Le lendemain du match. Donc, selon les yeux, le match Algérie-Corée du Sud a bien résumé la mécanique algérienne : défaite, suivie d'un sursaut rageur, victoire puis débandade après la victoire, flou dans le but après les buts, réaction, puis achèvement à l'arrachée. Le charbon de cette ardeur étant toujours l'émotion et la défaite comme ressort. Ceci pour la psychologie. Pour le reste, on devine que cette victoire sportive va servir à beaucoup de choses : faire asseoir les gens, se lever Bouteflika et les siens, calmer les fronts et donner de la légitimité à la monarchie actuelle. Quand le Colisée est plein, l'Olympe est en Paix. Tous les romains le savaient. Il faut reconnaître à Abdelaziz au moins une chose : la chance. Il en a eu dans sa vie. Aux pires moments de sa vie ou de ses règnes, il a toujours bénéficié soit de la pluie, soit de la flambée des prix de pétrole, soit du 11 septembre US, soit de la crise économique mondiale, soit du crash de certains printemps « arabes ». Jusqu'au résultat de ce match beau : 4 buts, quatre mandats pour lui. Et un quatrième pour Raouraoua le président à vie.
On a donc été heureux. Comme rarement dans les rues. La nuit ouverte à tous, assis sur les capots du cosmos. Coincés cependant par le peu de moyens : mis à part le cri, le klaxon et le drapeau, on tournait un peu en rond. Mais cela reste cela à défaut de pouvoir sortir les autres nuits, aller dans un cinéma, regarder une chanson ou se promener sous des arbres qui n'ont pas encore été arrachés. Mis à part le foot, on a peu d'occasions de rire et mis à part la Corée, ce fut très rare. C'est donc bien et c'est donc mal. Etre heureux est un but dans la vie mais l'usage que l'on va en faire pour consacrer le populisme, faire oublier le gaz de schiste, les fausses réformes et l'arnaque de la nouvelle Constitution, sera une chose mal. La maladie nationale va s'aggraver avec « les victoires du peuple ». On va encore croire que nous avons marché sur la lune, que nous sommes invincibles, qu'il ne sert à rien de réformer ou de construire un pays ou une vraie équipe nationale avec des joueurs locaux, qu'il faut continuer à manger du pétrole et à prier pour ne pas travailler et que la monarchie est une solution meilleure que la démocratie.
Ce match va servir le 4e mandat à vie en Algérie et le premier mandat FN en France. Dangereuses récupérations, mais habituelles. Il fallait juste le rappeler.
Pour le reste, le match a prouvé l'essentiel : on peut aller plus loin vers le second tour. Reste les Russes. Si on gagne, on risque d'être heureux énormément mais d'avoir un cinquième mandat sur le dos des enfants à venir.
Kamel Daoud
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