dimanche 14 octobre 2012

17 Octobre 1961 : UNE VICTOIRE POUR LE FLN.

Les manifestations du 17 octobre 1961 servirent grandement la cause de l’indépendance algérienne. L’émigration algérienne montra son attachement à cette revendication et le FLN prouva son audience. Par sa violence, la répression choqua l’opinion française et suscita un élan de sympathie au niveau international.
Après coup, on s’étonne de la réaction des pouvoirs publics face à la manifestation du 17 octobre 1961. Les travailleurs algériens sont sortis plus pour une grande promenade dans Paris que pour une manifestation. Les seuls mots d’ordre clamés étaient : « Algérie algérienne » et « non au couvre-feu ». Ils étaient endimanchés, certains avaient amené leurs enfants. Le service d’ordre du FLN était fortement présent, libérant la moitié des trottoirs pour ne pas gêner les passants et réglant la circulation aux carrefours. Pas un mot agressif, pas d’attitude déplacée. Les manifestants avaient tous été fouillés par les accompagnateurs qui avaient interdit tout instrument qui aurait pu servir de prétexte à une intervention. Le président de la Fédération de France du FLN Omar Boudaoud témoigne : « Nous rappelâmes le caractère impératif de la directive : toute riposte était interdite. Pas question d’avoir le moindre canif. » Ce caractère pacifique avait été constaté par tous les présents, notamment les journalistes.
Paris était une ville à forte présence médiatique, notamment étrangère. On n’avait pas pu cacher la manifestation ni sa répression aux photographies et aux images des reporters français et étrangers. Le résultat fut moralement catastrophique pour les autorités françaises. Les manifestations étaient pacifiques, sans aucune agressivité, très fortement encadrées. La violence de la répression a fortement choqué. Le FLN avait montré son influence sur la population algérienne. Ce fut pour lui une véritable démonstration de force où les Algériens de France avaient exprimé leur forte adhésion à l’idée d’indépendance. Comme elle le fit en Algérie. Le GPRA acquit une légitimité encore plus grande avec les manifestations du 17 octobre 1961, ce qui renforça ses positions au moment où s’engageaient les négociations avec le gouvernement français. Ces Algériens n’étaient pas des agressifs déchaînés mais avaient eu recours à un mode d’expression pacifique rejetant toute violence. Une grande partie de l’opinion française en fut choquée et révoltée.
On ne mesura pas les conséquences immédiates que cette répression eut sur l’opinion française. Mais on verra quelques mois plus tard l’importance du soutien populaire que la revendication d’indépendance a eue en France. Les extrémistes partisans du maintien de la situation coloniale faisaient passer le FLN comme un mouvement de fanatiques qui avait imposé sa loi à la population algérienne par la terreur. Les Algériens étaient contraints de se soumettre ou de s’exposer à la vengeance des bandes armées du FLN. Les manifestations du 17 octobre 1961 donnèrent une autre image. Les Algériens étaient pacifiques et paraissaient sympathiques et contents d’exprimer le désir d’indépendance de leur pays. Ils se soumettaient de bon gré aux militants du FLN chargés de les canaliser et qui paraissaient des leurs. Le FLN eut ainsi l’occasion de faire passer un message qui connut un très grand retentissement, malheureusement au prix du martyre de 200 Algériens.
Dans cette répression, on retrouva les attitudes qu’eurent les autorités en Algérie avec les mêmes comportements et les mêmes résultats catastrophiques sur le plan politique. Encore une fois, l’autorité française eut recours à des méthodes d’une extrême violence et qui eurent des résultats contraires aux objectifs politiques qu’elle recherchait. En Algérie, la lutte contre les réseaux urbains de l’ALN s’accompagna d’une violence sans limite, autorisée par les pouvoirs politiques. Les grandes opérations militaires contre les maquisards s’appuyaient sur les renseignements obtenus par la terreur d’une façon systématique et même institutionnalisée à travers les DOP (Détachements opérationnels de protection), véritables centres de tortures de l’armée française rattachés aux unités en opération.

Un concentré des horreurs

Le sociologue Pierre Bourdieu eut ce commentaire en 2001 : « J’ai maintes fois souhaité que la honte d’avoir été le témoin impuissant d’une violence d’État haineuse et organisée puisse se transformer en honte collective. Je voudrais aujourd’hui que le souvenir des crimes monstrueux du 17 octobre 1961, sorte de concentré de toutes les horreurs de la guerre d’Algérie, soit inscrit sur une stèle, en un haut lieu de toutes les villes de France, et aussi, à côté du portrait du président de la République, dans tous les édifices publics, mairies, commissariats, palais de justice, écoles, à titre de mise en garde solennelle contre toute rechute dans la barbarie raciste. »
Ce fut effectivement un concentré des horreurs de la guerre de libération. Il y eut ce jour-là à Paris ce que les Algériens vivaient quotidiennement depuis 1954, très souvent dans l’anonymat le plus total. On réutilisa les mêmes méthodes, et la « corvée de bois » (exécution sommaire) eut la Seine comme lieu et non plus le maquis algérien. Comme en Algérie, les autorités appliquèrent les mêmes méthodes et eurent les mêmes résultats. La répression des populations algériennes urbaines et rurales, la généralisation de la torture, les massacres, les exécutions sommaires, les brimades détachèrent les Algériens du projet politique proposé par le gouvernement français qui ne put trouver le soutien populaire qui lui était nécessaire et ne put dégager sa fameuse troisième force, c'est-à-dire une élite algérienne opposée au FLN et disposant d’une audience auprès des Algériens. Ses méthodes eurent pour effet de renforcer la volonté d’indépendance et la légitimité du FLN.

Boualem TOUARIGT

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire