Bien que les cibles intégristes les plus en vue étaient d’abord le simple policier, les jeunes appelés de l’armée, tous issus des couches populaires, les journalistes, les sommités intellectuelles et artistiques, les militants démocrates… la femme aura été celle qui, bien avant le début officiel de leur « guerre sainte » en 1992, a subi de plein fouet la barbarie du fascisme vert. En l’absence de statistiques, politique officielle oblige, on parle de plusieurs milliers de femmes assassinées, autant d’autres violées collectivement dont beaucoup étaient devenues mères de plusieurs enfants nés de pères impossibles à déterminer et ayant grandis dans les maquis, loin du moindre contact avec la civilisation, des centaines d’autres femmes étaient réduites à l’état d’esclaves dans les casemates où elles étaient détenues…
Aussi, 1994 aura été l’année qui avait vu la stratégie intégriste se transformer pour en faire des carnages collectifs et des rapts de jeunes filles et des femmes en général le quotidien de populations entières notamment celles qui vivaient loin des grands centres urbains. Dans ce sillage, les femmes sans voile (pas seulement) étaient harcelées et menacées en permanence dans leur intégrité physique. Beaucoup se rappelle encore ce jour de 1994, lorsque Alger (et d’autres villes) découvrit ses murs et ses boulevards totalement placardés par des affiches portant la signature du GIA et sommant toutes les femmes de se mettre au voile sous huitaine. Passé ce délai, toute femme sans voile sera exécutée à la première occasion. Beaucoup, se sentant seules et démunies, s’étaient résignées à le porter. D’autres, plus tenaces, continuaient à vaquer, cheveux en l’air, bravant la menace islamiste bien réelle et livrant aux « hommes », souvent circonspects, une leçon de bravoure et de détermination bien rare.
L’une d’elles, s’appelait Katia Bengana, à peine 17 ans, brillante lycéenne à Meftah, une petite ville dans la Mitidja qui était alors surnommée par les hordes islamistes « les territoires libérés » en raison de la quasi absence de l’Etat dans cette région où le GIA régnait en maître absolu. C’est dans ce contexte de terreur où pratiquement toute la gente masculine courbait l’échine pour sauver sa peau, que la jeune Katia reçoit plusieurs avertissements sous forme de menaces de mort afin de la contraindre à se voiler. Elle refusait d’obtempérer affichant une détermination insupportable pour les barbus, ce qui avait impressionné ses professeurs, ses camarades et une population subissant au quotidien le cauchemar de l’obscurantisme religieux. Elle voulait être libre, elle voulait être digne, elle voulait être femme. Elle fut froidement et lâchement assassinée par une horde de barbus sur le chemin de son lycée le 28 février 1994. Depuis, accédant à l’immortalité, Katia est devenue un symbole de résistance et d’épanouissement pour toutes les femmes et tous les hommes épris de démocratie et de liberté. Dans le département de l’Isère, en France, la mairie de Villefontaine a déjà baptisé une des rues de cette petite ville du nom de Katia Bengana, un geste de reconnaissance à ce symbole de résistance, devenu universel étant régulièrement cité dans de nombreuses rencontres internationales portant sur les bouleversements que connait la planète depuis quelques décennies.
Quid des assemblées « élues » fantoches en Kabylie et à Meftah ?
Après tant d’années, Katia est toujours là, quelque part autour de nous, mais ses parents, résignés dans leur dignité, sont inconsolables. Son père, décide de sortir de son silence, adresse, en 2008, une lettre émouvante à sa fille. Lisez-la et célébrez partout Katia Bengana, cette jeune fille intelligente d’El Kseur qui a tenu tête à des hordes intégristes armées jusqu’aux dents, pour que son sacrifice ne soit jamais vain.
Allas Di Tlelli pour Kabyles.net
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