Mr Achour Amarouche : Ancien travailleur migrant à la retraite, locataire à l’hôtel meublé du 73, rue du Faubourg Saint-Antoine, aujourd’hui menacé d’expulsion. Photo de JEAN MICHEL SICOT
La place de la Bastille est à deux minutes de marche. Au premier abord, l’endroit ne paie pas de mine. L’immeuble mériterait un sérieux rafraichissement. Malgré cela, on imagine aisément ce que certains pourraient faire de cet immeuble, une fois vidés de ces occupants.
L'hôtel meublé, situé au 73, rue du Faubourg Saint-Antoine.Crédit photo / JEAN MICHEL SICOT
La quarantaine de résidents de cet hôtel meublé situé au 73, rue du Faubourg Saint-Antoine sont pour la plupart des chibanis, des anciens travailleurs migrants, aujourd’hui à la retraite, en très grande majorité des Algériens.
Certains vivent ici depuis près de 40 ans. Tous connaissent par cœur leur date d’arrivée en France ou dans cet hôtel, comme pour donner une légitimité à leur présence sur le territoire. Quelques uns sont malades et restent en France pour se faire soigner, d’autres sont trop habitués à vivre ici pour rentrer au pays.
Alors que la procédure d’expulsion était lancée depuis des mois, la gérante, qui n’est pas la propriétaire des lieux et qui a elle-même perdu le bail de l’hôtel, leur a annoncé, il y a un mois qu’ils devaient quitter leurs chambres aussi vite que possible.
Les locataires n’ont été mis au courant du jugement rendu par le tribunal de grande Instance de Paris du 26 juillet 2013, que début juin. De l’avis de beaucoup ici, la gérante aurait gardé le silence « pour continuer à empocher les loyers ». Car avec ces locataires, il n’y a bien entendu, jamais eu aucun problème.
Les chambres sont pourtant très petites, 12m2 chacune. Parfois, elles sont occupées par deux personnes, qui s’acquittent d’un loyer de 520 euros, pour l’ensemble de la pièce. Il n’y a pas de douche alors les locataires doivent aller se laver dans les bains publics.
« Je suis arrivé dans cet hôtel le 5 mai 1969. A l’époque, je payais 120 francs par mois. Depuis 1973, je partage cette chambre avec le même monsieur, qui est devenu un frère raconte, la voix remplie d’émotion, Mohamed Tinicha, un beau monsieur très élégant de 70 ans, originaire de Tizi-Ouzou, en Algérie, un ancien cuisinier. Vous vous rendez-compte, du jour au lendemain, la police peut venir ici pour nous mettre à la rue. Où allons-nous aller ? La plupart d’entre nous touche une faible une retraite. Toute ma famille est au bled ».
En apprenant qu’ils allaient être expulsés, les chibanis, se réunissent et décident de ne rien lâcher. « Les propriétaires pensaient qu’on partirait sans rien dire, qu’on était que des pauvres vieux arabes illettrés, pointe Youçef Ferkous, 71 ans, retraité, ancien ouvrier à l’usine et 16 années d’ancienneté dans cet hôtel». Très vite, les chibanis prennent contact avec le Droit au logement (DAL).
« Ca faisait longtemps qu’on avait pas affaire à un cas comme celui-là »souligne Jean-Baptiste Eyraud, militant historique du DAL. « Parce qu’il n’y a plus beaucoup d’hôtels meublés et que généralement les gens ne restent pas dans ce genre d’habitation. Mais là, ils ont décidé de lutter ».
En fouinant un peu, les militants du DAL se sont rendus compte que « si la préfecture exécutait sa décision, elle serait dans l’illégalité. Ces gens sont locataires et il ne peut y avoir d’expulsion sans jugement nominatif », renchérit Eyraud.
Des propos qui ne rassurent pas pour autant les chibanis. « La police, accompagnée d’un huissier, est venue il y a près d’un mois, pour nous poser des questions, explique inquiet, Layachi Ait-Baziz, 65 ans, qui a travaillé une partie de sa vie dans la restauration et qui vient de déposer il y a quelques semaines son dossier de retraite. Nous ne voulons juste pas partir d’ici, sans avoir l’assurance d’être relogés ».
« On verra ce qu’il arrivera mais avec toute cette histoire malheureuse, des liens se sont créés entre nous, lâche Youcef Ferkous. Avant, on se croisait dans les escaliers, on se disait bonjour-au revoir, puis on retournait s’enfermer dans nos chambres. Aujourd’hui, on passe des heures à discuter et certains d’entre nous sont même devenus de bons amis ».
Des amis qui espèrent en secret voir arriver très vite la trêve hivernale, ce qui leur laisserait un peu de répit…
Nadir Dendoune
Mr Mohamed Tinicha, retraité, ancien cuisinier, arrivé dans cet hôtel le 5 mai 1969. Crédit photo / JEAN MICHEL SICOT
Mr Youcef Ferkous, retraité, né le 7-10-43, 16 ans dans cet hôtel, arrivé en France le 25-08-65, a bossé dans une usine de câbles électriques. Crédit photo / JEAN MICHEL SICOT
Mr Said Allouche (G), retraité (81 ans) arrivé à l'hôtel le 12-11-54, ancien ouvrier dans un établissement de lavage et Mr Layachi Ait-Baaziz (65 ans) travaille dans la restauration, depuis 8 ans dans cet hôtel. Crédit photo / JEAN MICHEL SICOT
Mr Mohamed El Madkoun. Crédit photo / JEAN MICHEL SICOT
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