga ou la croyance aveugle. Les islamistes misent justement sur l'avenir qui remonte le passé qui n'est pas le nôtre. Ils ont pour eux le temps qui s'annonce, mal. Le pays peut ne pas voter pour eux (bien que Mokri l'annonce avec confiance et triomphe dans El Qods hier), mais il va leur tomber dans les mains à force de bêtise et de lassitude et d'échecs.
C'est le pire donc: quand les Algériens pensent (encore une fois) que leur salut viendra en invitant les frères (musulmans) Barberousse à les sauver. Des pirates à la fois pirates et barbus religieux, cela existe et cela coûtera plus cher que les Ottomans.
Kamel Daoud Le Quotidien d'Oran
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