mercredi 12 juin 2013

L'Algérie mérite mieux que d'être réduite à Dar Essbitar...

Pour écrire cette chronique, il fal    lait attendre. Inutilement. Ou pas. Car le feuilleton sombre dans le rebondissement du rebondissement. Il a été vu donc. Par Sellal et le chef des militaires. Le message : par l'armée et le gouvernement. Mais le peuple ? Là, on est divisé : ceux qui croient qu'il est vivant. Ceux qui croient qu'il ne l'est presque pas. Ceux qui ne croient pas ce qu'ils ne voient pas. Et là, on est encore plus divisé : ceux qui sont agacés qu'on demande. Et ceux qui sont agacés par l'agacement de Sellal. Puis même en France : ceux qui disent qu'il faut dire la vérité aux Algériens. Ceux qui disent pourquoi il est venu chez nous en France se soigner. Ceux qui disent que c'est une affaire algéro-algérienne. Et ceux qui disent que cela ne nous concerne pas. Et ceux qui disent qu'il va bien et se porte mieux et rentre tard. Et encore plus : ceux qui ont dit en Algérie qu'il va rentrer hier. Qu'il le fera demain. Qu'il va être filmé. Ou rapatrié. Ou enterré. Ou démissionné. Puis cela se divise encore : ceux qui ont vu ses frères et ceux qui ont vu ceux qui ont vu ses frères. Ou encore plus : ceux qui se sont rassemblés près des Invalides en France et ceux qui sont invalides en Algérie et ne peuvent rien faire. Puis cela atteint même le Conseil constitutionnel : Tayeb Belaïz, l'un des « frères » de Bouteflika, lui aussi, d'un côté et les autres membres de l'autre et qui sont frappés par l'article 88 (impossibilité d'exercer leur mandat qui suppose la possibilité de contrôler l'incapacité du Président). Et cela évolue de minute en minute : un peuple en Algérie, un avion en France, des candidats à Alger, des frères à Sid Yahia selon certains, des commentaires dans des cafés, etc. 

A la fin ? Il faut cesser. L'homme est malade, âgé et incapable biologiquement d'avoir la force qu'il faut et qu'il veut pour continuer à gouverner ce pays. Ceux qui l'entourent, ceux qui l'utilisent, ceux qui l'aiment et ceux qui l'ont élu ou choisi devraient l'admettre et le comprendre. Le dire ce n'est pas faire dans l'insulte ou l'opposition. C'est faire dans le constat de l'évidence. On ne souhaite la maladie et la mort pour personne, mais là il s'agit de notre pays et de notre avenir. Pas d'un seul homme. Il est nuisible de réduire l'inquiétude des Algériens à un jeu de « contre-contre-coup d'Etat médical » ou à une défaillance de communication ou à l'esprit foncièrement sceptique des nôtres. Il s'agit d'un constat d'évidence et d'une inquiétude légitime sur l'avenir. Bouteflika ne peut pas assumer encore plus ses charges, de par son âge et ses faiblesses. Qu'on le veuille, l'admette ou le nie. C'est ainsi : c'est une loi de la vie. Que l'on finisse de s'acharner à enterrer cet homme ou à le faire revivre artificiellement. Il faut que l'on pense à l'avenir de tous. Que l'on arrête de diviser le pays entre Bouteflikistes et anti-Bouteflikistes. Entre manœuvres et rumeurs. Entre ses frères et les autres. Ce pays mérite mieux que ce dépeçage de soi et de l'autre et de tous. Il mérite le sens de l'Etat chez les uns et la générosité du renoncement chez les autres. Même s'il rentre, même s'il est filmé vivant ou enterré vivant, la question va désormais au-delà de son cas ou de l'insistance des siens, de la compassion ou des petits calculs au Conseil constitutionnel. Ce pays ne peut pas être réduit à un bulletin de santé, un malade, une rumeur et quelques démentis. 

Par Kamel Daoud

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