lundi 24 juin 2013

15e anniversaire de l’assassinat de Matoub Lounès

Hommage au martyr qui n’a pas eu droit à un procès



L’impunité n’y peut vraisemblablement rien devant la mémoire. C’est le message que compte encore transmettre la Kabylie qui, malgré le poids des années qui passent, continue d’exhumer, comme si ça datait d’hier, le douloureux souvenir de l’assassinat, encore impuni, du chanteur kabyle et chantre de l’amazighité, Matoub Lounès. Ce 25 juin 2013, quinze longues années seront déjà passées depuis ce lâche assassinat qui, au détour d’un virage à Tala Bounane, sur la route de Béni Douala, a mis fin à la vie non pas seulement d’un homme, d’un poète ou d’un chanteur ordinaire, mais de tout un symbole d’un combat mené avec acharnement pour l’identité et la langue berbères, contre l’islamisme et la falsification de certains épisodes de l’histoire, et surtout contre toutes les formes d’oppression. Un combat que le régime a de tout le temps tenté d’étouffer, et même après son assassinat, mais que les siens ont toujours su reconnaître à force de s’y reconnaître. Aujourd’hui encore, la Kabylie, qui demeure profondément attachée à l’œuvre libératrice, émancipatrice et revendicative de Matoub, s’apprête comme chaque année à la même date à se recueillir à la mémoire de celui pour qui la chanson n’a été, comme lui-même le disait, qu’un moyen pour crier sa colère. “La colère est ma chanson”, disait-il. La colère de la race à laquelle il appartient reste plutôt celle provoquée par le non-jugement des auteurs de l’ignoble crime de Tala Bounane. Pourtant, en 2008, la famille Matoub, avec l’appui de la fondation portant son nom et la population, a obtenu, après un long combat pour la non-prescription du meurtre, un complément d’enquête qui devait naturellement inclure une nouvelle étude balistique et une reconstitution des faits qui pouvait bien déboucher sur ce que tout le monde appelait en Kabylie “la vérité sur l’assassinat de Matoub”. Avant la décision du tribunal criminel d’ordonner un complément d’enquête, la famille Matoub avait remis à la justice une liste de 51 personnes qu’elle a jugée utile d’entendre. Mais deux années plus tard, l’affaire s’est révélée être une farce. Le procès Matoub se transforme en procès de Madjnoun et Chenoui qui venaient de “vivre” leur 12e année de détention… provisoire ! La famille Matoub a catégoriquement refusé de prendre part à ce procès qu’elle a qualifié de “simulacre de procès” et une manœuvre à travers laquelle la justice algérienne s’est débarrassée d’un lourd dossier et d’une tache noire en matière de respect des droits de l’homme. Une affaire qui a poussé la famille Matoub à engager une expertise balistique française et une analyse ADN autrichienne pour faire éclater la vérité. En attendant, Matoub Lounès demeure un martyr qui n’a pas eu droit à un procès. Son affaire n’a pas échappé aux pesanteurs d’une réconciliation qui a enterré pour la seconde fois tous ceux qui ont contribué à ce que la république tienne debout face à la déferlante islamiste. Ne perdant pas espoir, la Kabylie continue de perpétuer la mémoire de cet artiste hors du commun. C’est à ce titre que la Fondation Matoub a concocté un programme d’activité qui s’étalera sur deux jours à Taourirt Moussa, Taguemount Azouz, Béni Douala, Ath Aïssi et à la maison de la culture Mouloud-Mammeri.
 Samir Leslous Liberté Algérie

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire