Saïd Sadi réagit à la mise au point de l’universitaire
Lahouari Addi… la preuve par l’absurde
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En réponse à la mise au point de Lahouari Addi, Saïd Sadi relève les raccourcis, la légèreté et les “exclusivismes” qui procèdent de “cette conception autistique de la vie publique” et qui piègent, voire empêchent le débat.
Dans une longue mise au point consécutive à mon interview parue dans Liberté du 4 février, M. Lahouari Addi se livre encore à des jugements qui égarent un peu plus le débat sur notre histoire. “Quand Saïd Sadi parle de Ben Bella, cela en dit plus sur lui que sur Ben Bella.” Voilà l’agression qui lui a valu l’apostrophe que je lui ai adressée et à laquelle il n’a pas répondu.
À le suivre, il y aurait comme un droit naturel à l’invective pour certains et une sommation à subir ces abus sans mot dire pour d’autres.
Sur le contenu. Je ne m’attarderai pas sur les contrevérités factuelles : “Je n’ai jamais fait campagne pour Bouteflika comme l’a fait Saïd Sadi”, soutient-il ou les prétentions du genre : “Je m’efforce de transmettre à ceux qui me lisent la culture politique de la modernité intellectuelle qui lui a manqué (au FLN historique) : l’État de droit, la citoyenneté, la démocratie, le sujet du droit, la tolérance, la liberté de conscience, l’égalité entre les hommes et les femmes, etc.”, autant de combats que M. Addi a dû inventer et porter… probablement seul et contre tous.
À la vérité, ces contorsions relèveraient d’une coquetterie sans grande incidence politique si elles n’étaient pas adossées à ce logiciel totalitaire appliqué par le Malg à l’Algérie et qui consiste à imposer les questions et les réponses du débat à chaque fois que la parole doit être rendue au peuple sur un dossier qui le concerne et l’implique en premier chef ; en l’occurrence il s’agit de l’Histoire. L’un des invariants de cette démonstration obsessionnelle, dont participe aussi la démarche de M. Addi, étant qu’un Kabyle, qui ne se renie pas, est porteur d’un régionalisme atavique, tare dont s’exonèrent, par principe, M. Addi et ses semblables.
Du coup, la communication est impossible.
M. Addi dit faire le même constat que moi sur le “système Boussouf”. Sauf que venant de lui, l’analyse ne souffre d’aucune suspicion. Il ne semble pas bien saisir les conséquences auxquelles peuvent conduire ces exclusivismes qui font qu’une même position, un même propos peuvent signifier une chose et son contraire selon que l’auteur appartient ou non à la secte élue.
Cette conception autistique de la vie publique est extensible à souhait.
Et la nuance n’a pas de place. Entre autres condamnations : j’aurais trahi le message du FLN historique sur lequel veille M. Addi.
Par régionalisme, j’aurais transformé “Amirouche en chef kabyle”, alors que, nous apprend-il, “il est un héros national”.
Détail cocasse, un autre contempteur, M. Benachenhou, porte, contre moi, une accusation exactement inverse sur le même sujet : j’ai voulu conférer à Amirouche une envergure nationale alors qu’il n’est qu’“un chef régional”…toujours par régionalisme ! Peu importe la cohérence, l’essentiel c’est de pilonner.
Autre charge : j’ai “diabolisé Ali Kafi et Ben Bella”. Il se trouve que c’est Ben Bella qui, dans l’une des fiches qu’il adressait aux services spéciaux égyptiens, accusait Kafi d’avoir liquidé Zighoud ; comme il indiquait, d’ailleurs, que ce sont les acteurs de la Soummam qui ont éliminé Ben Boulaïd pour imposer leur plateforme alors que ce dernier était mort bien avant la tenue du congrès d’août 1956. Je raconte dans mon livre que je me suis rendu à Sidi-Mezghiche, à l’ouest de Skikda, où fut tué le chef historique de la Wilaya II. Certains de ses compagnons m’ont affirmé sur place que Zighoud était tombé par hasard sur une patrouille de l’armée française qui l’avait abattu sans savoir qui était sa victime et qu’il a fallu près de 48 heures avant que ne soit connue l’identité du chahid. J’ai fidèlement rapporté ces témoignages qui innocentent Ali Kafi… Et quand il a traité Abane de traître, je m’en suis démarqué ; cela s’appelle le sens de la mesure.
Quant à se suffire du fait que tous les responsables de la guerre “avaient la passion de l’Algérie”, c’est faire le lit du populisme dont l’auteur de la mise au point assure vouloir prémunir le pays. C’est ce type de légèreté qui a tu, justifié et encouragé bien des égarements, bien des crimes après l’Indépendance, y compris une forfaiture comme la séquestration des restes de deux colonels pendant plus de vingt ans.
Le mal serait donc fatal et nécessaire. Robespierre a été guillotiné et Trotski assassiné, nous rappelle M. Addi. Oui ; mais les générations suivantes n’ont pas occulté les bilans des partisans de la Terreur ou de Staline au nom de la “passion de leur pays”.
En quoi cette passion, si sincère soit-elle, doit-elle nous empêcher, nous aussi, de lire notre guerre de Libération à travers les grilles qu’offrent maintenant la distance et la décantation des événements ?
Par ailleurs, vouloir nier le poids du régionalisme — stigmate de la violence coloniale qui, hélas, prolifère toujours — dans le mouvement national, c’est prendre le risque ou, pire, faire le choix de le légitimer aujourd’hui dans ses manifestations les plus obscènes.
Enfin, la longue tirade sur la participation de l’Oranie à la guerre de Libération est, pour le moins, maladroite. Après plus d’un demi-siècle d’Indépendance, les Algériens ont su faire le tri entre les possibilités politiques, les circonstances historiques, les données sociologiques ou les configurations géographiques propres à chaque contrée de notre pays. Tout dopage, toute mise en compétition a posteriori des régions est malvenue ; et c’est là un euphémisme. Le défunt commandant Moussa, auquel — M. Addi le sait — je ne manquais pas de rendre visite à chacun de mes passages à Oran tant qu’il était encore capable de mobilité, se gardait bien de recourir à ce genre de spéculations.
Valoriser le message du FLN historique c’est nécessairement en assumer toutes les séquences et les porter à la connaissance du citoyen. Les épopées les plus emblématiques comme les insuffisances les plus dramatiques font partie de notre histoire. Seule la recherche de la vérité peut magnifier les premières et prévenir la réédition des secondes.
Un impératif s’impose à nous : nous interdire le jugement.
C’est malheureusement là une tentation dont peinent à s’extraire certains de nos intellectuels.
Sur le contenu. Je ne m’attarderai pas sur les contrevérités factuelles : “Je n’ai jamais fait campagne pour Bouteflika comme l’a fait Saïd Sadi”, soutient-il ou les prétentions du genre : “Je m’efforce de transmettre à ceux qui me lisent la culture politique de la modernité intellectuelle qui lui a manqué (au FLN historique) : l’État de droit, la citoyenneté, la démocratie, le sujet du droit, la tolérance, la liberté de conscience, l’égalité entre les hommes et les femmes, etc.”, autant de combats que M. Addi a dû inventer et porter… probablement seul et contre tous.
À la vérité, ces contorsions relèveraient d’une coquetterie sans grande incidence politique si elles n’étaient pas adossées à ce logiciel totalitaire appliqué par le Malg à l’Algérie et qui consiste à imposer les questions et les réponses du débat à chaque fois que la parole doit être rendue au peuple sur un dossier qui le concerne et l’implique en premier chef ; en l’occurrence il s’agit de l’Histoire. L’un des invariants de cette démonstration obsessionnelle, dont participe aussi la démarche de M. Addi, étant qu’un Kabyle, qui ne se renie pas, est porteur d’un régionalisme atavique, tare dont s’exonèrent, par principe, M. Addi et ses semblables.
Du coup, la communication est impossible.
M. Addi dit faire le même constat que moi sur le “système Boussouf”. Sauf que venant de lui, l’analyse ne souffre d’aucune suspicion. Il ne semble pas bien saisir les conséquences auxquelles peuvent conduire ces exclusivismes qui font qu’une même position, un même propos peuvent signifier une chose et son contraire selon que l’auteur appartient ou non à la secte élue.
