jeudi 20 juin 2013

Jean Moulin, le parcours d’un héros né à Béziers



Cette photo, visible à Béziers, a été prise au Peyrou, à Montpellier.
Cette photo, visible à Béziers, a été prise au Peyrou, à Montpellier. (Photo PIERRE SALIBA)
Il y a 70 ans, le célèbre résistant était arrété par la Gestapo à Caluire. Sa ville natale lui consacre une exposition.
"Je suis un mort en sursis", lance Jean Moulin, traqué, à un autre résistant, Pierre Meunier, un après-midi de mai 1943, avant de le quitter. Ils ne se reverront pas. Dans la soirée du solstice d’été, la placette Jean Gouailhardou de Caluire (Rhône) résonnent des bruits de bottes de la Gestapo. Le chef du Conseil national de la Résistance est arrêté, emporté par un cortège de longs manteaux et de chapeaux feutres. Il meurt quinze jours plus tard.
Un homme timide
Moulin est historique, presque sculptural sur le célèbre cliché de son ami Marcel Bernard. Il est la figure héroïque, lisse et grave de la Résistance. Mais quel est cet homme, enfant de Béziers, mort à 44 ans de ses blessures en gare de Metz, dans un train qui le transférait à Berlin ? "Jean était un homme timide. Cloisonné même parfois", confie François Berriot, auteur d’un récent ouvrage sur le héros (1). D’abord brillant et doué pour tout, il devient un élève médiocre quand son frère meurt d’une péritonite en 1907. Il se remet à travailler pour le bac qu’il obtient sans mention. Puis il passe sa licence de droit à Montpellier. Jean Moulin ne fait pas d’efforts. Il ne travaille pas beaucoup, juste ce qu’il faut. Ce qui l’intéresse surtout, c’est l’art. Il peint des aquarelles, fait des gravures, parfois coquines. Il caricature d’abord ses professeurs. Talentueux, il vend plus tard des dessins humoristiques aux revues Gringoire et Le Rire. Il se fait même collectionneur de peintures. Il achète beaucoup d’œuvres, et pas des moindres : Claude Monet ou encore Auguste Renoir se retrouvent dans sa collection. Puis il illustre même un recueil de poème de Tristan Corbière, Armor. "Il aurait pu être artiste", souligne François Berriot.
Jean Moulin ne croyait pas à une carrière politique
Jean est aussi carriériste. Plus jeune sous-préfet de France à Albertville dès 1925, - il deviendra, en 1937, plus jeune préfet de France dans l’Aveyron -, il apprend à être habile et charismatique. Il vouvoie systématiquement et abdique son accent méridional pour faire bonne impression. Il aime plaire, surtout aux femmes. Il a un côté frimeur. Malgré son petit salaire de fonctionnaire, il s’achète des costumes de luxe et un cabriolet en empruntant, surtout à sa sœur et à son ami d’enfance, Marcel Bernard. Il skie à Megève… Pourtant, Jean Moulin n’est pas un jeune loup aux dents longues, un Rastignac sorti de la Comédie humaine. Il réussit dans la fonction publique comme un joueur habile mais il ne croit pas à sa carrière politique ; il n’a pas sa carte au Parti radical, à la différence de son père. Il est séducteur, charmeur mais toujours courtois. "Une présence légère et discrète", dira son amante Antoinette Saxe, égérie du poète Paul Géraldy.
Il entre en résistance
Jean, enfin, est un sensualiste, il aime jouir de ses sens. Par l’art, la séduction ou encore le sport, qu’il pratique avec frénésie. Il fait partie de ceux qui ne savent pas agir sans passion. Agir toujours, par amour de la vie et de la condition d’être homme. Alors devant l’oppression de ses semblables, devant l’injustice, Jean devient Moulin, la figure historique. Ce personnage qui organise l’aide aux Républicains espagnols en 1936 aux côtés du ministre de l’Air Pierre Cot. Celui qui se tranche la gorge à Chartres le 17 juin 1940 pour ne pas signer un document sous la contrainte des Allemands. Celui qui entre finalement dans la Résistance.On semble bien loin du jeune étudiant séducteur, fringuant dans son costume impeccable au bal de la Faculté de droit de Montpellier. Il s’agit pourtant bien du même homme, passionné et sans mesure, dans l’amour de la vie, comme dans la résistance à l’infamie.
CHARLES PERRAGIN
source Midi Libre

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