jeudi 13 juin 2013

Algérie: les images de Bouteflika, une parade à un éventuel «coup d’Etat médical»?

Le président algérien Abdelaziz Bouteflika (c.), le 12 juin 2013, en compagnie d’Ahmed Gaïd Salah (g.), chef d'état-major des armées, et du Premier ministre Abdelmalek Sellal (d.).
Le président algérien Abdelaziz Bouteflika (c.), le 12 juin 2013, en compagnie d’Ahmed Gaïd Salah (g.), chef d'état-major des armées, et du Premier ministre Abdelmalek Sellal (d.).
REUTERS/APS/Handout via Reuters

Par Marie-Pierre Olphand
Mercredi 12 juin, les Algériens ont découvert sur leurs écrans de télévision les premières images d'Abdelaziz Bouteflika, leur président, hospitalisé depuis le 27 avril en France pour un accident vasculaire cérébral. Le président algérien se trouve depuis quelques jours en convalescence dans l'établissement de santé des armées, aux Invalides, à Paris. Mais que montre exactement cette vidéo? Et qui gouverne en son absence?

Sur cette vidéo, on voit Abdelaziz Bouteflika assis dans un fauteuil dans un cadre luxueux. Il est vêtu d'une robe de chambre noire, et non pas d’un costume, comme il aurait pu l’être pour recevoir la visite de son Premier ministre, Abdelamalek Sellal et le chef d'état major de l'armée, Ahmed Gaïd Salah. Le président bouge un bras pour prendre une tasse de café qu'il porte à ses lèvres. Son bras gauche et la partie gauche de son visage semble moins mobiles que le coté droit.
Dans cette vidéo, on devine qu'il parle à ses visiteurs, mais sa voix n'est pas audible. Il semble très faible. Mais, selon le Premier ministre, cet entretien filmé aurait duré deux heures.
Les inquiétudes ne sont pas calmées
Ces images ont provoqué beaucoup de réactions, d’abord dans la presse locale. « Ces images ne rassurent pas », peut-on lire dans Le soir d'Algérie. « Au contraire, elles relancent les rumeurs de plus belle », écrit le journal Liberté. Pour El Watan, le président est « considérablement diminué ».
Plusieurs partis d'opposition demandent que « cessent les mises en scènes ». « Le feuilleton du Val de Grâce doit cesser », dit-on au Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD). Soufiane Djilali, un opposant se dit « outré par le manque de respect fait aux Algériens » car, dit-il, « c’est une évidence que le pouvoir a menti dès le début ».
Ces images mettent donc fin aux rumeurs faisant état d'un président algérien plongé dans le coma, mais elles ne suffisent pas à rassurer. Il n'y a que dans la majorité présidentielle, et essentiellement au FLN, que l'on veut croire le Premier ministre quand il dit que le chef de l'Etat va mieux.
Pas de réunion du Conseil des ministres depuis un mois et demi
Officiellement, c’est toujours Abdelaziz Bouteflika qui gouverne. Les grands événements se déroulent toujours sous le haut patronage du président de la république algérienne.
Il aurait même donné des instructions à son Premier ministre, lors de leur entretien à Paris, pour que la loi de finances soit préparée, pour être ensuite votée à temps. Car sans budget, l’Etat algérien ne pourra pas fonctionner l’année prochaine.
Le président algérien est donc officiellement encore aux commandes. Mais concrètement, depuis un mois et demi, le Conseil des ministres n'a pas pu se réunir car la loi impose qu’il soit présent. Aujourd’hui, en Algérie, c’est le Premier ministre qui s'affiche. C'est lui qui se déplace dans le pays et qui reçoit les invités de marque.
Abdelmalek Sellal s'adresse aussi à la presse, plus qu'il ne le faisait auparavant. « L'impression qu’ont certains algériens, c'est qu'il n'y a plus de pilote dans l'avion, mais qu’au plus haut sommet, on fait semblant que tout va bien », confie un journaliste algérien.
La procédure «d'empêchement» bloquée
Pourtant, plusieurs partis politiques ont demandé qu'Abdelaziz Bouteflika soit déclaré inapte à gouverner. Des journaux se sont également positionnés, et des personnalités ont demandé l'organisation d'élections anticipées. Mais rien n'y a fait, pour l’instant.
L'initiative de la procédure d'empêchement ne peut être lancée que par le Conseil constitutionnel, un conseil composé pour un tiers de proches du président, qui n'a pris pour l'instant aucune décision. Or, en cas d'absence prolongée du chef de l'Etat, un intérim est prévu. Concrètement, la loi dit qu’en cas de maladie grave et durable du président, le Conseil constitutionnel peut demander au Parlement de déclarer « l'état d'empêchement ».
Après le vote favorable des deux-tiers du Parlement, le président du Sénat est alors chargé d'un intérim de 45 jours. Si l’empêchement persiste, le Conseil constitutionnel peut déclarer la vacance définitive du pouvoir et des élections sont organisées dans les 60 jours.
Tout est donc prévu par la loi, mais aucune procédure n’a été lancée. Puisqu’officiellement Abdelaziz Bouteflika n'est pas empêché, il dirige depuis Paris. Dans l'entourage du président, certains ont d'ailleurs prévenu, dès le début de sa maladie, que déclarer l'empêchement reviendrait à faire un « coup d’Etat médical ».

source RFI

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