Avec In Amenas, l'Algérie a eu son 11-Septembre
Certains l'ont écrit: In Amenas est le 11-Septembre de l'Algérie. D'où l'idée de savoir ce qu'est véritablement un 11-Septembre.
Le 11-Septembre est un méga-attentat qui implique des terroristes de haut niveau, un but spectaculaire, énormément d’effets médias, quelques jours de tension, des rumeurs, des vidéos amateurs, deux mille analyses par heure, de l’angoisse collective et de la mobilisation militaire.
Mais le 11-Septembre ne se passe pas seulement un 11 septembre, selon le manuel: il dure des années après. Il permet d’envahir un autre pays qui n’a rien fait, ou de se faire réélire ou de justifier un retour au tout sécuritaire.
Un 11-Septembre permet de souder un peuple au sol et aux siens, de se faire passer pour le héros quand on est idiot ou de gagner un autre mandat présidentiel. Il permet aussi de gonfler les budgets de dépenses de l’armée, demettre en veille la démocratie ou les réformes au profit de la stabilité et de la sécurité, alias le régime et ses polices et méthodes policières.
L’opium du peuple
Un bon 11-Septembre, bien filmé, bien remasterisé, revendu en produits dérivés et autres miniatures, permet d’éviter aussi les pressions internationales ou populaires et de faire croire au peuple que «sans moi, c’est le chaos». Bush l’a dit, les autres aussi, les nôtres de même.
Et chez nous? Le 11-Septembre d’In Amenas va même, peut-être, permettre de se passer d’élections, de passations ou de transition. Plus de printemps arabe. Pas de démocratisation à pas forcé. Pas de civils dans les grandes affaires du pays.
Sauf que comme cela s’est passé aux Etats-Unis, par exemple, un 11-Septembre rend aveugle sur le présent et le futur tout en évitant de regarder vers le passé: c’est-à-dire se poser la question de comment est-ce arrivé?
Un 11-Septembre rend aussi bête (le ministre de la Communication, pour éviter des In Amenas dans le futur a déclaré sur la chaîne III algérienne: «Je lance un appel pour diversifier nos exportations et réduire notre dépendance par rapport aux hydrocarbures», avant de refermer cette parenthèse), grossier, violent avec le reste du monde et avec les siens qui ne pensent pas comme vous.
La source de tous les délires
Il pousse au ridicule et à la paranoïa. Au faux héroïsme et à tuer la liberté. Il fait délirer. Donne de la fièvre et fait élever des chants trop unanimes. Il faut donc faire attention: de grandes nations sont devenues petites parce que leur 11-Septembre ne leur a pas servi être mieux, mais à imaginer le pire.
Et le «11 Amenas»? Certains y voient déjà un 1er novembre conclu (1er novembre 1954, laToussaint rouge, début de l’insurrection algérienne), pour les otages, par un 05 Juillet (procalmation de l’indépendance). Certains disent que c’est un 19 Juin 65 (coup d’Etat de Houari Boumedienne, où Ben Bella est renversé). D’autres non.
A la fin? Le 11-Septembre peut servir à tout: faire des tee-shirts ou rajeunir une dictature. Il faut faire attention. Déjà qu’il a fait de nous le centre du monde, à la télévision algérienne, on parle déjà de l’Algérie (cible d’un complot mondial et d’une haine viscérale du reste de l’humanité) comme le nombril de la création.
Kamel Daoud
Le Quotidien d’Oran
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