Safy Boutella à “Liberté”
“J’ai refusé de participer à la mascarade du clip pro-Bouteflika”
Alors que certains artistes disent avoir été piégés pour leur participation au clip de soutien au Président sortant, d’autres, en revanche, beaucoup plus avisés, ont senti, dès le début, la propagande et le “flop” qui n’ont pas manqué d’avoir lieu. Le compositeur Safy Boutella était de ceux-là !
Liberté : On ne vous a pas vu dans le clip de la campagne électorale de Bouteflika. Avez-vous été contacté à ce sujet ?
Safy Boutella : Oui, on m'a, d'abord, proposé d'apparaître dans le clip. Ensuite, lorsque j'ai refusé, on m'a demandé de réaliser au moins les arrangements musicaux. Cela aurait alors ressemblé à des petits arrangements... entre amis ! J’ai, bien sûr, refusé de me prêter à ce que je considérais être une absurde mascarade.
En revanche, j’aurais préféré être contacté au sujet du projet d'école de formation diplômante à la musique que j'ai, à nouveau, déposé en haut lieu, il y a deux mois.
De nombreux artistes confirmés se sont laissé prendre à cette “mascarade” à l’instar de votre ami Djamel Allam, pour ne citer que lui. Qu'en pensez-vous ?
Et bien, c'est un constat d'échec, et pas forcément pour les raisons que l'on croit. Parce que, en réalité, le régime n'a que faire des artistes. Au lieu de s’occuper de la réelle politique culturelle, le voilà qu’il s’érige en directeur artistique d'une campagne de très mauvais goût.
Quant aux artistes qui ont participé : certains ont leur conviction, d’autres sont perdus, faute de structures et de perspectives.
Alors pourquoi tirer sur une ambulance ? Vous parlez de Djamel Allam, mais vous savez très bien que ce n'est pas un vendu. Dites-moi, bénéficie-t-il d’une assurance-chômage ? A-t-il une retraite conséquente, lui qui a passé toute sa vie à chanter son pays, ici et ailleurs ? Où en sommes-nous par rapport au statut de l'artiste ? Non, la faute incombe à un régime sans pitié envers ses enfants et ses artistes.
Voilà la violence dans laquelle il nous précipite tous encore une fois, en nous dressant les uns contre les autres. Diviser pour mieux régner, on connaît la chanson !
Vous étiez membre du jury de l’émission “Alhan oua Chabab”. Même les jeunes lauréats de ce concours de chant ont été embringués dans ce clip controversé pour le 4e mandat. Leur en voulez-vous ?
Leur en vouloir ? Mais certainement pas ! J’en veux à ceux qui les ont associés à cette mascarade. Ces jeunes, je les ai accompagnés tout le long de la compétition. Mon souhait était qu'ils puissent s’épanouir dans ce métier, du moins entamer une démarche professionnelle. Même si je ne suis pas dupe : il n'y a toujours pas d'industrie musicale dans notre pays. Je suis profondément affecté à l’idée que ce soit ce clip qui leur ait donné leur premier cachet. Ah ! Ils vont en avoir de beaux souvenirs quand, dans 20 ans, ils se rappelleront comment une bande de producteurs sans scrupules leur aura mis le pied à l’étrier en leur apprenant la démagogie, la manipulation et le mensonge. Voilà une belle façon de commencer une carrière d’artiste et surtout une vie de citoyen ! Au lieu d’offrir à ces jeunes une école, une bourse d’études ou tout au moins une perspective d'avenir, on les enrôle de force, quitte à les abandonner, par la suite, à la vindicte populaire. À nouveau, diviser pour mieux régner et surtout abuser de la faiblesse des autres. C’est ce que fait ce régime, même au plus haut sommet de l’État, en osant présenter au peuple un candidat malade et fatigué, et ce, au mépris de sa dignité humaine. Tout cela est écœurant !
Les gens courent aujourd’hui après l’argent sans savoir parfois où ils mettent les pieds. La corruption a miné la société entière et touche désormais à la sécurité du pays. Comment, selon-vous, en est-on arrivé là ?
Je me le demande ! On baigne en plein machiavélisme. Comment ce régime peut-il manquer à ce point de conscience après tout ce que notre pays a déjà enduré ? Mais quel est donc ce sort jeté sur notre terre si forte, si belle pour qu’elle en soit devenue le théâtre de la corruption, de l’approximation, du délabrement, de l’envie, de la hogra, du vol en bande organisée ? Nous en avions pourtant connu de vrais prédateurs.
Il n’y a pas si longtemps ! Nos pères se sont chargés de nous redonner notre pays, mais qu’a-t-on fait de cet héritage ? Notre pays est aujourd'hui la risée du monde...
Vous êtes le fils d’un ancien moudjahid et officier supérieur de l’ANP. Doit-on y voir aussi l’une des causes de votre profonde déception ?
Vous savez, j’ai vu mon père triste et frustré à la fin de sa vie car, pétri de conscience, il sentait que nous avions dévié de notre route : celle des valeurs, de la construction et de l’édification de la nation Algérie. Moi-même, je ne peux plus supporter tant de gâchis et de temps perdu.
Quel est votre vœu en cette veille d’élection présidentielle ?
Nous avons aujourd'hui besoin d'une révolution des mentalités. Nous avons besoin d’un Algérien nouveau, civilisé, soucieux du droit et qui n'a pas peur du raffinement, du savoir-vivre et de l'art de vivre. Personnellement, je crois à “l’homme providentiel”, ce patriote, scrupuleux et attaché aux valeurs. Cet homme aimant et aimé, respectueux de son pays et de son peuple. Mais où est cet homme ?
Il va falloir surtout vaincre la fatalité d’un 4e mandat…
Même si je ne me fais aucune illusion sur l’issue du scrutin du 17 avril, je préfère rester confiant quant à la suite des événements.
L’Algérie ne se perdra pas, nous ne la perdrons pas, car nous sommes responsables. Nous avons des gens de valeur, y compris au sommet de l’État. Il faut continuer d’y croire !
Liberté : On ne vous a pas vu dans le clip de la campagne électorale de Bouteflika. Avez-vous été contacté à ce sujet ?
Safy Boutella : Oui, on m'a, d'abord, proposé d'apparaître dans le clip. Ensuite, lorsque j'ai refusé, on m'a demandé de réaliser au moins les arrangements musicaux. Cela aurait alors ressemblé à des petits arrangements... entre amis ! J’ai, bien sûr, refusé de me prêter à ce que je considérais être une absurde mascarade.
En revanche, j’aurais préféré être contacté au sujet du projet d'école de formation diplômante à la musique que j'ai, à nouveau, déposé en haut lieu, il y a deux mois.
De nombreux artistes confirmés se sont laissé prendre à cette “mascarade” à l’instar de votre ami Djamel Allam, pour ne citer que lui. Qu'en pensez-vous ?
Et bien, c'est un constat d'échec, et pas forcément pour les raisons que l'on croit. Parce que, en réalité, le régime n'a que faire des artistes. Au lieu de s’occuper de la réelle politique culturelle, le voilà qu’il s’érige en directeur artistique d'une campagne de très mauvais goût.
Quant aux artistes qui ont participé : certains ont leur conviction, d’autres sont perdus, faute de structures et de perspectives.
Alors pourquoi tirer sur une ambulance ? Vous parlez de Djamel Allam, mais vous savez très bien que ce n'est pas un vendu. Dites-moi, bénéficie-t-il d’une assurance-chômage ? A-t-il une retraite conséquente, lui qui a passé toute sa vie à chanter son pays, ici et ailleurs ? Où en sommes-nous par rapport au statut de l'artiste ? Non, la faute incombe à un régime sans pitié envers ses enfants et ses artistes.
