vendredi 17 octobre 2014

Sétif, 8 mai 1945 : une répression impitoyable s'abat sur le Constantinois


Les massacres qui ensanglantent l'est de l'Algérie, entre mai et juin 1945, sont-ils le véritable début de la guerre d'indépendance ? Représentent-ils, comme le suggère l'historien Charles-Robert Ageron, la première "tentative manquée d'insurrection nationale" ?

La violence des affrontements le suggère. 102 tués du côté des "Européens" . Entre 15 000 et 20 000 Algériens victimes de la répression, lit-on dans La Guerre d'Algérie dirigé par Mohammed Harbi et Benjamin Stora (Robert Laffont, 2004). Au-delà de chiffres encore sujets à controverses, la disproportion entre la brutalité de la répression et l'étendue d'une révolte limitée au Constantinois et qui ne touche que 5 % de la population d'une région estimée à près d'un million d'habitants, reste flagrante.
Comprendre le fil des événements suppose de revenir au contexte troublé de la seconde guerre mondiale dont la fin, le 8 mai, coïncide avec le déclenchement des troubles. L'affaiblissement de la puissance française après la défaite de 1940 ainsi que l'hostilité des Américains à la présence coloniale française ont dopé les revendications nationalistes qui s'incarnent alors en deux figures : le fondateur du Parti du peuple algérien (PPA, dissous en 1939), Messali Hadj, alors incarcéré, et le pharmacien de Sétif Ferhat Abbas, dirigeant des Amis du manifeste et de la liberté, qui défend une Algérie indépendante plus ou moins associée à la France.

LE DRAPEAU ALGÉRIEN, DÈS LE 1ER MAI 1945

Pour les nationalistes, les politiques d'assimilation, comme celle que lance l'ordonnance du 7 mars 1944 accordant la citoyenneté française à 60 000 musulmans, sont tardives ou obsolètes. Ils espèrent beaucoup de la première réunion de l'Organisation des Nations unies à San Francisco, le 29 avril 1945, et multiplient les démonstrations publiques. Dès le 1er mai à Alger, des affrontements font trois morts parmi les manifestants qui arborent, pour la première fois, au milieu des drapeaux alliés, l'étendard vert et blanc frappé de l'étoile et du croissant. Toutefois, le PPA ne donne pas d'ordre clair pourdéclencher les hostilités.
Le scénario d'Alger se répète le 8 mai à Sétif, le jour même de l'armistice. 8 000 à 10 000 manifestants défilent dans les rues de la ville. Beaucoup viennent des campagnes où règne la disette due à de mauvaises récoltes. Les premiers heurts surviennent quand la police cherche à confisquer les drapeaux algériens. Les manifestants se tournent alors contre les Européens et en tuent 29. L'ensemble de la "petite Kabylie" s'embrase et le calme ne revient qu'au bout de plusieurs semaines.
C'est l'armée qui mène la répression, appuyée par des milices civiles coopérant étroitement avec la police. Tandis que la marine bombarde la côte, 18 avions s'attaquent à 44 mechtas (villages algériens). Des officiers exigent la soumission publique, à genoux, des derniers insurgés sur la plage des Falaises non loin de Kherrata.
Une commission, dont le rapport a été intégralement publié par la Ligue des droits de l'homme (www.ldh-france.org), sera établie sous la présidence du général Paul Tubert pour mettre un terme à la violence. Mais elle doit interrompre son travail sur ordre du général de Gaulle. L'ordre colonial règne en Algérie où l'on s'imagine les"fanatiques" matés. Provisoirement.

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