Turquie.1000 manifestants blessés à Istanbul: le régime Erdogan se dévoile.
Un banal sit-in de protestation contre la destruction d'un parc d'Istanbul a été violemment réprimé par la police. De nouvelles manifestations se déroulent à Istanbul, Ankara et Izmir pour dénoncer la brutalité et l'autoritarisme du pouvoir islamiste.
" Faites ce que vous voulez, nous avons décidé!". Recep Tayyip Erdogan, le premier Ministre turc, s'illustre une fois de plus par ses défis musclés. Depuis vendredi 31 mai, des manifestations pacifiques de protestation contre la destruction d'un parc au coeur d'Istanbul sont réprimées avec une brutalité qui apporte un nouveau démenti au mythe de la "modération" du pouvoir de l'AKP, le parti islamiste qui gouverne depuis dix ans. Il y aurait un millier de blessés, dont certains ont perdu la vue, Amnesty International proteste, et les capitales occidentales s'inquiètent de telles violences face à une protestation citoyenne, tournée vers la préservation du patrimoine écologique de la mégapole turque, carrefour entre l'Europe et l'Asie.
Le parc Gezi, place Taksim, en plein centre d'Istanbul, doit être remplacé par un centre commercial et un complexe culturel, selon la décision du maire d'Istanbul, membre de l'AKP. 600 arbres seront déracinés. Les manifestations ont commencé pour protester contre les services municipaux qui arrachaient les trois premiers arbres. Une décision de justice venait d'avaliser un recours déposé par les avocats des associations citoyennes hostiles au projet. Mais les autorités ont passé outre et la police a reçu l'ordre de frapper fort.
Or, l'affaire du parc Gezi et la répression-surprise contre la jeunesse protestataire cristallisent l'exaspération qui couve depuis de longs mois contre le pouvoir. La nouvelle loi sur les restrictions de vente d'alcool, les persécutions constantes contre opposants, minorités ( vastes) kurde et alévi ( non sunnite,persécuté sous le Califat ottoman, courant laïque original, spécifiquement turc, dans le chiisme) alourdissent le climat. C'est une vraie colère de tous les milieux face à la volonté claire d'islamiser toujours davantage la société turque, laïque à sa manière depuis Mustapha Kemal Ataturk, père révolutionnaire de la Turquie moderne, figure détestée par les islamistes de l'AKP, bien que Recep Tayyip Erdogan soit toujours contraint de s'exprimer sous les portraits du grand homme. Son rêve, naturellement, est de décrocher ces portraits. Symboliquement, impossible.
Le chef de l'AKP s'emploie donc à vider de son sens l'héritage d'Ataturk. Les femmes, qui avaient été émancipées par Mustapha Kemal avec éclat ( les Turques obtinrent le droit de voter avant les Françaises), et dévoilées, voient la culture islamiste menacer leurs droits. Erdogan et ses partisans ne cessent d'inviter les femmes, dans leurs discours, à se consacrer à leur famille. La "pudeur" est invoquée sans cesse, le voile autorisé et légitimé à l'université.
Le courant dominant, pudibond et réactionnaire, a envahi les colonnes de médias aux ordres: la plupart des grands journaux et des chaines de télévision sont la propriété d'hommes d'affaire proches des cercles du pouvoir.
C'est la situation que j'ai décrite dans mon essai consacré à " L'imposture turque" ( Grasset, 2011) en insistant sur le peu de cas accordé par le Premier ministre islamiste à la liberté d'expression. La démocratie turque m'apparaissait en grand danger,
les preuves s'accumulaient chaque jour.
Cependant la fiction de la "modération" de l'islamisme turc aveuglait tous les observateurs. On était dans l'enthousiasme des printemps arabes qui ne s'étaient pas encore teintés de sang, de salafisme et de djihadisme. Il leur fallait un modèle. On regardait vers le Bosphore sans comprendre que "l'exception turque" ne tenait que par ses racines laïques Kemalistes et non par la culture bigote d'un Premier ministre proche des Frères musulmans.
Depuis deux ans, les tendances dictatoriales d'Erdogan et l'obscurantisme du pouvoir se sont encore aggravés. La réussite économique du pays, fondée sur un ultra-libéralisme qui, à moyen terme, révélera ses immenses pans d'injustice, fait encore illlusion pour les amateurs de fables et les dupes de l'islamisme.
" UNE FERVEUR SPECTACULAIRE"
Cependant, une Turquie jeune,ouverte, écoeurée par la bêtise du discours de l'AKP et des confréries religieuses, ultra-riches, qui soutiennent le parti, se révolte devant la mise au pas de la justice et les procès sans fin intentés aux enseignants, aux esprits libres, aux journalistes, aux artistes ( voir l'article sur le procès du pianiste Fazil Say).
