mardi 11 juin 2013

Bulletin de santé: le pétrole est malade par Kamel Daoud

Le bulletin de santé hebdomadaire vient d'être rendu public: Bouteflika va bien, les otages algériens au Mali vont bien, le pétrole va mal. C'est la substance de la semaine délivrée par le ministre des Affaires étrangères et par le gouverneur de la Banque d'Algérie. Sont informés donc ceux qui s'inquiètent pour Bouteflika, ceux qui s'inquiètent pour l'Algérie et ceux qui s'inquiètent pour le pétrole. Et l'effet du bulletin est encore toujours variable selon la population ciblée: les uns ne croient plus, les uns n'espèrent plus et les uns ne se sentent plus en sécurité. «Bouteflika va bien et dirige le pays», est une phrase à double sens pour certains Algériens: cela peut vouloir dire Abdelaziz, Saïd ou Nacer. Dans le tas, c‘est Saïd qui va mieux et de plus en plus selon les sceptiques ou les désoeuvrés. Cela veut dire que le régime dit la vérité quand il dit que Bouteflika dirige le pays, et cela veut dire que le régime ment quand il dit Bouteflika dirige le pays. C'est le drame de la communication officielle: elle ment et elle dit la vérité en même temps. 

Comme pour les otages du Mali: ils se portent bien selon Medelci, le ministre des AE. Cela veut dire qu'ils vont bien comme Bouteflika et qu'ils vont mal comme Bouteflika. Les deux propositions de vérité étant vraies et fausses en même temps: on ne peut pas être bien en étant malade en France ou otages au Mali. On peut être bien en étant vivant. Le cas de Medelci étant étrange: il a pour devoir de rassurer sur deux cas, deux fronts, deux points cardinaux (le nord et le sud) et sans y être.

Reste le pétrole: il va bien ou va mal ? Le pétrole va bien selon les Algériens: il coule, se vend et ils mangent et ne font rien. Là cependant, le banquier de la nation dit que les réserves et les recettes baissent parce que le pétrole va mal: il est otage et malade à la fois. Il n'a pas de frères, seulement des puisatiers. De quoi faut-il s'inquiéter à la fin ? Humainement, des otages du Mali; politiquement du frère de Bouteflika; poliment de Bouteflika lui-même; gravement, du pétrole. C'est le frère de tous, l'enfant de nos siècles, le pain de la terre venu du ciel, le muscle de nos bras, le plus grand fleuve algérien, la lumière de nos yeux, la véritable fakhama, le vrai père de toutes les injazates, le grand-père du peuple. On peut remplacer un président, mais on ne peut pas remplacer le pétrole: là, il faudra nous remplacer tous. Presque tous invalides.

Quand le pétrole est malade, les Algériens ne doutent pas, le savent d'instinct et s'en inquiètent dans l'unanimité. 

Kamel Daoud

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