mardi 17 juin 2014

A Marseille, la grêle et la Belgique douchent les supporteurs algériens


Marseille, le 17 juin. Pendant le match Algérie-Belgique.
Les premiers coups de klaxon ont retenti à 16 h 15. Deux voituresimmatriculées 13, vitres baissées et drapeaux de l'Algérie au vent, ont dévalé les allées Gambetta, grande artère parallèle à la Canebière. Sur la terrasse du Dar Es-Salam, en plein milieu des allées, Said, le serveur, se marre : « Ça y est, ça commence… C'est l'heure. »

L'air est lourd dans un centre-ville de Marseille toujours aussi pollué. L'orage gronde. Dans une heure, Said, « Kabyle de Paris, descendu à Marseille depuis longtemps », ne sortira pas la télé devant son bar-restaurant : « Surtout pas, lâche-t-il. Les Algériens, ils ne tiennent pas en place ! Qu'ils gagnent ou qu'ils perdent, c'est la même fête. » Pour voir l'entrée en lice des Fennecs à la Coupe du monde brésilienne, il faudra rentrer dans la salle avec les habitués. Oudescendre un peu plus bas dans Belsunce, ce quartier du cœur de Marseille où l'Algérie est plus qu'une deuxième nation.


« Nous n'avons pas donné aux établissements l'autorisation de sortir leurs écrans », assure Guy Nicolaï, l'adjoint à la sécurité de ce premier secteur de Marseille, qui englobe une partie du centre-ville. La nouvelle municipalité UMP, élue en mars, a préféré apporter son soutien à une initiative associative. Devant la mairie, une table est recouverte de tee-shirts verts qui attendent leurs bénévoles.

« Que des gars du quartier qui y habitent ou y ont grandi, explique Linda Zoubir, qui pilote l'association de détection et de prévention par la santé et le sport(ADP2S) à l'origine de l'opération. Ils vont aller dans les bars et parler avec les jeunes. Dans ce quartier, nous avons énormément de binationaux. L'Algérie, c'est chaud. » Le soutien de la mairie s'est limité à l'achat des tee-shirts. «Ils ont choisi le vert parce que c'est la couleur du Brésil, s'amuse Linda Zoubir. Heureusement, c'est aussi celle de l'Algérie. »
« On veut anticiper tout éventuel débordement, pointe la toute nouvelle maire de secteur Sabine Bernasconi, sur le pont à quelques minutes de la rencontre… Je suis très optimiste, tout va bien se passer. » En 2010, un match Slovénie-Algérie avait tourné à la bataille rangée sur le Vieux-Port avec les forces de l'ordre. L'année suivante, le maire, Jean-Claude Gaudin, avait évoqué des après-matches où « il déferle 15 000 musulmans sur la Canebière et où il n'y a que le drapeau algérien… Cela ne nous plaît pas. » « Il s'est raté, mais ensuite il s'est excusé,convient Linda Zoubir… Depuis, la communauté l'a pardonné. »
Pour ce Belgique-Algérie, une compagnie de CRS et 200 policiers sont mobilisés. « Mais on a demandé à ce qu'ils soient discrets, confie Guy Nicolaï… On voudraitéviter toute provocation. »

PLOMBS QUI SAUTENT ET FUMIGÈNES

A 18 heures, au moment du coup d'envoi, les tee-shirts verts des bénévoles de l'opération Le Centre-ville fête le Foot ne sont plus trop visibles au milieu de la marée aux couleurs de l'Algérie qui investit les rues autour de la Canebière. Beaucoup d'hommes, quelques jeunes femmes et des drapeaux partout. Au Splendid, juste en face du commissariat Noailles, le plus important de Marseille, les chaises ont été disposées comme dans un cinéma. Neuf écrans retransmettent le match… Le patron, un colosse algérien en polo rose, surveille son équipe de 22 serveurs.
Sur le comptoir, des fanions sont plantés dans les seaux à glace. Au bout d'un quart d'heure de jeu, un orage de grêle dantesque pousse les dizaines de personnes debout dans la rue, à se ruer dans la salle. Ailleurs, l'orage fait d'autres dégâts. Sur les allées Gambetta, les plombs et les télés sautent… A l'abri, collés aux façades, les supporters algériens ne verront pas le but de Feghouli. Ils ne comprendront qu'au rugissement qui emplit le quartier que l'Algérie vient d'ouvrir la marque.
Ceux du Splendid, eux, vivent ce premier but comme un don de Dieu. Les fumigènes éclairent la façade du commissariat. A l'intérieur, le patron coupe les commentaires de BeIn Sports et balance 50e anniversaire, l'hymne à l'indépendance de Torino Milano et Khalass. Pendant cinq minutes, le snack-bar se transforme en un de ses cabarets de raï qui faisaient la gloire du quartier il y a trente ans. Quand Khaled et Mami étaient encore Cheb et y enflammaient les nuits.
La grêle a cédé la place à la pluie et, à Belo Horizonte, la Belgique reprend pied. L'égalisation jette un froid. Le deuxième but de Mertens casse l'ambiance et l'espoir. L'exploit des Algériens n'est pas pour ce soir. Au restaurant Ghomrassen, le patron, un « Marseillais-Tunisien supporter de l'Algérie», commence à critiquerles joueurs professionnels, « pas assez nationalistes »… Les tee-shirts verts des bénévoles eux, vont devoir gérer la déception. Ici, tout le monde espère que la suite de la compétition sera plus favorable aux Fennecs.

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