mercredi 12 décembre 2012

« Envoyez vos questions par écrit » : Bouteflika à l’AFP, histoire d'une interview ....

L’agence France Presse tenait ce mardi 11 décembre son scoop : une interview exclusive, par écrit, du chef de l’Etat algérien Abdelaziz Bouteflika accordée au bureau d’Alger de l’agence onze jours avant la visite de François Hollande en Algérie. Diffusée dans la matinée, la dépêche de l’AFP, siglée « Exclusif », est aussitôt reprise dans la presse française et algérienne, y compris par l’agence d’Etat APS (Algérie presse service) qui en fera un compte rendu.

En milieu de journée, l’APS diffusera sur son site l’intégralité de l’entretien en précisant avoir obtenue une copie. De qui ? Qui a fourni à l’agence publique une copie de l’entretien alors que celui-ci n’a pas été publié par l’AFP ?
Contactée par DNA, Bétarice Khadije, chef de bureau de l’agence français à Alger, affirme au téléphone que c’est « la présidence de la république qui a donné une copie de l’interview à l’APS. » Point à la ligne.
Comprendre : l’agence française n’a pas été consultée ni par El Mouradia ni par l’APS pour donner ou non son autorisation quant à sa diffusion intégrale sur le site de l’APS.
La présidence a-t-elle peu goûté que l’agence française n’ait pas diffusé l’entretien au complet ? Ou a-t-elle voulu donner une large diffusion au propos du chef de l’Etat plutôt avare en communication depuis plusieurs mois?
• Lire → Erik Izraelewicz, directeur du Monde, à DNA : «Bouteflika n’a pas accordé d’entretien à notre journal»
Contactée par DNA, les services de la communication de la présidence ne répondent pas.
De son côté, la rédaction en chef de l’APS affirme ne pas pouvoir s’exprimer sur le sujet et nous renvoie vers la direction de la rédaction. Celle-ci nous fait savoir en début de soirée via le standard qu’elle « est très occupée ».
Comment cette interview a-t-elle obtenue ? La semaine dernière, le bureau d’Alger de l’AFP prend attache avec le département de la communication de la présidence pour solliciter un entretien avec le chef de l’Etat. Réponse de la chargée de la communication : « Envoyez vos questions par écrit. » Ce qui fut fait.
Dimanche 9 décembre, les réponses du président algérien étant prêtes, l’interview a donc été remise au bureau de l’AFP qui décidera d’en faire une dépêche plutôt que de la proposer dans son intégralité, jugeant probablement le contenu trop long et pas totalement percutant.


• Lire → Loi sur la presse liberticide? Mais qu'a fait Bouteflika depuis qu'il a viré le ministre de la Com?

Une interview par écrit ? C’est devenu un classique à la présidence algérienne bien que le procédé soit pratiqué par des chefs d'Etats de part le monde.
Déjà l’été dernier, Abdelaziz Bouteflika a accordé une fournée d’interviews à des suppléments publicitaires payés par le gouvernement algérien et publiés dans des titres de la presse internationale (Le Monde, USA Today, El Hayat...) à l'occasion du cinquantenaire de l'Indépendance. Et les propos du chef de l'Etat étaient écrits et le contenu contrôlé à la virgule près.
Depuis son hospitalisation au Val de Grâce en novembre 2005, le président algérien évite soigneusement les journalistes et sa communication est totalement verrouillée.
Les rares fois où Bouteflika s’exprime dans les médias étrangers, il ne le fait plus face aux journalistes. Toujours par écrit, lui qui par le passé était qualifié de « président parleur » pour avoir accordé plusieurs dizaines d’interviews aux journaux, aux télés et aux radios du monde entier.
« Mercenaires qui tuent avec leur plume »
Mais si le président, aujourd’hui âgé de 76 ans, s’est toujours montré disponible et un franchement bienveillant vis-à-vis des médias étrangers, en revanche il a constamment adopté une attitude de distance et de mépris à l’égard de la presse algérienne.
Candidat à la présidence en 1999, il avait qualifié les journalistes de « tayabat el hammam » (commères de bains maures). Réélu président en 2004, il les traitera de « mercenaires qui tuent avec leur plume ».  Au lance-flamme. « C'est une sorte de terrorisme, a-t-il décrété en mars 2004. C'est une presse qui travaille au profit de cercles étrangers qui ne veulent pas le bien pour l'Algérie et pour ce peuple ».
Durant les treize années de son règne, Abdelaziz Bouteflika n’a jamais tenu de conférence de presse avec les journalistes de son pays pas plus qu’il n’a accordé un entretien face-à-face à un journaliste algérien. Un classique chez le président.


• Lire → Quand Bouteflika le Jefferson algérien découvre des vertus au pluralisme médiatique




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