jeudi 13 juin 2013

Election présidentielle 2014 L’intox et le déjà vu

On ne sait pas encore si Abdelaziz Bouteflika se présentera pour sa propre succession à la présidentielle de 2014. Mais même avec sa maladie, il faut reconnaître que c'est encore et toujours lui qui conserve toutes les cartes en main.
Il peut se retirer maintenant avec le motif de la maladie, aller au bout de son mandat ou même au-delà. Ceux qui nourrissent des ambitions nationales, resteront encore suspendus à sa longévité. On se souvient, en effet, qu'il y a eu, dès le début de l'année, un mouvement sur lequel, des parties ont tenté d'embrayer pour se porter vers le quatrième mandat, "el ouhda rabiaa", aussi bien dans le mouvement associatif, les clubs de football ou certains médias. Mais on sait que depuis la maladie du chef de l'Etat, tout cela s'est estompé et c'est en l'absence d'une communication crédible, que l'on s'est retrouvé en quelques semaines, devant une situation où le quatrième mandat était une formalité pour Bouteflika, à lui de rechercher aujourd'hui les possibles successeurs, en passant par la controverse sur l'article 88 de la Constitution. Et pourtant, il suffit de revisiter les conditions dans lesquelles se sont déroulées les 3 précédentes élections présidentielles, pour se rendre compte qu'à chaque fois, cela se passait toujours dans des conditions jamais idéales pour Bouteflika. Autant dire qu'il est trop tôt pour tirer quelque conclusion de ce qui se passe aujourd'hui !
Avant d'aller plus loin, ouvrons ici, une parenthèse au sujet de la communication sur l'état de santé de Bouteflika, que l'on dit catastrophique et que même le Premier ministre ait cru de bonne guerre de critiquer à son tour. En réalité, qui peut communiquer sur l'état de santé du président à part le président lui-même ? Ce n'est pas de la part du ministre de la communication ou de tel autre cadre de la Présidence de la République, qu'il faut attendre une initiative de ce genre, et il n'y a pas en cela que des considérations liées à nos traditions bureaucratiques. Il y a tout lieu de penser qu'il ne s'agit pas d'une mauvaise communication, mais d'une volonté de ne pas trop communiquer et, parfois aussi, de ne pas communiquer du tout. Abdelaziz Bouteflika qui, comme tout chef d'Etat, tenant à son prestige personnel, ne tient pas à ce que les Algériens le voient de mauvaise mine. Cela est d'autant plus vrai s'il est candidat pour un quatrième mandat et que l'annonce de cette dernière maladie peut représenter pour lui, un obstacle de plus dans sa communication, lui que la rumeur donne depuis 2005 comme malade et diminué. Mais cela tient aussi à une pudeur compréhensible chez n'importe quelle personne malade. Et cela, quitte à faire les frais des rumeurs et de la pression médiatique, dont parfois, on se demande, si elle puise toute sa violence dans le besoin d'informer ou dans un voyeurisme insidieux. Enfin, last but not least, on relève aussi la faiblesse structurelle de notre presse qui n'arrive toujours pas à hisser son niveau d'investigation et à parvenir à contourner les difficultés pour livrer une information crédible et indépendante. Parenthèse fermée.
Somme toute, on en est aujourd'hui à exclure l'hypothèse d'un quatrième mandat pour Bouteflika, comme le disent des personnalités qui font autorité, dont le dernier en date est l'historien Benjamin Stora. Pour les plus optimistes dans le cas du chef de l'Etat, on parle de la possibilité d'aller jusqu'au bout du mandat, mais sans plus. Mais sur quoi peut-on se baser aujourd'hui, pour livrer tel ou tel pronostic ? Surtout qu'en ce moment, ce n'est pas l'activité politique, au sens large du terme, qui domine la scène nationale, ce ne sont pas les candidats, les programmes, les discours, les alliances, non rien de cela, mais l'intox et la rumeur qui s'immiscent partout, dans les cercles du microcosme algérois comme dans les derniers cafés de l'arrière-pays. Au vrai, nul n'en sait rien dans cette période où on entend de tout, comme par exemple, la piste de Liamine Zeroual qui, pourtant, a été mille fois très claire pour dire qu'il ne reviendrait pas à la politique et que, personnellement, il ne croit pas à l'homme providentiel. De plus, en dehors de Benbitour, obligé pour continuer d'exister médiatiquement que d'être candidat à la présidentielle, à chaque fois qu'il lui est possible, on ne voit aucun candidat, et surtout pas les poids lourds, en dehors (encore une fois) de la rumeur sur une candidature à venir de Ali Benflis.
Alors, il faut le dire, par son âpreté et la montée au créneau de certains acteurs depuis longtemps silencieux, la controverse sur la maladie du président, nous rappelle surtout la campagne pour la présidentielle de 2004. On peut dire qu'aujourd'hui, tout le monde s'est reconvoqué et il ne manque plus que Abdelmoumène Khalifa pour que le décor soit ainsi complètement recréé. En 2004, l'intox répandue à grande échelle, avait donné l'armée désireuse de se débarrasser de Bouteflika, Benflis adopté par Paris, et d'autres bruits de la même nature, qui ont  contribué à un grand suspense sur l'issue du scrutin conclu cela dit par plus de 80 % de voix en faveur de Bouteflika. La présidentielle de 2004 avait, par son intensité, effacé celle de 1999 qui, avec le retrait des candidats orchestré par Aït Ahmed, avait fait que le premier mandat de Bouteflika commençait avec une mauvaise élection. Le candidat du consensus se retrouvait dans la posture d'un candidat unique et c'est grâce au référendum sur la concorde civile, remporté avec plus de 70 % des voix, que le président Bouteflika ait enfin pu dépasser cet écueil.
Après 1999 et 2004, à quoi a-t-on assisté en 2009 ? A toute autre chose, lors d'une présidentielle où Abdelaziz Bouteflika jouait au rouleau compresseur devant des candidats qui n'avaient aucune chance et en l'absence des traditionnels présidentiables qui avaient compris qu'ils ne pouvaient rivaliser avec le président sortant. Ce fut une élection terne et jouée d'avance. En  2014, on verra tout sauf une autre élection de ce genre. Si Abdelaziz Bouteflika décide de ne pas se représenter, ou alors que sa santé ne le lui permette pas, cela sera des plus vrais, car à ce moment là, le nombre de candidats va exploser et tout le monde pensera partir à chances égales. En revanche, si Bouteflika veut se succéder à lui-même et qu'il se rétablisse entièrement de sa maladie comme le suggère la communication officielle, alors il faudra se dire que tout ce qui s'est passé ces dernières semaines aura joué à son unique avantage.          

Par Nabil Benali

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