Sacrifiée au profit des intérêts économiques
la politique maghrébine de la France n’existe pas
La France n’a pas une politique typiquement maghrébine, destinée à gérer ses affaires politiques et économiques avec un «bloc maghrébin uni».
Elle traite avec chaque pays, d’Etat à Etat, en se focalisant uniquement sur la défense de ses intérêts économiques. C’est la conclusion à laquelle sont arrivés les participants à la dernière soirée de débats «Jeudis de l’IMA», organisée par l’Institut du Monde arabe à Paris. Le premier intervenant, Benjamin Stora, a tracé rapidement l’histoire de l’Union maghrébine, en se demandant premièrement «s’il y a un Maghreb uni» avec lequel la France pourrait travailler. «Il y a plutôt des relations bilatérales d’Etat à Etat. Pourtant dans l’histoire, il y a eu la conférence de Tanger en 1958. Puis, il y a eu beaucoup de tentatives pour unifier le Maghreb, mais les relations algéro-marocaines ont vite bloqué ce processus. Cinq ans après, en 1963, la guerre des Sables se déclencha. Quelques années plus tard, en 1989 l’Union du Maghreb arabe (UMA) a été lancée. Encore une fois, les relations entre ces deux pays se refroidissent avec la fermeture des frontières en 1994», a rappelé le spécialiste de l’histoire algérienne. Selon lui, «l’Algérie et le Marocsont le couple moteur pour un Maghreb fort et uni».
Tant qu’il y aura désunion entre eux, le Maghreb sera dans une situation de faiblesse par rapport à l’Europe et à la France qui applique, donc, différentes politiques, diplomatiques et économiques, selon chaque pays. «Mais la France doit, de son côté, penser à une politique maghrébine commune, car cette région est fortement francophone et notre pays dispose d’une communauté maghrébine de plus de trois millions de personnes, issues uniquement de l’Algérie, du Maroc et de la Tunisie. Il est aussi dans l’intérêt de la France de travailler pour cette union maghrébine», a-t-il suggéré.
Khadija Mohsen-Finan, chercheur associé à l’IRIS, reprend cette dernière question en expliquant qu’«on ne peut pas juger le niveau de sincérité de François Hollande sur sa volonté d’une Union maghrébine. Avant lui, cette idée a été incarnée, sous Sarkozy, par la tentative de la création de l’Union pour la Méditerranée. Ce fut un échec. Avec Hollande, aussi, la volonté existe, mais les signaux d’un vrai effort ne sont pas là». La politologue regrette que «la France s’adresse uniquement aux responsables politiques maghrébins et ignore les peuples.
D’ailleurs, je pense que le président français, dans le cadre de sa tournée dans cette région, aurait du d’abord se rendre en Tunisie pour envoyer un signal fort en saluant la révolution du peuple tunisien. Malheureusement, la France continue ses choix de précaution. Elle n’essaye pas de sortir des dogmes algérien et marocain, notamment concernant la question du Sahara occidental».
Si la France ne le fait pas, il ne faut pas trop compter sur ces deux pays maghrébins. En tout cas, c’est ce qu’affirme le sociologue, spécialiste de l’Algérie, Nadji Safir. «Il ne faut pas s’attendre à des changements fondamentaux dans la position algérienne. Au-delà de sa situation interne, on ne peut pas espérer que la position algérienne concernant le Sahara occidental évoluera un jour», a-t-il prévenu. De son côté, Yves Moisseron reproche à la France de ne pas «s’intéresser particulièrement au Maghreb».
La politique française depuis plusieurs années, en effet, vise l’ensemble de la rive sud de la Méditerranée. «Après l’échec du processus de Barcelone et l’UPM, elle persiste sur une politique euro-méditerranéenne et ne s’occupe pas vraiment de mener une politique typiquement maghrébine. Elle n’en a ni les moyens politiques ni financiers», a affirmé le rédacteur en chef de la revue Maghreb-Machrek. Cet argument est réfuté par son confrère, Youssef Aït Akdim, journaliste à Jeune Afrique. «Il faut dire la vérité ! Les Français ne s’intéressent qu’aux Maghrébins qui vivent chez-eux. Au plan de la politique étrangère, on s’intéresse de moins en moins au Maghreb. Il n’y a pas de grands desseins ou de bannières pour cette éventuelle politique maghrébine de la France», a-t-il rétorqué. Et de conclure avec fracas : «Le seul visage qui existe de cette politique est le business. Pour donner un exemple, lors de la visite de François Hollande au Maroc, il a été accompagné par plusieurs hommes d’affaires, représentant 36 entreprises du CAC 40.»
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