mardi 17 février 2015

L’esthétique DaecHollywood

Esthétique Daech : nu, Sahara universel, ligne pure, décapitant têtes, minarets, collines, mausolées, émergence, individu, dessin, ligne courbée, érection architecturale, monuments. Le monde se résume à l’égorgé et à l’égorgeur. Le premier est toujours en tenue Orange. Inversement des géographies : le monde est l’île de Guantanamo, l’île d’Arabie est le continent universel. L’île mange le monde et le dévore.
Jeu de miroir : l’otage est habillé comme le Djihadiste capturé par les Américains. L’égorgeur ressemble à la caricature qu’il dénonce ailleurs : hirsute, barbu, sale, terrible, en colère, calme et appliqué dans l’égorgement de la veine à la veine. Inversement des ordres. Pour le reste, le jeu de reflets est sans surprise : Daech a un passeport, une revue, un tribunal, des films, des vidéos, des cinéastes pour la mise en scène de son Daechollywood.
Un seul héros, Dieu. Un seul livre, le Coran. Un acteur secondaire : l’égorgeur. Un méchant égorgé : l’occidental, l’arabe alliée aux occidentaux, le copte, le différent, toute l’humanité, pour faire simple. L’intrigue : un homme est pris, il est exhibé, puis interrogé, filmé, puis égorgé.
Pas de rebondissements. Pas de changement dans le casting. Pas de dialogue ou si peu : un verset, un Allahoukbar ou même pas. Travailler la terreur. Zoom sur les yeux, la tête baissée de l’Egorgé. Arrière-plan vidé : Syrie, Libye, Irak ou ailleurs. Le monde doit être le reflet du ciel. Le retour à l’instant Abrahamique inversé : on égorge l’humain, on sauve l’animal. Donc remontée de l’histoire vers la Préhistoire par la restauration du sacrifice humain. Destiné à calmer les Dieux. Refus de l’histoire.
L’esthétique Daech veut frapper l’esprit, le paralyser, le tuer. Elle s’appuie sur la monstruosité et sur internet. Sur la conscience des enjeux médiatiques et la violence pure. La guerre est mise en scène et propagande. Il y a volonté et besoin d’être vu, cru et relayé.  D’ailleurs, le souci de mise en scène est si poussé que certains croient que c’est une… mise en scène, pas la réalité du meurtre. Le réel est abimé lui aussi, par et dans le même geste.
Dans l’esthétique du Daecholllywood, le monde est binaire : Eux, les Autres. L’Islam/l’Ennemi. Le drapeau a deux couleurs : le noir du cosmos, illuminé par la calligraphie blanche sur noir puis noir sur blanc. Graphie de l’ancien arabe cependant. Sans fioriture, ni accents, ni signes diacritiques. Le proto-arabe avant la « chute » dans l’Histoire, l’ornement et la courbe trop sensuelle. Avec une étrange trinité : Allah, Mohammed, le Prophète, transcrite dans le cercle d’une lune vide, au ciel d’une nuit absolue. Regardez-le : c’est la fin du monde.
Par : Kamel Daoud

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