mercredi 22 octobre 2014

ALGÉRIEJe ne suis pas un policier, mais je veux mes droits

Les forces de l'ordre, quoique privilégiées par rapport au reste de la société, sont descendues dans la rue la semaine dernière pour manifester leur mécontentement. Un mouvement qui révèle le malaise profond qui gangrène la société, déplore ce journaliste.
  •  
  •  
Dessin de Dilem.
Dessin de Dilem.
Je ne suis pas un policier. Je suis un simple citoyen. Diplômé de l'université de mon pays. Je travaille plus de huit heures par jour. Je respecte les lois de mon pays. Je fais de mon mieux pour contribuer au développement de mon Algérie. Mais je me sens lésé. Je n'ai, pourtant, pas manifesté avec une matraque à la main devant le siège du Palais du gouvernement et celui de la présidence.Je n'ai pas un logement décent. Je n'ai pas un salaire digne de mes compétences. Je n'ai pas de syndicat qui défend mes droits. Ma voix n'est pas écoutée, ma liberté est violée puisque dans les rues de mon pays ou dans les institutions publiques, je ne jouis pas de mes droits civiques. On me demande de la tchipa [pot-de-vin] pour retirer un document, pour déposer une demande de logement social ou pour réclamer des soins intensifs. On me rackette lorsque je réclame un crédit bancaire pour créer mon entreprise ou pour financer un investissement professionnel.
Primes et aides aux logements
On me chasse lorsque je demande audience à un Wali [gouverneur] ou un chef de Daïra [arrondissement]. On me snobe lorsque je demande des explications à mes députés ou élus. Oui, je ne suis pas un policier. Je n'ai bénéficié d'aucune augmentation de salaire digne de ce nom. J'attends depuis des années mon logement AADL [Agence nationale pour l'amélioration et le développement de l'habitat]. Aucune prime n'embellit ma fiche de paie.
Et en dépit de tout cela, je n'ai pas déserté mon lieu de travail. Je n'ai pas abandonné mes fonctions pour marcher jusqu'à la Présidence ou le Palais du gouvernement. Je ne suis pas parti crier "Dégage", ou "Barakat" [ça suffit]. Je n'ai pas protesté en réclamant le départ de mon directeur général [les policiers réclament la révocation du patron de la police, le général Abdelghani Hamel], ministre ou président de la République.
Je n'ai rien fait comme les policiers, un corps constitué qui obéit et désobéit en même temps à l'Etat. Je n'ai pas désobéi. Du moins pas encore. Mais j'y pense sérieusement car dans mon propre pays, on n'écoute apparemment que les matraqueurs qui manifestent, menacent et paralysent le fonctionnement des institutions sécuritaires. Je ne suis pas un policier, mais je suis un Algérien aussi. Je vaux autant que ces centaines et centaines de policiers sortis dans les rues pour demander une augmentation de salaire. Je suis autant algérien que ces forces de l'ordre que le gouvernement choie et dorlote avec des primes et aides aux logements.
Favoritisme et clanisme
Je ne suis pas un policier, mais je suis un Algérien et je mérite d'avoir mes droits. Le respect et la considération d'abord, l'épanouissement social et professionnel ensuite. Cela fait quelques décennies que les autorités de mon pays s'embourbent les roues sur le terrain du favoritisme et du clanisme. Je refuse de devenir un policier pour bénéficier d'un salaire décent. Je refuse de devenir un policier pour bénéficier de la même attention et considération. Je refuse de devenir un policier pour qu'on me promette un logement et des primes généreuses. Je refuse de faire allégeance pour obtenir mes droits sociaux.
Non, je ne suis pas un policier, mais je veux mes droits car l'Algérie n'est pas un immense commissariat. L'Algérie ne le deviendra jamais car il y aura toujours des gens comme moi qui sauront dire "dégage" sans manger à tous les râteliers du régime. Prenez soin de votre policier [hormis le limogeage du chef de la police, le Premier ministre Abdelmalek Sellal s'est engagé à satisfaire la majeure partie des revendications des policiers] pendant que nous cultivons notre citoyenneté. L'Histoire dira que vous avez transformé les compromis en corruption. L'Histoire dira que nous avons transformé notre passion pour la liberté en projet de société.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire