L’intervention à Versailles du chef de l’Etat constitue un tournant du quinquennat : non seulement François Hollande a totalement endossé les habits de chef de guerre, mais il a affirmé, assumant les dépenses qu’il a décidé d’engager, que le "pacte de sécurité" l’emporte désormais sur le "pacte de stabilité".
François Hollande a son arrivée à Versailles lundi. (Reuters)
Endossant sur la scène intérieure les habits de chef de guerre – puisque la France, a dit d’emblée le Président, est "en guerre" - François Hollande, aux antipodes de ses tentations habituelles pour la synthèse et le louvoiement, a eu à Versailles des mots carrés, a tenu des propos sans ambiguïtés, a ouvert des pistes qui marquent sa totale détermination. Un tournant du quinquennat. Certes, et l’intéressé le sait, les Français le jugeront aux résultats, et seulement aux résultats. Mais le chef de l’Etat - conscient de la gravité de l’enjeu d’abord pour le pays, ensuite pour lui-même - n’a pas cette fois tergiversé.
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L’ennemi est nommé : Daech (et personne d’autre). L‘objectif est fixé : le "détruire" puisque, vendredi à Paris, cet ennemi "a franchi une nouvelle étape". Et les moyens, à l’extérieur sont affichés : une réunion du Conseil de sécurité de l‘ONU ; la recherche plus impérative que jamais de constituer contre Daech une "grande coalition" (donc avec les Russes, mais sans Bachar El-Assad) ; l’invitation urgentissime faite aux Européens, sauf à prendre le risque d’une "déconstruction européenne", d’organiser enfin un vrai contrôle de leurs frontières.
Révision constitutionnelle
Mais François Hollande est allé plus loin encore. En annonçant une révision constitutionnelle de façon à ce que l’Etat, au-delà d’une prolongation prévue mais limitée à 3 mois de l’état d’urgence, ait les moyens de prendre par la suite contre les terroristes des "mesures exceptionnelles". Ce qui ne relève, a-t-il dit, ni de l’article 16 de la Constitution (les pleins pouvoirs au Président) ni de l’article 36 (l’état de siège).
Le Président a, d’autre part, confirmé clairement qu’en cas de double nationalité les terroristes ou apprentis-terroristes seraient déchus de la nationalité française, et interdits de retour sur le territoire français. Et confirmé aussi que les étrangers qui mettent en cause la sécurité des Français seraient expulsés. Il a surtout annoncé que les effectifs des armées ne diminueraient pas d’ici 2019, et que 5000 emplois supplémentaires allaient être créés dans la police et la gendarmerie, 2500 dans l’administration judiciaire et 1000 dans l’administration des douanes.
Affichant sa fermeté, François Hollande, conformément à son tempérament, ne s’est donc pas interdit d’être habile. La droite aura plus de mal à dire demain non à cette révision constitutionnelle, dont elle ne souhaitait pas le principe et dont l’Elysée prend solennellement l’initiative. La droite, qui pourfend un Etat obèse, va avoir du mal, dans l’actuel contexte anti-terroriste, à dire non à la création de nouveaux emplois publics. D’autant que le chef de l’Etat, sans insister, a glissé qu’il s’agit simplement de revenir à la situation qui prévalait… en 2007. Enfin, comment la gauche de la gauche n’approuverait-elle pas la phrase-clé du chef de l’Etat, admettant, puisqu’il décide de nouvelles dépenses, que, oui, "le pacte de sécurité l‘emporte sur le pacte de stabilité"?
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