Voilà la violence dans laquelle il nous précipite tous encore une fois, en nous dressant les uns contre les autres. Diviser pour mieux régner, on connaît la chanson !
Vous étiez membre du jury de l’émission “Alhan oua Chabab”. Même les jeunes lauréats de ce concours de chant ont été embringués dans ce clip controversé pour le 4e mandat. Leur en voulez-vous ?
Leur en vouloir ? Mais certainement pas ! J’en veux à ceux qui les ont associés à cette mascarade. Ces jeunes, je les ai accompagnés tout le long de la compétition. Mon souhait était qu'ils puissent s’épanouir dans ce métier, du moins entamer une démarche professionnelle. Même si je ne suis pas dupe : il n'y a toujours pas d'industrie musicale dans notre pays. Je suis profondément affecté à l’idée que ce soit ce clip qui leur ait donné leur premier cachet. Ah ! Ils vont en avoir de beaux souvenirs quand, dans 20 ans, ils se rappelleront comment une bande de producteurs sans scrupules leur aura mis le pied à l’étrier en leur apprenant la démagogie, la manipulation et le mensonge. Voilà une belle façon de commencer une carrière d’artiste et surtout une vie de citoyen ! Au lieu d’offrir à ces jeunes une école, une bourse d’études ou tout au moins une perspective d'avenir, on les enrôle de force, quitte à les abandonner, par la suite, à la vindicte populaire. À nouveau, diviser pour mieux régner et surtout abuser de la faiblesse des autres. C’est ce que fait ce régime, même au plus haut sommet de l’État, en osant présenter au peuple un candidat malade et fatigué, et ce, au mépris de sa dignité humaine. Tout cela est écœurant !
Les gens courent aujourd’hui après l’argent sans savoir parfois où ils mettent les pieds. La corruption a miné la société entière et touche désormais à la sécurité du pays. Comment, selon-vous, en est-on arrivé là ?
Je me le demande ! On baigne en plein machiavélisme. Comment ce régime peut-il manquer à ce point de conscience après tout ce que notre pays a déjà enduré ? Mais quel est donc ce sort jeté sur notre terre si forte, si belle pour qu’elle en soit devenue le théâtre de la corruption, de l’approximation, du délabrement, de l’envie, de la hogra, du vol en bande organisée ? Nous en avions pourtant connu de vrais prédateurs.
Il n’y a pas si longtemps ! Nos pères se sont chargés de nous redonner notre pays, mais qu’a-t-on fait de cet héritage ? Notre pays est aujourd'hui la risée du monde...
Vous êtes le fils d’un ancien moudjahid et officier supérieur de l’ANP. Doit-on y voir aussi l’une des causes de votre profonde déception ?
Vous savez, j’ai vu mon père triste et frustré à la fin de sa vie car, pétri de conscience, il sentait que nous avions dévié de notre route : celle des valeurs, de la construction et de l’édification de la nation Algérie. Moi-même, je ne peux plus supporter tant de gâchis et de temps perdu.
Quel est votre vœu en cette veille d’élection présidentielle ?
Nous avons aujourd'hui besoin d'une révolution des mentalités. Nous avons besoin d’un Algérien nouveau, civilisé, soucieux du droit et qui n'a pas peur du raffinement, du savoir-vivre et de l'art de vivre. Personnellement, je crois à “l’homme providentiel”, ce patriote, scrupuleux et attaché aux valeurs. Cet homme aimant et aimé, respectueux de son pays et de son peuple. Mais où est cet homme ?
Il va falloir surtout vaincre la fatalité d’un 4e mandat…
Même si je ne me fais aucune illusion sur l’issue du scrutin du 17 avril, je préfère rester confiant quant à la suite des événements.
L’Algérie ne se perdra pas, nous ne la perdrons pas, car nous sommes responsables. Nous avons des gens de valeur, y compris au sommet de l’État. Il faut continuer d’y croire !
Mohamed-Chérif LACHICHI
source : Liberté Algérie
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