lundi 10 juin 2013

Robert Ménard : ancienne salariée de RSF, ses propos sexistes et racistes m'ont dégoutée


LE PLUS. Après avoir fondé et dirigé l'association "Reporter sans frontières", Robert Ménard a publié "Vive Le Pen !" et se présente maintenant à l'élection municipale de Béziers, avec le soutien du FN. Un parcours qui a entraîné la récente désolidarisation d'anciens salariés de RSF. Lilia Bouhdjar en fait partie, elle explique pourquoi, depuis longtemps déjà, elle ne lui accordait plus aucun crédit.


Robert Ménard lors d'une conférence de presse à Bézier, le 06/06/13 (ALAIN ROBERT/APERCU/SIPA) 
Robert Ménard lors d'une conférence de presse à Bézier, le 06/06/13 (ALAIN ROBERT/APERCU/SIPA)

La candidature de Robert Ménard à Béziers pour l'élection municipale de 2014 a recueilli le soutien officiel du FN. Certains s’étonnent. D’autres tombent de haut. Pas moi !

Parce que je suis déjà tombée. De très haut et que ça m’a fait très mal. Parce que j’ai travaillé avec Robert Ménard et fait les frais de sa focalisation sur mes origines algériennes. Une focalisation ambivalente, entre fascination et répulsion, qui me confinait dans une identité assignée.

Au début, j'étais fière de travailler à ses côtés
                                                       
A force d’être au-delà des frontières, l’ex défenseur des journalistes maltraités et de la presse bâillonnée avait-il déjà franchi une dangereuse limite ? 

En 2006, jeune chargée de communication, je débutais dans la vie active. Je m’émerveillais de m’impliquer aux côtés du grand défenseur de la liberté de la presse. Pourtant dès l’entretien d’embauche, le secrétaire général de Reporters sans frontières m’avait d’emblée refoulée de l’autre côté de la Méditerranée en me demandant mes origines, ce que bien sûr il ne faisait pas avec des candidat-e-s blanc-he-s. Mais cela ne m’avait pas alertée, j’admirais le grand homme que je confondais avec la cause défendue.

J’acceptais qu’on puisse ponctuellement assurer des horaires surdimensionnés, sans compensations. On œuvrait pour un idéal, une cause. La liberté avait un prix et je le payais sans me poser de questions.

L’occupation de l’ambassade du Turkménistan à Paris, le simulacre de marche funèbre après l’assassinat de la journaliste russe Anna Politkovskaïa, la mobilisation devant l’office de tourisme tunisien, autant d’exemples d’actions menées sous le commandement de Robert Ménard.

A ses côtés, nous nous sommes battus, démenés, épuisés. De cela, je ne regrette rien et "si c’était à refaire, je referais ce chemin" comme disait Aragon.

Top 3 de ses pires réflexions

Mais la campagne présidentielle de 2007 a sonné le glas de mes illusions.

Il a fallu l’entendre déclarer devant témoins qu’il ne voterait jamais pour une femme. Ce jour-là j’ai dû me rendre à l’évidence. Lui, le chantre de la liberté, le redresseur de torts, avait une conception de l’égalité à géométrie variable. Est-ce donc par conviction ou par simple sexisme qu’il a voté pour le ministre de l’Intérieur Nicolas Sarkozy qui faisait licencier le directeur de la rédaction d’un hebdomadaire par son "frère" Arnaud Lagardère ?

Quelques temps plus tard, il m’a proposé de le suivre en Chine pour la campagne Pékin 2008 avant de se rétracter : "Que vont dire tes parents ?" Est-ce encore du sexisme (une jeune femme ne peut affronter le danger et doit des comptes à sa famille) ou bien déjà du racisme (les parents maghrébins empêchant leurs filles de sortir, comme chacun sait) ?

Pendant ce même voyage, un soir à Hong-Kong, il a évoqué son père, imprimeur et ancien membre de l’OAS. Il est normal de s’émouvoir lorsqu’on parle de son défunt père. Mais rappeler avec fierté l’engagement de ce dernier et le "trésor inestimable" qui lui été légué (des timbres à l’effigie de l’OAS) devant une fille d’Algériens qui est sa subordonnée, c’est au mieux une provocation déplacée, au pire une humiliation délibérée.

Il m’a demandé d’arrêter avec mon "sale caractère d’algérienne"

Il faut le dire : je suis une Française d’origine algérienne. A l’aise et fière de ses doubles racines. Entre la France et l’Algérie, mon cœur ne balance pas. Alors imaginez ce que j’ai ressenti le jour où le "Robert sans frontières" m’a demandé d’arrêter avec mon "sale caractère d’algérienne".

Depuis ce jour, j’ai quitté RSF. Le dernier épisode des aventures de Robert me le confirme : j’ai bien fait. Comme lui, j’ai gardé mes convictions intactes.

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