lundi 3 juin 2013

Comment le système d’indigénat a été appliqué en Algérie

Une forte dose de propagande pour faire l’apologie du code de l’indigénat
Tous les historiens conviennent qu’à l’origine du régime d’indigénat instauré pour les anciennes colonies françaises se trouve le cas Algérie. D’abord parce que c’était la colonie la plus importante, mais aussi, par la même occasion, pour toutes les « contraintes réelles » qu’elle posait du point de vue de la sécurité, de la stabilité, avec les mouvements de résistance, sporadiques mais intenses, qui défiaient l’ordre colonial.  
Avant la promulgation du code de l’indigénat de 1888, qui est en fait un assemblage de textes législatifs, l’Algérie avait déjà subi un premier système discrétionnaire en 1874, avec l’établissement d’une liste de 27 infractions spécifiques à la population autochtone. Elle sera augmentée successivement en 1876, 1877, puis en 1881, et fixe des infractions telles que : réunion sans autorisation, départ du territoire de la commune sans permis de voyage, acte irrespectueux, propos offensant vis-à-vis d’un agent de l’autorité même en dehors de ses fonctions... Outre le séquestre, l’indigène peut être puni d’une amende ou d’une peine d’internement. A ces peines individuelles, peuvent s’ajouter des amendes collectives infligées aux tribus ou aux douars, dans le cas d’incendies de forêt.
Les restrictions touchent tous les domaines de la vie spirituelle et sociale des Algériens : par exemple, l’ouverture d’une école d’enseignement religieux est punie par la loi. Certaines pratiques religieuses ou cultuelles sont interdites comme la zerda (repas public) ou la ziara (pèlerinage aux mausolées). Et cela, afin d’empêcher tout regroupement, et par ricochet, toute communication massive des «indigènes».
Les indigènes n’ont pas le droit à l’erreur en ce qui concerne le paiement. Aucun retard n’est toléré. Ils n’ont pas le droit de détenir un animal égaré plus de 24 heures… Il leur est interdit de faire scandale, de commettre des actes de violence et de revendiquer des droits. Les restrictions sont encore plus sévères s’agissant de l’exercice des libertés publiques, celles de réunion ou de circulation – totalement supprimées, de 1862 à 1890.
En plus de l’emprisonnement et des amendes, les rebelles peuvent être condamnés a la déportation (vers la Nouvelle-Calédonie par exemple, comme c’est le cas lors de l’insurrection de 1871 en Kabylie).
C’est donc la synthèse de toutes ces lois scélérates qui seront plus tard codifiées pour mieux encadrer le système de répression déjà mis en place. Une première loi, du 27 juin 1888, proroge pour deux ans la loi du 28 juin 1881. D’autres prolongations sont régulièrement votées. Les fonctions d’officiers de police judiciaire sont conférées aux administrateurs-adjoints des communes mixtes, par décret du 3 octobre 1888. En matière pénale, les «indigènes» sont assujettis aux lois françaises, mais il leur est ajouté un régime d’exception. Il comprend des infractions et des peines particulières (internement, amende et séquestre) et exorbitantes, qui varient dans le temps et peuvent être collectives. En matière civile (état civil, mariage, héritage, etc.), les habitants dépendent par ailleurs de la juridiction de leur statut, le plus souvent la justice musulmane exercée par des cadis pour les autochtones et la justice «ordinaire» pour les Européens. Pour les Algériens d’origine israélite, un décret a été promulgué (décret Crémieux du 24 octobre 1870) qui imposait aux juifs d’Algérie la nationalité française. Une loi supplémentaire pour affirmer l’exclusion des autochtones musulmans et les maintenir dans un statut de sous-citoyens qu’ils n’avaient pas le droit de contester.
L’une des restrictions les plus injustes et les plus abominables que les Algériens ont eu à subir par le truchement de ce code infâme est le séquestre. Le séquestre est en fait l’une des trois peines spécifiques qui peuvent s’appliquer aux indigènes musulmans pour des « infractions spéciales à l’indigénat non prévues par la loi française ». Il ne s’applique pas seulement à l’encontre des tribus en état de guerre, il frappe toutes celles qui « prêtent assistance, soit directement, soit indirectement à l’ennemi » ou entretiennent avec lui des intelligences. Il en est de même aussi de celles qui abandonnent leurs propriétés ou territoires. Reconnu par le droit international comme étant un « crime de guerre », le séquestre demeure toutefois dans la littérature politique française un sujet tabou, quand il n’est pas tout simplement nié ou dilué dans d’illusoires « aspects positifs de la colonisation », telles que consignés dans la fameuse loi du 23 février 2005.

Adel Fathi

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