Cette conception autistique de la vie publique est extensible à souhait.
Et la nuance n’a pas de place. Entre autres condamnations : j’aurais trahi le message du FLN historique sur lequel veille M. Addi.
Par régionalisme, j’aurais transformé “Amirouche en chef kabyle”, alors que, nous apprend-il, “il est un héros national”.
Détail cocasse, un autre contempteur, M. Benachenhou, porte, contre moi, une accusation exactement inverse sur le même sujet : j’ai voulu conférer à Amirouche une envergure nationale alors qu’il n’est qu’“un chef régional”…toujours par régionalisme ! Peu importe la cohérence, l’essentiel c’est de pilonner.
Autre charge : j’ai “diabolisé Ali Kafi et Ben Bella”. Il se trouve que c’est Ben Bella qui, dans l’une des fiches qu’il adressait aux services spéciaux égyptiens, accusait Kafi d’avoir liquidé Zighoud ; comme il indiquait, d’ailleurs, que ce sont les acteurs de la Soummam qui ont éliminé Ben Boulaïd pour imposer leur plateforme alors que ce dernier était mort bien avant la tenue du congrès d’août 1956. Je raconte dans mon livre que je me suis rendu à Sidi-Mezghiche, à l’ouest de Skikda, où fut tué le chef historique de la Wilaya II. Certains de ses compagnons m’ont affirmé sur place que Zighoud était tombé par hasard sur une patrouille de l’armée française qui l’avait abattu sans savoir qui était sa victime et qu’il a fallu près de 48 heures avant que ne soit connue l’identité du chahid. J’ai fidèlement rapporté ces témoignages qui innocentent Ali Kafi… Et quand il a traité Abane de traître, je m’en suis démarqué ; cela s’appelle le sens de la mesure.
Quant à se suffire du fait que tous les responsables de la guerre “avaient la passion de l’Algérie”, c’est faire le lit du populisme dont l’auteur de la mise au point assure vouloir prémunir le pays. C’est ce type de légèreté qui a tu, justifié et encouragé bien des égarements, bien des crimes après l’Indépendance, y compris une forfaiture comme la séquestration des restes de deux colonels pendant plus de vingt ans.
Le mal serait donc fatal et nécessaire. Robespierre a été guillotiné et Trotski assassiné, nous rappelle M. Addi. Oui ; mais les générations suivantes n’ont pas occulté les bilans des partisans de la Terreur ou de Staline au nom de la “passion de leur pays”.
En quoi cette passion, si sincère soit-elle, doit-elle nous empêcher, nous aussi, de lire notre guerre de Libération à travers les grilles qu’offrent maintenant la distance et la décantation des événements ?
Par ailleurs, vouloir nier le poids du régionalisme — stigmate de la violence coloniale qui, hélas, prolifère toujours — dans le mouvement national, c’est prendre le risque ou, pire, faire le choix de le légitimer aujourd’hui dans ses manifestations les plus obscènes.
Enfin, la longue tirade sur la participation de l’Oranie à la guerre de Libération est, pour le moins, maladroite. Après plus d’un demi-siècle d’Indépendance, les Algériens ont su faire le tri entre les possibilités politiques, les circonstances historiques, les données sociologiques ou les configurations géographiques propres à chaque contrée de notre pays. Tout dopage, toute mise en compétition a posteriori des régions est malvenue ; et c’est là un euphémisme. Le défunt commandant Moussa, auquel — M. Addi le sait — je ne manquais pas de rendre visite à chacun de mes passages à Oran tant qu’il était encore capable de mobilité, se gardait bien de recourir à ce genre de spéculations.
Valoriser le message du FLN historique c’est nécessairement en assumer toutes les séquences et les porter à la connaissance du citoyen. Les épopées les plus emblématiques comme les insuffisances les plus dramatiques font partie de notre histoire. Seule la recherche de la vérité peut magnifier les premières et prévenir la réédition des secondes.
Un impératif s’impose à nous : nous interdire le jugement.
C’est malheureusement là une tentation dont peinent à s’extraire certains de nos intellectuels.
S. S.
http://www.liberte-algerie.com/actualite/lahouari-addi-la-preuve-par-labsurde-220311
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