C'est cette jeunesse qui est dans la rue aujourd'hui à Istanbul, Ankara et Izmir, peut-être demain dans une douzaine d'autres villes où les réseaux sociaux appellent à manifester. Elle n'est pas seule. " Il y a une ferveur spectaculaire, des appels à la marche. Nombreux sont les parents qui vont chercher des masques à gaz pour manifester eux aussi face aux policiers qui nous bombardent de gaz" expliquent des étudiants que Marianne a pu contacter.
Verra-t-on les révoltés entamer un "Eté Turc" pour que renaisse la Turquie d'Ataturk? Rédigé
Le parc Gezi, place Taksim, en plein centre d'Istanbul, doit être remplacé par un centre commercial et un complexe culturel, selon la décision du maire d'Istanbul, membre de l'AKP. 600 arbres seront déracinés. Les manifestations ont commencé pour protester contre les services municipaux qui arrachaient les trois premiers arbres. Une décision de justice venait d'avaliser un recours déposé par les avocats des associations citoyennes hostiles au projet. Mais les autorités ont passé outre et la police a reçu l'ordre de frapper fort.
Or, l'affaire du parc Gezi et la répression-surprise contre la jeunesse protestataire cristallisent l'exaspération qui couve depuis de longs mois contre le pouvoir. La nouvelle loi sur les restrictions de vente d'alcool, les persécutions constantes contre opposants, minorités ( vastes) kurde et alévi ( non sunnite,persécuté sous le Califat ottoman, courant laïque original, spécifiquement turc, dans le chiisme) alourdissent le climat. C'est une vraie colère de tous les milieux face à la volonté claire d'islamiser toujours davantage la société turque, laïque à sa manière depuis Mustapha Kemal Ataturk, père révolutionnaire de la Turquie moderne, figure détestée par les islamistes de l'AKP, bien que Recep Tayyip Erdogan soit toujours contraint de s'exprimer sous les portraits du grand homme. Son rêve, naturellement, est de décrocher ces portraits. Symboliquement, impossible.
Le chef de l'AKP s'emploie donc à vider de son sens l'héritage d'Ataturk. Les femmes, qui avaient été émancipées par Mustapha Kemal avec éclat ( les Turques obtinrent le droit de voter avant les Françaises), et dévoilées, voient la culture islamiste menacer leurs droits. Erdogan et ses partisans ne cessent d'inviter les femmes, dans leurs discours, à se consacrer à leur famille. La "pudeur" est invoquée sans cesse, le voile autorisé et légitimé à l'université.
Le courant dominant, pudibond et réactionnaire, a envahi les colonnes de médias aux ordres: la plupart des grands journaux et des chaines de télévision sont la propriété d'hommes d'affaire proches des cercles du pouvoir.
C'est la situation que j'ai décrite dans mon essai consacré à " L'imposture turque" ( Grasset, 2011) en insistant sur le peu de cas accordé par le Premier ministre islamiste à la liberté d'expression. La démocratie turque m'apparaissait en grand danger,
les preuves s'accumulaient chaque jour.
Cependant la fiction de la "modération" de l'islamisme turc aveuglait tous les observateurs. On était dans l'enthousiasme des printemps arabes qui ne s'étaient pas encore teintés de sang, de salafisme et de djihadisme. Il leur fallait un modèle. On regardait vers le Bosphore sans comprendre que "l'exception turque" ne tenait que par ses racines laïques Kemalistes et non par la culture bigote d'un Premier ministre proche des Frères musulmans.
Depuis deux ans, les tendances dictatoriales d'Erdogan et l'obscurantisme du pouvoir se sont encore aggravés. La réussite économique du pays, fondée sur un ultra-libéralisme qui, à moyen terme, révélera ses immenses pans d'injustice, fait encore illlusion pour les amateurs de fables et les dupes de l'islamisme.
" UNE FERVEUR SPECTACULAIRE"
Cependant, une Turquie jeune,ouverte, écoeurée par la bêtise du discours de l'AKP et des confréries religieuses, ultra-riches, qui soutiennent le parti, se révolte devant la mise au pas de la justice et les procès sans fin intentés aux enseignants, aux esprits libres, aux journalistes, aux artistes ( voir l'article sur le procès du pianiste Fazil Say).
C'est cette jeunesse qui est dans la rue aujourd'hui à Istanbul, Ankara et Izmir, peut-être demain dans une douzaine d'autres villes où les réseaux sociaux appellent à manifester. Elle n'est pas seule. " Il y a une ferveur spectaculaire, des appels à la marche. Nombreux sont les parents qui vont chercher des masques à gaz pour manifester eux aussi face aux policiers qui nous bombardent de gaz" expliquent des étudiants que Marianne a pu contacter.
Verra-t-on les révoltés entamer un "Eté Turc" pour que renaisse la Turquie d'Ataturk? Rédigé
Martine GOZLAN in Marianne
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