lundi 15 octobre 2012

Maurice Papon: LE PARCOURS SANGLANT D’UN CRIMINEL DE GUERRE.

Maurice Papon était le préfet de police en exercice à Paris lors de la manifestation des Algériens du 17 octobre 1961. Il sera ensuite connu pour son rôle dans la déportation de familles juives vers l’Allemagne quand il était secrétaire général de la préfecture de la Gironde entre 1942 et 1944 à la suite des révélations de la presse française en 1981. Au terme d’une longue procédure, il fut condamné le 2 avril 1998 à dix années de réclusion criminelle pour complicité de crimes contre l’humanité.
Il a été une première fois en poste en Algérie comme préfet de Constantine entre 1949 et 1951 avant d’exercer ensuite et jusqu’en 1954 les fonctions de secrétaire général de la préfecture de police de Paris. Il était en poste le 14 juillet 1953 lorsque la police tira sur une manifestation d’Algériens au cours de laquelle on dénombra sept morts.
Après un passage par le Maroc, il revient en Algérie où il est nommé préfet puis inspecteur général de l’Administration en mission extraordinaire (Igame), c'est-à-dire préfet de la région Est de l’Algérie. Il s’est fait connaître par l’action psychologique à destination des populations locales. On lui doit la création, en mars 1957, des Sections administratives urbaines, composées d’agents algériens et chargées de noyauter les populations urbaines pour déceler les militants du FLN, les faire arrêter et contrer leur influence. Il fut aussi à l’origine du Centre de renseignements et d’action (CRA) qui coordonnait l’action des différents services de police, de gendarmerie et de l’armée et dont les commandos combattirent les militants du FLN en usant de moyens extra-légaux.
En mars 1958, il retourne à Paris où il est préfet de police. Il y resta jusqu’en 1967. Le gouvernement du général de Gaulle le confirma dans son poste. Il était tout désigné de par son expérience algérienne pour lutter contre les réseaux du FLN en France. Il eut comme tâche de contrecarrer l’influence des militants indépendantistes sur la population algérienne et de les éliminer. Il commença par adapter le Centre de renseignements et d’action (CRA) dès 1958 en créant un service chargé des mêmes missions qu’il dénomma « Service de coordination des affaires algériennes » (SCAA) dont l’objectif avoué était le contrôle de la population algérienne. C’est le général de Gaulle qui mit sur pied, le 9 juillet 1958, un groupe de travail chargé de proposer les actions destinées à contrer l’action du FLN auprès des populations algériennes. On reproduisit les mêmes méthodes utilisées en Algérie : une répression qui détournait les procédures judiciaires jugées contraignantes et inefficaces et qui fut confiée à des groupes de supplétifs algériens dont les dépassements furent couverts par les autorités. Les recommandations faites par Maurice Papon à ce groupe de travail sont suivies et aboutissent à l’ordonnance du 7 octobre 1958. On légalisa ainsi la détention administrative hors de tout contrôle judiciaire des Algériens considérés comme suspects et on autorisa les expulsions vers l’Algérie sur simples décisions administratives.
Reprenant les mesures déjà appliquées en Algérie en matière d’action psychologique, Maurice Papon transforma le SCAA qu’il a monté à la préfecture de police. Cette structure devint un instrument de lutte contre le FLN. Elle centralisa les informations sur les ouvriers algériens qu’elle cherchait à encadrer tout en tentant de les gagner en développant auprès d’eux des actions à caractère social. Elle fut aussi un instrument de répression disposant de l’appui des différentes forces de police. Ce maillage fut fortement renforcé par le Service d’assistance technique aux Français musulmans d’Algérie (SATFMA) dont le noyau était constitué par d’anciens officiers des SAS d’Algérie, spécialisés dans le travail psychologique en direction des Algériens démunis : soins, instruction des enfants, aides sociales, promotion des femmes, amélioration des relations avec l’administration, soutiens dans les démarches, etc. Cela allait de pair avec la collecte d’informations sur l’organisation du FLN que ces officiers cherchaient à contrer. Pendant le couvre-feu imposé aux Algériens en 1961, ce service sera chargé notamment de délivrer des sauf-conduits pour ceux qui travaillaient de nuit, ce qui permit de les ficher et de tenter de leur soutirer des renseignements. On pratiqua aussi les expulsions vers l’Algérie et l’éloignement des individus considérés comme suspects vers des départements lointains ainsi que l’internement sur décision administrative dans un établissement qu’on créa à cet effet : le Centre d’identification de Vincennes. Ce dispositif sera complété par la constitution d’une force paramilitaire rattachée à la préfecture de police, la Force de police auxiliaire (FPA) composée de supplétifs algériens à qui fut confiée la mission de traquer les éléments du FLN. Ces agents eurent recours à des méthodes semblables à celles utilisées en Algérie. Afin d’éliminer les agents du FLN, on autorisait une force policière à mener des actions sans contrôle de l’autorité judiciaire et sans respect des règles élémentaires du droit. Cette force fut connue surtout par deux brigades extrêmement actives dans les 13e et 18e arrondissements de Paris qui mirent les populations algériennes sous leur totale dépendance : contrôle des populations, patrouilles à toute heure, vérifications des hôtels, intimidations, arrestations et séquestrations arbitraires, tortures. La préfecture se déchargera complètement sur ses supplétifs pour contrôler l’action du FLN dans Paris. Leur action trop visible déclencha des protestations au sein de l’opinion française et, à l’été 1961, on les regroupa dans une caserne dans la banlieue parisienne.
Le préfet Maurice Papon ne fit que s’acquitter au mieux de la tâche qui lui a été confiée par son gouvernement en particulier par le ministre de l’Intérieur dont il dépendait directement : arrêter les agents du FLN, réduire leurs activités, retirer les populations algériennes de son influence. Il suivit ainsi la même politique gaulliste menée en Algérie en reproduisant les mêmes moyens.
La répression sanglante des manifestations du 17 octobre 1961 n’a pas de ce point de vue un caractère exceptionnel, même si elle surprit les Algériens et l’opinion française par son extrême violence. Elle était dans la continuité des mesures déjà prises en Algérie et reproduites sur le territoire de la Métropole.
La personnalité de Maurice Papon allait aussi se révéler quelques mois plus tard. Des forces syndicales et politiques décidèrent d’organiser en février 1962 une grande manifestation populaire pour protester contre les agissements de l’OAS en métropole. Maurice Papon consulta ses supérieurs sur la réponse à donner. Dans ses Mémoires, il affirme qu’il aurait suggéré de l’autoriser et que le ministre de l’Intérieur, se référant aux instructions du général de Gaulle, aurait maintenu l’interdiction. Le 8 février 1962, les manifestations furent violemment réprimées et il y eut un évènement tragique : à la station de métro Charonne au milieu de la foule fuyant la brutalité policière, on releva huit décès. Quelques jours plus tard, le premier ministre rendit officiellement hommage à la police parisienne, lui exprimant sa confiance et son admiration. Maurice Papon fut ensuite officiellement loué pour les qualités dont il fit preuve pour mener ses missions.
En mai 1981, la presse française révéla le rôle joué par Maurice Papon dans la déportation des juifs lorsqu’il était en poste à Bordeaux pendant l’occupation. Il est inculpé en 1983 et condamné après une longue procédure, le 2 avril 1998, à une peine de dix ans de réclusion criminelle pour complicité de crimes contre l’humanité. Il est décédé le 17 février 2007, n’ayant finalement passé que trois années de détention en raison de son état de santé (de 1999 à 2002).
Maurice Papon a été un fonctionnaire zélé qui a appliqué scrupuleusement les instructions de sa hiérarchie, comme un serviteur de l’ordre, sans états d’âme et sans avoir été à aucun moment ébranlé par sa conscience.
Boualem TOUARIGT

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